Dans la déclaration qui suit, la section Ouaga de l’Association nationale des étudiants du Burkina (ANEB) invite les étudiants à adhérer massivement au mot d’ordre de grève des 8 et 9 décembre 2021 pour protester contre les nombreuses difficultés qui entravent la vie estudiantine.
Le 1er octobre a été la date officielle de rentrée scolaire et universitaire 2021-2022 dans tous les ordres d’enseignement dans notre pays. Malheureusement cette date a été plutôt une date de reprise des activités académiques dans nos universités publiques en général et pour celles de la ville de Ouagadougou en particulier compte tenu du retard académique.
D’ailleurs, c’est le 15 octobre 2021 qu’une cérémonie officielle de la rentrée académique des universités publiques a été tenue en grande pompe à l’Université Thomas SANKARA (UTS). Le choix de cette université pour abriter cet évènement n’est pas fortuit. Il(le choix) sonne comme la traduction d’une marque de satisfaction du patron Alkassoum MAIGA de l’enseignement supérieur en ses fidèles serviteurs zélés que sont les autorités de cette université pour leur illustration dans la répression des étudiants et de leur organisation authentique de lutte qu’est l’ANEB. Il sonne également comme une invite des Présidents des autres universités à suivre «l’exemple» de Monsieur Ardjima THIOMBIANO de l’UTS.
Cette rentrée scolaire et universitaire s’effectue dans un contexte national particulier marqué par l’incapacité du pouvoir du Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP) et alliés à satisfaire aux préoccupations les plus basiques des populations (sécurité, santé, éducation et justice). La situation sécuritaire va de mal en pis avec des pans entiers de notre territoire sous contrôle terroriste. Les tueries d’Inata et de Foubé ont fait monter d’un cran la colère des populations, que certaines ont utilisé pour demander le départ du Président Roch. Dans le même temps, la jeunesse populaire a fait preuve de courage en bloquant le convoi militaire français qui traversait le pays en terrain conquis. Nous encourageons et nous soutenons cet élan de lutte anti-impérialiste.
Cette reprise des activités académiques s’effectue dans un contexte de crise généralisée aussi bien dans les universités publiques que dans les universités privées de la ville de Ouagadougou.
Sur le plan académique, le retard demeure inquiétant. A l’université Joseph KI-ZERBO(UJKZ) par exemple, quatre années académiques se chevauchent ; 2018-2019,2019-2020,2020-2021 et 2021-2022. Pendant ce temps, l’Université Thomas SANKARA(UTS), citée par le Ministre de l’enseignement supérieur lors du journal télévisé à l’édition de 20h le 27 octobre passé comme modèle de réussite dans la normalisation des années académique, trois années académiques s’y chevauchent à ce jour(2019-2020, 2020- 2021 et 2021-2022). En réalité, l’une des principales causes de ce retard, est l’application mécanique et hasardeuse du système Licence-Master-Doctorat (LMD) sans avoir réuni le minimum de conditions nécessaires de son application.
La preuve, jusqu’en 2014-2015, l’UTS qui appliquait toujours le système classique n’avait que trois mois de retard au maximum. Elle connaitra le même sort que l’UJKZ quand ses autorités ont pris la grave décision d’aller dans le LMD malgré la cauchemardesque expérience de l’UJKZ. La persistance du retard conjuguée à d’autres problèmes, tous inhérents à la mauvaise application du LMD ont fini par convaincre les plus hautes autorités de notre enseignement supérieur que les étudiants à travers leur structure authentique de lutte qu’est l’ANEB, avaient raison de dénoncer les effets pervers d’un LMD mal appliqué.
Malgré l’évidence de l’échec de leur LMD, nos autorités refuseront d’aller au bout de la logique en suspendant l’application du LMD comme exigée par les étudiants, le temps de réunir les conditions nécessaires de son application. En lieu et place d’une suspension, nos autorités universitaires, adeptes des raccourcis intellectuels, préfèreront des réformettes en adoptant unilatéralement un nouveau régime général des études en février 2019.
Ce nouveau régime, annoncé en grande pompe avec une bonne dose de mensonges (qu’il était consensuel ou qu’il était meilleur que le LMD ancienne version…) comme la potion magique à même de sortir nos universités publiques du bourbier dont elles se trouvaient, est aujourd’hui l’ombre de lui-même. La preuve, malgré le nouveau régime, les retards, les chevauchements et même les résultats académiques catastrophiques, nés de l’application du LMD demeurent.
A titre d’exemple, à l’UFR/LAC de l’UJKZ, en Anglais Bac 2018, les procès-verbaux(PV) définitifs de la 2ème session du semestre 2(S2), publiés le 04 octobre 2021, on note 70 admis sur 1381 étudiants inscrits soit un taux de 5,06% de réussite. En SEG Bac 2019 de l’UTS, les PV définitifs de la 2ème session du S2 publié le 11 octobre 2021, il y a eu 409 admis sur 2058 étudiants inscrits soit un taux de 19,87% de succès. Même les masters ne sont pas épargnés. A l’UFR/LAC et en Lettres Modernes(LM) Master 1(M1), option Sémiotique et Stratégie, S8, les PV définitifs de la 2ème session publiés le 30 septembre 2021 font état de 02 admis sur 16 étudiants inscrits, soit un taux de succès de 12,5%.
Et comme l’échec du LMD et sa nouvelle variante crève les yeux, la nouvelle trouvaille de nos autorités est la «déconnexion» ou le «décrochage» des promotions. Pour faire la promotion de la panacée, c’est le Ministre himself qui semble prendre la commande intimant l’ordre aux Présidents d’universités de «décrocher» les promotions. La preuve, le Vice-Président chargé des Enseignements et des Innovations Pédagogiques (VP/EIP) de l’UJKZ, lors du Conseil de Formation et de la Vie Universitaire (CFVU) du 27 octobre 2021, n’a pas caché son insatisfaction aux Directions d’UFR, qui en toute objectivité, signifiaient que la rentrée des bacheliers de 2021 n’est pas envisageable avant janvier 2022.
Cette situation nous permet de comprendre que le «décrochage» ne fait pas l’unanimité au sein de nos autorités universitaires et qu’il est le fruit d’un entêtement de la part de ses auteurs. Sinon on n’a pas besoin d’avoir le niveau Bac plus n pour savoir que la machine du «décrochage» ne tardera pas à se gripper. En effet, «décrocher» les promotions suppose leur multiplication tout en sachant que nos universités font face à un déficit d’infrastructures et d’enseignants. Qui administrera cours, travaux dirigés(TD) et travaux pratiques et où quand par manque de salles ou indisponibilité d’enseignants certaines promotions ne font cours que trois jours par semaine?
Dans les universités privées, tout n’est pas rose non plus. En effet, l’objectif premier de ces établissements étant le gain financier, certains promoteurs ne daignent même pas de remplir les cahiers de charge. En plus le fameux nouveau régime général des études commence à y faire des victimes. C’est le cas par exemple à l’Ecole Supérieur Polytechnique Excelle(ESUPEX) où l’application précipitée dudit régime oppose certains étudiants à leur administration. C’est le lieu pour nous de marquer notre soutien à ces étudiants et les encourager à ne pas baisser les bras. Ils n’ont pas payé cher leur scolarité pour acheter des diplômes mais pour un enseignement de qualité. Ces difficultés relatives à la situation académique sont loin d’être exhaustives. Mais à ces difficultés s’ajoutent celles sociales et celles liées au volet des libertés.
Sur le plan social, la situation demeure préoccupante et ne cesse de se dégrader. D’ailleurs, la récente relecture des textes du CIOSPB a remis en cause les acquis sociaux liés à la bourse. Après le CIOSPB, ce fut le tour du FONER de relire les arrêtés N°062 et 063 du 05 avril 2016 portant conditions et modalités d’octroi de l’aide et du prêt aux étudiants des universités publiques et privées conventionnées.
A cette occasion, le Secrétaire général du Ministre Alkassoum, Mahamadou SAWADOGO, lors du discours inaugural dira ceci: «Si vous touchez aux allocations c’est un problème dans ce pays-là. Donc, on a dit à la Directrice générale ¨assurez-vous que ceux qui sont là au moins sur le plan texte on sera réglo quitte à ce que maintenant on s’organise pour affronter tout ce qui va arriver¨ parce que c’est sûr qu’il y aura des affrontements».
Au cours des travaux de cette relecture, l’autorité envisage l’exclusion des étudiants inscrits dans le privé du bénéfice de l’aide. Elle envisage ramener l’âge d’obtention de l’aide par les nouveaux bacheliers à 23 ans au lieu de 26 ans comme c’est le cas jusque-là. Par contre, l’autorité affiche une «clémence» vis-à-vis des conditions d’accès au prêt. Et «mieux», pour renflouer les caisses du FONER, il prêtera désormais au taux d’intérêt de 7% au lieu de 3%. C’est dire donc qu’il n’y a plus de différence entre le FONER et les banques ordinaires. Où se trouve la dimension sociale du FONER?
Pour le transport, les étudiants de l’UTS, sont victimes de toutes sortes de dérives révoltantes de la part du SOTRACO. Entre Ouagadougou et le site de l’UTS, la SOTRACO a fixé le transport à 500F pour l’aller comme le retour. Soit 1000f/jour, environ 5000f/semaine et 20 000f/mois. Pire elle a affiné sa stratégie d’escroquerie des étudiants en convoyant dans des commissariats certains étudiants qui pourtant ont signalé qu’ils ne disposaient pas de monnaie à l’embarquement. Une amende allant de 3000F à 10 000F est extorquée à ces derniers.
Pour le logement, le CENOU a unilatéralement multiplié par deux voir quatre, le prix du lit à la cité de l’UTS en fixant le prix lit dans cette cité à 3000F et 8000F/mois contre 1500f et 2000/mois dans les autres cités de Ouagadougou qui offrent les mêmes conditions d’hébergement. Et comme pour le ne rien arranger la Direction Régionale du CENOU vient de fermer en octobre 2021 les Cités Larlé, John Kennedy et Chinoise en déplaçant les résidents de ces cités à la cité de l’Institut des Sciences (IDS) malgré l’insuffisance de cités et de lits dans la ville de Ouagadougou.
Quant à restauration universitaires(RU), en plus des anciennes difficultés (insuffisance et piètre qualité des plats servis au RU, longues files d’attente pour se trouver un plat), l’entrée précipitée dans la digitalisation avec son corolaire de difficultés exclut une grande majorité des étudiants du bénéfice de la restauration.
Sur le plan des libertés, en plus des violations répétées des espaces universitaires par des parades et patrouilles des forces de défenses et de sécurité(FDS), les autorités universitaires et ministérielles affichent clairement leur volonté de verrouiller l’exercice des libertés individuelles et collectives sur nos campus.
En effet, elles ont procédé à relecture du décret portant franchises universitaires et libertés académiques et celui portant régime disciplinaire applicable aux étudiants et aux candidats aux examens et concours organisés par les universités publiques du Burkina Faso, du 14 au 16 juin 2021. Au cours de cette relecture, l’autorité a pris soin de renforcer ses instruments juridiques de répression allant jusqu’à la tentative de remise en cause de l’existence même des organisations d’étudiants à caractère syndical.
Au regard de toutes ces difficultés, une seule perspective s’offre à nous si nous ne voulons pas fuir l’université comme le souhaitent nos autorités, c’est celle de nous organiser et d’opposer une résistance farouche à ces fossoyeurs de notre droit à l’éducation. C’est pourquoi, l’ANEB invite les étudiants à la solidarité et à se mobiliser en son sein pour la réussite de la grève d’interpellation des 08 et 09 décembre 2021.