Le jugement de l’affaire Thomas Sankara s’est poursuivi, le mardi 26 octobre 2021 à Ouagadougou. L’audience a consisté en l’écoute des éléments sonores (audio et vidéo), et l’interrogatoire de l’accusé Yamba Elisé Ilboudo, membre du commando qui a exécuté le chef de l’Etat. Il a reconnu les faits « d’attentat à la sûreté de l’État » et autres chefs d’accusation à lui reprocher.
Lentement mais sûrement, le procès des auteurs présumés du père de la Révolution burkinabè d’août 1983, le capitaine-président Thomas Sankara, se poursuit. L’audience du mardi 26 octobre 2021, qui s’est ouverte à 9h15 minutes et a été consacrée à l’écoute des éléments vidéo et audio, ainsi qu’à l’interrogatoire du premier accusé en la personne de Elisée Ilboudo, commando militaire de la classe 79, né en 1959. Il était au moment des faits, à la fois sécurité rapprochée et chauffeur du capitaine Blaise Compaoré. Il a reconnu les faits qui lui sont reprochés notamment « l’attentat à la sûreté de l’Etat », mais il a nié la préméditation, assurant ne pas avoir participé à une rencontre préparatoire en lien avec ces évènements. A la barre, le sexagénaire Yamba Elisée Ilboudo, taille moyenne, faible corpulence, teint noir, tête rasée, vêtu d’un pantalon tissu et d’une chemise manche courte avance à pas feutrés jusqu’à la barre.
A la lecture des chefs d’accusation qui lui sont reprochés, l’accusé n’a pas nié les faits, toutefois, il fera comprendre à la cour qu’il est avant tout un militaire et qu’en tant que soldat, il n’a juste fait qu’exécuter un ordre direct donné par son supérieur l’adjudant-chef Hyacinthe Kafando. Dans son récit, il dit avoir conduit un groupe du commando fort d’environ huit soldats (dont quatre étaient dans son véhicule y compris l’adjudant-chef Kafando) de la résidence du capitaine Blaise Compaoré au Conseil de l’Entente où, Thomas Sankara tenait une réunion avec ses collaborateurs. « C’est de chez M. Compaoré que mon chef de sécurité Hyacinthe Kafando, après un bref entretien avec Blaise Compaoré, m’a demandé de démarrer un véhicule pour nous rendre au Conseil de l’Entente» où s’est produite la tuerie. Arrivés sur place, Kafando et mon collègue Maïga qui conduisait le véhicule de Blaise Compaoré sont descendus et ont tiré en désordre. J’étais dans mon véhicule, et j’ai vu le président Sankara sortir de la salle les mains en l’air et s’ est ensuivie une rafale de kalachnikov », a relaté à la barre le soldat de première classe, aujourd’hui âgé de 62 ans.
Dans sa déposition faite devant le juge d’instruction en 2015 et qui fait état d’une réunion sécrète organisée par le lieutenant Gilbert Diendéré au Conseil de l’Entente, l’accusé a botté en touche, avant de se résoudre au mutisme. Pour l’un des avocats de la partie civile, Me Ferdiand N’ Zépa, l’accusé a des trous de mémoire, mais aussi la présence du général Diendéré a contribué à troubler le prévenu. Avant qu’il ne soit appelé à la barre, la chambre a d’abord été réceptive à une citation de Me Guy Hervé Kam de la partie civile qui estime que certains arrêtés et ordonnances sont mal formulés et font passer son client Pascal Tondé de prévenu pour subornation à accusé. Une confusion du genre ayant créé, selon lui, des griefs chez son client. Or, « le droit pénal est précision, concision et exactitude », a-t-il lancé. Ainsi, il a demandé la nullité desdits actes. Après une suspension de quelques minutes, la chambre à l’issue d’une concertation va rejeter la demande, avant de lancer l’audition des sept éléments audio et vidéo tous diffusés sur la radio ou la télévision nationale entre les 15 au 28 octobre 1987. Ces audio font état de la fin subite et tragique du président du Conseil national de la Révolution (CNR) et cherchent en même temps à attirer les bonnes grâces de la population pour le Front populaire (FP). On y voit le capitaine Blaise Compaoré affirmer qu’il y avait des «divergences fondamen-tales nées des questions organisationnelles du processus révolution-naire». Au sortir de cette audience, la chambre a ordonné la remise en liberté provisoire des accusés dont leurs conseils avaient formulé une demande à propos, à l’exception du général Diendéré.