Lundi 9 septembre 2013, lors d’une conférence de l’American Chemical Society à Indianapolis, des chercheurs américains ont affirmé que certaines molécules sécrétées par la peau et par les bactéries qui s’y trouvent réussissent à inhiber l’odorat des moustiques. Cette découverte pourrait permettre à terme la création de nouveaux types de produits antimoustique, plus performants que ceux actuellement disponibles sur le marché.
L’importance de la production de ces composés chimiques varie selon les personnes, ce qui expliquerait que certaines peaux soient plus alléchantes que d’autres pour les moustiques. Le professeur Ulrich Bernier, chercheur au Département américain de l’agriculture (USDA), explique que le parfum naturel d’un individu est composé d’une multitude d’odeurs, dont quelques-unes attirent beaucoup les moustiques. Ses travaux ont été financés par l’USDA et le Département américain de la défense.
En pulvérisant différentes substances sur la paroi d’une cage remplie de moustiques, le Pr Bernier et ses collègues se sont par exemple aperçus que l’acide lactique, principal composé organique présent dans la sueur, exerce une forte attraction sur les insectes. D’autres produits les laissaient néanmoins totalement indifférents, voire désorientés ; les moustiques ne prenaient alors pas la peine de voler jusqu’à la paroi qui en était imprégnée.
Une nouvelle alternative contre le paludisme
«Si on met la main dans une cage où ces inhibiteurs ont été pulvérisés, la plupart des moustiques ne bougeront pas, et ne remarqueront même pas la présence de la main. On appelle cela l’anosmie ou l’hyposmie: les odeurs ne sont pas ou peu perçues», explique le Pr Bernier. Un résultat étonnant quand on sait que les femelles moustiques, qui trouvent dans le sang les protéines nécessaires à la ponte de leurs œufs, sont capables de sentir leurs victimes à plus de trente mètres de distance.
Alors qu’une récente étude a montré que les moustiques se familiarisent en quelques heures à l’odeur du DEET, le répulsif le plus utilisé au monde, une telle découverte pourrait constituer une nouvelle alternative à la lutte contre les moustiques.
L’enjeu est considérable dans de nombreuses régions du globe car les insectes suceurs de sang sont responsables de la transmission de maladies parfois mortelles. L’OMS (Organisation mondiale de la santé) a enregistré en 2010 autour de 600 000 décès dus au paludisme, qui touchent notamment les enfants en Afrique centrale. Certains moustiques propagent également la dengue et le chikungunya, qui ont connu des poussées spectaculaires ces dernières décennies, et qui pourraient même s’installer durablement en Europe à la suite du réchauffement du climat et la multiplication des échanges commerciaux dans le monde.
La perspective d’un produit rendant les humains «invisibles» aux moustiques est particulièrement prometteuse. «Il est peu probable qu’un phénomène de résistance puisse se développer contre ce type de produit», remarque Paul Reiter, entomologiste à l’Institut Pasteur à Paris. Contrairement aux insecticides, un répulsif ne tue pas les moustiques ; il n’entraîne donc pas la sélection des insectes ayant développé des mutations génétiques qui les rendent plus résistants.
Néanmoins, Paul Reiter rappelle aussi «qu’il y a plus de 3 500 espèces de moustiques, et toutes ont des habitudes différentes: les unes piquent le jour, d’autres à la tombée de la nuit… Il n’y a donc pas de solution unique contre les moustiques». L’idéal pour lutter contre les maladies qu’ils transmettent reste donc de combiner les attaques chimiques avec des solutions plus traditionnelles: répulsifs et vêtements longs le jour, moustiquaires la nuit.
Le chercheur américain du Département de l’agriculture précise en outre que les composés chimiques qui inhibent les sens des moustiques, parmi lesquels le méthyl-1 pipérazine, déjà utilisé dans l’industrie pharmaceutique, pourraient être intégrés à divers produits, lotions, cosmétiques, vêtements. Mais l’arrivée sur le marché de ces nouveaux répulsifs pourrait encore prendre quelques années.