Ci-dessous le message de l’Association des journalistes du Burkina (AJB à l’occasion de la commémoration du décès de Norbert Zongo et de ses compagnons d’infortune, Blaise Ilboudo, Ernest Zongo, Abdoulaye Nikiéma
Militantes et militants du CODMPP et de la CCVC !
Confrères et consœurs,
Peuple du pays réel !
La douleur et l’émotion du 13 décembre 1998, ce jour funeste où Norbert Zongo et ses compagnons ont été assassinés, puis brûlés à Sapouy demeurent intactes. Ce jour, les Burkinabè ont perdu un grand défenseur de la liberté, de la démocratie et des droits humains. En éliminant l’intrépide journaliste d’investigation, ils ont sans doute espéré tuer avec lui, la presse indépendante. Eh bien ! ils se sont lourdement trompés. Ils ont certes réussi à endeuiller des familles, un peuple, mais ils n’ont guère réussi à effrayer, ni à faire taire les journalistes, les défenseurs de la liberté de la presse, les défenseurs des droits humains et les démocrates.
Aujourd’hui, cela fait 23 ans, jour pour jour ! 23 longues années que les assassins, exécutants et commanditaires rusent avec la justice. Mais c’est peine perdue, tant le peuple est resté débout et déterminé. Les journalistes du Burkina, de l’Afrique et du monde, les avocats des familles, les défenseurs des droits de l’homme, les militants du Pays réel se sont toujours mobilisés pour faire échec à toutes les stratégies destinées à consacrer l’impunité dans ce dossier. Les longues années de lutte, la répression, les tergiversations ne sont pas venues et ne viendront pas à bout de notre détermination.
Camarades !
Six ans après la réouverture du dossier Norbert Zongo, les Burkinabè regardent vers la Cour européenne des droits de l’homme, sur laquelle compte François Compaoré, commanditaire présumé du quadruple assassinat de Sapouy pour échapper à la justice. Mais ce n’est pas que cela. Les Burkinabè scrutent encore plus leur justice, qui tarde désespérément à les édifier sur les exécutants et les commanditaires de l’assassinat de Norbert Zongo, Blaise Ilboudo, Ernest Zongo et Abdoulaye Nikiéma.
Combien de temps les Burkinabè devront-ils encore patienter pour que justice leur soit rendue ? Et quelle justice, tant ils voient les présumés exécutants disparaître les uns après les autres ?
Norbert Zongo !
En ce 23è anniversaire de ton assassinat barbare, les Burkinabè font toujours face à la lancinante question de la crise sécuritaire de nature terroriste. Nous sommes à environ 2000 morts et à plus d’un million quatre cent mille (1 400 000) déplacés internes. Malgré autant de larmes, de sang et de sacrifices, nous touchons aujourd’hui le fonds. La faute, à une gouvernance sécuritaire plus qu’approximative, au point de laisser des gendarmes affamés pendant des jours au front, rendant ainsi inévitable, le drame humain bouleversant vécu le 14 novembre 2021 à Inata, aux confins du Sahel, avec la mort de 53 de nos vaillants gendarmes et quatre civils. Militaires, gendarmes, policiers, douaniers, agents des eaux et forêts, fonctionnaires, commerçants, paysans, ouvriers, le deuil est permanent.
L’on a changé de Premiers ministres, de ministres de la Défense, de ministres de la Sécurité, de chefs d’Etat-major général de l’armée, mais le problème demeure sans solution. Faudrait-il peut-être changer de gouvernance, loin de toute corruption ? Une gouvernance des mains propres, avec un gouvernement resserré comme promis ? Tous ces drames humains, ces approximations dans la gouvernance n’auraient pas échappé à ta plume acérée.
Norbert Zongo !
Dans ce pays que tu as tant aimé, les vieux démons ne meurent jamais :
- expulsion d’une centaine de travailleurs hors des médias publics en 2020 ;
- suspensions illégales de salaires de centaines de travailleurs en 2020,
- conseil de discipline arbitraire;
- interdiction abusive de la marche du 27 novembre 2021 et la répression qui s’en est suivie ;
- coupure abusive de l’Internet mobile en novembre 2021 ;
- nombreuses tentatives d’attentats à la vie de combattants de la liberté notamment d’activistes et de journalistes ;
- exécutions sommaires et extrajudiciaires, suscitées et alimentées par une stigmatisation à outrance de certaines communautés (cas de Tanwalbougou, en plus de ceux déjà connus de Kain-Ouro, Yirgou, Sollé, Natiaboani, etc.) ;
- constitution d’escadrons de la mort procédant à des assassinats ciblés (cas non encore élucidés des responsables de l’ODJ, Fahadou CISSE et Hama BALIMA) dont les corps sont toujours à la morgue;
- corruptions à outrance et pillage éhonté des ressources du peuple ;
- et la liste est loin d’être exhaustive !
Norbert Zongo !
Les mots, les formules justes, tu les aurais trouvés pour dénoncer dans ton journal, L’Indépendant, cette répression, ces crimes et ces actes attentatoires à la liberté.
Tu aurais trouvé la bonne attitude pour te mobiliser aux côtés de ton peuple combattant.
Tu serais allé dans toutes les contrées pour porter le message du respect des droits humains.
Norbert Zongo !
Après 23 ans de mobilisation et de lutte, le peuple du pays réel est encore debout et te renouvelle son engagement à poursuivre le combat afin que vérité et justice soient rendues :
- à toi et à tes compagnons d’infortune ;
- à Flavien Nebié, ce jeune élève fauché à la fleur de l’âge dans cette lutte pour la vérité et la justice pour toi et tes compagnons ;
- aux Martyrs de l’Insurrection populaire d’octobre 2014 et de la Résistance héroïque au putsch de septembre 2015, tombés pour la liberté et la démocratie.
Norbert Zongo, tes confrères ici présents te réitèrent, leur détermination à se battre sans relâche jusqu’à ce que la lumière soit faite sur ton assassinat odieux ce 13 décembre 1998.
Vérité et justice pour toi Norbert Zongo et pour tes compagnons !
Vérité et justice pour les victimes de l’Insurrection et du putsch !
Vérité et justice pour toutes les victimes de crimes de sang !
Non aux menaces contre les journalistes !
Non à la caporalisation et au bâillonnement des médias publics par l’Exécutif !