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Procès Thomas SANKARA ou la fixation en dépit du malheur (Siguiré Adama Amade)

Publié le mercredi 17 novembre 2021  |  Netafrique.net
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© Autre presse par DR
Procès Thomas SANKARA ou la fixation en dépit du malheur (Siguiré Adama Amade)
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Il se tient depuis quelques jours dans une maison climatisée à Ouaga 2000 non loin du palais de Roch KABORE le procès sur l’assassinat du président Thomas SANKARA. Et des gens me demandent de donner mon point de vue. Et pourtant, je l’avais déjà fait. J’ai dit que la période de ce procès tombe mal, très mal. Entre combattre l’incendie qui brûle la case de votre père et combattre l’incendie qui ravage tout le village, le plus intelligent combat celui qui ravage le village, car c’est parce que le village existe que la case de votre père existe. Si le village disparaît, tout disparaît.
J’étais aussi allé plus loin pour attaquer ce tribunal dit militaire, cette juridiction anticonstitutionnelle et antirépublicaine créée par Blaise COMPAORÉ en 1994 pour protéger les soldats du Régiment de Sécurité Présidentielle créé en 1995. En clair, le tribunal militaire est une parodie de justice mise en place pour garantir l’impunité à un groupe de militaires. Il n’a jamais eu d’autres missions et il ne saurait se donner d’autres missions après le départ de Blaise COMPAORÉ. Du reste, le dossier Thomas SANKARA est plus vieux que ce tribunal militaire créé par Blaise et DIENDERE.
Comment comprendre l’existence de ce tribunal de façade dans nos juridictions après le départ de Blaise COMPAORE? C’est comme pour nous dire: » Blaise est parti, mais rien n’a changé. La parodie de justice continue. » Et il m’est difficile, en étant très attaché aux valeurs de la République, d’accepter une justice des militaires. Les militaires, c’est pour la défense de la patrie qui est une valeur régalienne de la République. Un militaire ne juge pas les gens, à moins qu’on ne soit dans un État voyou. Ce n’est pas son travail et il ne peut pas le faire, car il n’y a pas de droit militaire. Le droit est pénal ou civil, privé ou public. Le droit militaire n’existe pas.
Au demeurant, je ne suis pas contre le procès de Thomas SANKARA. Thomas est un grand patriote. Il était un homme qui aimait le Burkina. Il s’est battu pour défendre ce pays du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest, et c’est dans cette volonté de rendre ce pays souverain, libre et indépendant, qu’il a été assassiné. Thomas aime la Nation et personne n’a pu l’égaler dans cet amour pour la patrie. Il se trouve que, pendant qu’on juge le dossier sur l’assassinat de ce grand homme, de ce grand patriote, le Burkina Faso de Thomas SANKARA n’existe plus. L’État Burkinabè est une utopie. Le territoire burkinabè n’est plus une réalité. L’Est, le Nord, l’Ouest et le Sahel du Burkina se trouvent entre les mains des groupes terroristes. Dans plusieurs villages, les terroristes ont installé leurs drapeaux.
SANKARA, de son vivant, aurait-il accepté perdre une partie du territoire? C’est impensable. C’est pour cela que nous disons que le jugement du dossier SANKARA n’est pas une préoccupation. Ce qui doit préoccuper aujourd’hui les patriotes, c’est la défense du territoire. Un peuple doit savoir faire des choix , pas les plus justes, mais les moins graves pour la Nation. Et le choix le moins grave de nos jours, c’est le combat pour libérer le pays. Si SANKARA lui-même pouvait parler depuis sa tombe, il allait chasser tous ces juges et tous ces avocats qui jouent à la comédie dans cette maison climatisée de Ouaga 2000. Il allait leur dire: » Moi je suis déjà mort, mais le Burkina ne doit pas mourir, car je suis mort pour que le Burkina existe. Battez- vous pour défendre le Burkina si vous m’aimez vraiment, si vous voulez me rendre hommage.
Lors de mes formations en relations humaines, je dis aux participants qu’il existe les hommes aux esprits rigides ou géométriques et ceux aux esprits flexibles. Les esprits rigides vivent dans le passé et ils sont incapables de surmonter leurs ressentiments, leurs haines et leurs colères pour aller de l’avant. Les esprits flexibles vivent dans la société et ils s’adaptent aux réalités. Ils aiment la justice, ils en font un idéal, mais ils n’en font pas un absolu. Il y’a des gens qui pensent que les Burkinabè ont pardonné à Gilbert DIENDERE. C’est pourtant faux.
C’est le contexte social qui fait que ce jugement est loin d’être une préoccupation pour les Burkinabè. Et cette montagne va accoucher d’une souris, sinon d’un insecte. Il y’a des Burkinabè qui pensent que le Burkina se limite à Ouagadougou. Et ils continuent de croire que la Nation existe, c’est nous qui exagerons. Ce sont ces gens qui font de la fixation sur le dossier SANKARA. La justice pour eux est supérieure à la Nation. Que le Burkina disparaisse pourvu qu’on condamne le Général DIENDERE et Blaise COMPAORÉ.
Ce sont des ressentiments, des passions, de la haine qui aveuglent la vue. Et la haine est un fardeau très lourd à porter, pour emprunter les mots de Luther KING.
DIENDERE est mon ennemi. Je le dis haut et fort. Je n’ai jamais aimé cet homme. Mais, dans la situation actuelle du pays, je me moque de la condamnation de DIENDERE. Cela fait près de deux ans que je n’ai pas mis les pieds dans mon village. J’y partais pourtant chaque deux mois pour voir ma grand-mère et rire aux éclats avec mes tantes et mes cousines..Toute ma commune rurale est occupée par les groupes terroristes.
Et de nombreuses communes du Burkina sont dans cette situation. Nous avons perdu notre pays. Voilà ce qui m’empêche de dormir. Et pour le retour de la paix au Burkina, je suis capable de faire des compromissions. Si j’étais même le président actuel du Burkina, j,accorderai une grâce présidentielle à DIENDERE. Il quittera la prison. J’irai demander à Blaise de revenir, mais je ne demanderai pardon ni à DIENDERE ni à Blaise. Cet acte, je le poserai en désespoir de cause. Toute initiative qui pourrait sauver le Burkina aujourd’hui est envisageable .
Les ressentiments, la colère implacable et la haine empêchent une génération d’atteindre son objectif..Aujourd’hui, notre défi est de sauver cette nation: terre de nos aïeux. Et de sa tombe, c’est cela que SANKARA nous demande de faire. Entre perdre le procès et perdre la Nation, SANKARA a vite fait son choix. Personne n’aime ce pays plus que SANKARA qui lui a donné sa vie.
Ne faisons pas de la fixation..Même s’il faut collaborer avec le diable pour récupérer le Burkina, nous devons être capables de le faire. En tout cas, je suis prêt à le faire. Je n’imagine pas mon village et les tombes de mon père et de mon grand-père restées longtemps entre les mains de ces hommes. Ma haine a des limites. Et qui peut le plus peut le moins. Soyons sérieux, nous sommes face à un seul défi: reconquérir ce pays que Thomas SANKARA nous a légué et il sera fier de nous.
Si nous gagnons le procès et perdons ce pays, nous ne sommes que de lâches rancuniers , incapables de bon sens, incapables de mettre la Nation au-dessus de nos différences, de nos haines, de nos ressentiments. Ne me comptez pas parmis ce groupe d’hommes incapables d’être au-dessus de leur colère, de leur haine. Les grandes Nations, dans les moments les plus difficiles, font les choix les moins graves et non pas les plus justes.
Je suis un homme ouvert et je ne refuse pas le débat.
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