Les attaques terroristes obligent les populations des régions touchées à fuir vers des zones plus sécurisées. Mais d’autres difficultés les attendent.
Jacob Ouermi, sa femme Elisabet Simpore et leurs sept enfants ont fui les attaques terroristes et la violence dans leur village, situé dans le nord du Burkina Faso. La petite maison, dans laquelle la famille vit depuis plus d’un an, est située dans la capitale provinciale Ouahigouya, à trois heures de route au nord-ouest de la capitale Ouagadougou.
Ouahigouya est l’une des rares villes du Nord encore accessible en voiture en toute sécurité. La situation est différente dans les villes et villages environnants où même les convois supposés protégés sont attaqués.
Lorsqu’on lui demande qui est derrière les attaques, Jacob Ouermi hausse les épaules. »Nous les appelons des terroristes. Nous ne savons même pas qui est qui. Pour nous ce sont des terroristes », répond t-il.
Un certain nombre de groupes djihadistes opèrent au Burkina Faso, dont le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM) basé au Mali et l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) qui est, quant à lui, actif dans la zone frontalière avec le Niger à l’Est.
Des criminels qui profitent de l’insécurité sont également responsables de nombreux vols dans la région.
Selon les chiffres du gouvernement, le Burkina Faso comptait plus de 1,4 million de déplacés internes fin août.
Mais le problème dépasse désormais les frontières du pays, explique Abdouraouf Gnon-Konde qui dirige le bureau des Nations unies pour les réfugiés au Burkina Faso.
Selon lui, « la crise des déplacements n’est pas seulement qu’interne, elle touche les frontières. On a aujourd’hui à peu près entre 20 et 25.000 Burkinabè qui sont au Mali. On a aussi à peu près entre 12 à 15.000 Burkinabè qui sont en situation d’asile au niveau du Niger. On a également à peu près entre 4.000 et 5.000 Burkinabè qui sont au nord du Bénin. On a depuis quelques semaines 5.000 Burkinabè qui sont dans le nord de la Côte d’Ivoire. Et d’après les chiffres et les informations de certains pays européens, on a de plus en plus de jeunes Burkinabè qui traversent la Méditerranée pour arriver de l’autre côté et chercher l’asile. »
Des déplacements qui exposent les réfugiés à toutes sortes de trafics et qui compromettent aussi l’éducation scolaire de nombreux enfants.
Selon Abdouraouf Gnon-Konde « quand on regarde le profil des déplacés, à peu près 54% des enfants de moins de 14 ans sont toujours en attente de pouvoir continuer à aller à l’école. »
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2.244 établissements scolaires sont encore fermés en raison de l’insécurité. Les enfants plus âgés de la famille Ouermi ont manqué plusieurs années d’école. Jacob Ouermi explique ainsi que « tous les élèves ont fait au moins trois ans sans aller à l’école. »
Les organisations humanitaires ont lancé un certain nombre de projets pour pallier le manque de cours. Mais cela reste encore insuffisant.
Pas de travail, pas d’argent
Sandrine Kaboré vit, elle avec ses filles Maïmata et Cherifatou à la périphérie de Ouagadougou. La jeune femme de 19 ans a fui avec ses enfants la ville de Kaya, située à environ 100 kilomètres de la capitale. « A Kaya, ça a chauffé là-bas. Il y a des gens qui sont venus qui ont tué et nous aussi nous avons pris la fuite. Et nous sommes venus ici « , explique t-elle.
Le père de ses filles vit en Côte d’Ivoire et envoie entre 15 et 25 euros tous les mois. Sandrine est toujours à la recherche d’un emploi. Parfois elle gagne un euro et demi par jour comme blanchisseuse, parfois la moitié, parfois rien du tout.
Sandrine Kaboré a trouvé refuge dans un abri d’urgence qu’Adama Sawadogo a construit grâce à des dons. Il est également un déplacé interne venu de Djibou. Il explique qu’en 2019, 78 ménages vivaient dans cet abri.
« Quand je suis arrivé à Ouagadougou il y avait beaucoup de déplacés comme moi qui souffraient, qui étaient installés dans des écoles (…) et à la rentrée, il fallait expulser ces déplacés. Nous avons 18 enclos de quatre mètres carré. Dans chaque chambre, on trouvait au moins quatre femmes avec neuf ou dix enfants« , précise t-il.
Si ce genre d’abri permet aux déplacés d’avoir un endroit où se poser le temps de trouver mieux, les conditions y sont très précaires. Sandrine Kaboré ne veut d’ailleurs plus y vivre. « Il y a des souris, il y a des cafards, il y a trop d’insectes. Cette maison est percée. Quand la pluie vient l’eau rentre« , déplore la jeune femme.
Officiellement, 1.051 déplacés internes vivent dans la région de la capitale Ouagadougou. Mais beaucoup d’autres ne sont pas enregistrés et ne sont donc pas comptabilisés parmi les personnes déplacées.