Des inspecteurs du service des mines ont effectué une mission de contrôle sur le travail des enfants au niveau des sites aurifères de Boni et de Dossi, dans la commune rurale de Boni, ( province du Tuy), le mardi 17 septembre 2013.
Cette opération de contrôle et de sensibilisation, soutenue par l’UNICEF, a été conduite conjointement par les services du ministère de la Fonction publique, du Travail et de la Sécurité sociale et ceux de l’Action sociale et de la Solidarité nationale. Le premier site à recevoir la visite des inspecteurs miniers, est celui de Boni, à quelques pas des habitations du chef-lieu de la commune du même nom. A l’entrée du site, disons « de la base-vie », la délégation s’adresse à un groupe de jeunes qui l’oriente vers un poste qu’ils appellent le « centre ». En l’absence du chef de centre, Yacouba Sawadogo, elle sera reçue par son adjoint, Saïdou Ouédraogo. Issouf Béremwidougou, inspecteur du travail à la direction régionale du Travail et de la Sécurité sociale des Hauts-Bassins ; la délégation explique alors les raisons de sa visite. Il s’agit de voir s’il y a des enfants qui travaillent sur le site, et dans quelles conditions de jauger les connaissances des travailleurs adultes et employeurs en matière de lois et règlements relatifs au travail des enfants, notamment sur les sites d’orpaillage. D’abord quelque peu réticents, Saïdou Ouédraogo et ses camarades vont se montrer plutôt coopératifs. Le site de Boni est organisé sous le contrôle de la Société d’achat et de vente d’or (SAVOR). La sécurité y est assurée par des vigiles. Le site d’exploitation est « fermé pendant la saison des pluies. Il n’y a pas d’activités dans les trous », nous a confié monsieur Ouédraogo. En effet, l’activité n’est pas intense en ce moment sur la base-vie. Le peu de cailloux traités, proviendraient « de sites sauvages », explique-t-il.
Des notions sur la lutte contre le travail des enfants
Aux dires de l’adjoint au chef de centre, ils ont déjà bénéficié de campagnes de sensibilisation sur le sujet. Aussi, avaient-ils interdit totalement le travail des enfants sur le site. Les enfants qu’on y trouve « ne descendent pas dans les excavations et ne font pas de travaux pénibles. Ils viennent vendre l’eau ici », soutient-il. Rencontré au cours de la visite, le doyen du site, Dibril Zalé, 59 ans, ne dit pas le contraire. « Ici, nous avions chassé les enfants. Mais certains parents n’ont pas les moyens. On autorise alors les enfants du village à venir vendre l’eau. Ils n’ont pas de patron ici », dit-il. Nous y avons rencontré en effet un groupe de 6 garçons, dont un seul est scolarisé, se reposant à côté de leurs charrettes tractées par des ânes. Selon une indiscrétion, les propriétaires des charrettes prennent 50 % de la recette et les 50 % reviennent au vendeur d’eau. La barrique d’eau de 200 litres y est vendue à 500 F CFA.
Un peu plus loin, nous avons rencontré S. O., un garçon de 12 ans. Lui aussi va chercher l’eau avec une charrette à traction asine. Mais, il ne la vend pas. Il aide sa tante qui y tient un hangar de broyage et de nettoyage de pierres. Nous ne saurons rien sur son dû en termes de rémunération. Il n’a jamais été scolarisé et n’envisage pas faire autre chose.
A quelques mètres de là, A. O. est une fille de 12 ans également. Elle non plus n’est pas allée à l’école. Elle est sur le site depuis 2 ans. Elle aide ses parents à concasser les pierres à l’aide d’un marteau. « Je serai payée, de retour à la maison » (Ndlr : dans son village, dans le Yatenga), soutient-elle. Mais, combien et sur quelle base ? Elle-même ne peut le dire. Elle n’a pas d’horaire de travail précis, entre 7h et 19h. Son travail est manifestement pénible, même si elle n’ose pas l’avouer. Elle est disposée à apprendre un autre métier.
Y. H. est un garçon de 15 ans. Concasseur aussi de son état, il est arrivé sur le site il y a moins de 2 mois. Bien que n’ayant pas été à l’école, il parle plutôt bien français. « Je suis né en Côte d’Ivoire », justifie le jeune Y. H. Son patron, Seydou Sanfo, 27 ans, n’a jamais entendu parler « loi sur le travail des enfants ». Comme chez les vendeurs d’eau, s’ils trouvent de l’or, c’est « 50 % pour moi et 50 % pour lui », explique le patron.
Pour le doyen Zalé, « le travail des enfants n’est pas bien ». Et de nous expliquer que lui-même est père de 9 enfants, dont 2 sont à Boni avec lui. Mais « ils sont tous scolarisés », s’empresse-t-il d’ajouter. Lui aussi affirme avoir participé à des sessions de sensibilisation, mais souhaite que cela se poursuive, parce que certains s’en vont et de nouvelles personnes arrivent. Il a même rappelé l’opération conjointe, appelée opération Tuy, de retrait et retour des enfants dans leurs familles, menée par Interpol, la police nationale, l’Action sociale et la Santé, début 2013.
Intense activité à Dossi
A Dossi, à environ 7 km de Boni, la fermeture des sites d’orpaillage semble être entrée dans l’oreille d’un sourd. Les baraquements de fortune, faits de pailles, de feuilles mortes et de toiles en plastique font le décor habituel sur les sites d’orpaillage. A la différence de Boni, où la « base-vie » est à l’écart de la zone d’exploitation, ici, les habitations sont parsemées entre les cavités d’extraction du minerai. Le calme relatif observé à Boni, n’est pas de mise à Dossi. Çà et là, les motopompes sont en activité pour évacuer l’eau des trous, afin que le travail puisse se poursuivre. Certains sont dans les profondeurs tandis que d’autres tirent sur les cordes reliées à une poulie pour sortir les pierres. Ce qui va intriquer les inspecteurs, c’est l’absence d’enfants travailleurs sur le site. Ce, d’autant que celui-ci semble être d’accès libre, non-contrôlé. Qui a bien pu interdire son accès aux enfants ? Pourtant, là-bas, on semble ne pas être informé d’une quelconque interdiction ou règlement spécifique du travail des enfants. On y est moins coopératif qu’à Boni. Les inspecteurs miniers ne réussiront pas à rencontrer de responsable de site. Néanmoins, une source ayant requis l’anonymat, laisse entendre que la société SAVOR est également attributaire de ce site. Mais, il ne relèverait pas du comptoir de Boni.