Dans notre édition n°8441 du jeudi 22 août 2013, le général Tiémoko Marc Garango, à la lumière de son expérience, avait déjà dit son opposition au projet d'érection d'un Sénat qui divise l'opinion nationale depuis de longs mois. Une controverse qui avait du reste amené le Comité de suivi des réformes politiques, à la demande du président Blaise Compaoré, à se retrouver pour faire de nouvelles propositions susceptibles d'emporter l'adhésion des uns et des autres. Après la remise du rapport circonstancié dudit comité, nous sommes réparti voir le vieil homme, 86 ans mais toujours bon pied bon œil et l'esprit alerte, pour savoir si son opinion avait évolué ou pas.
Le rapport d'étape circonstancié sur l'opérationnalisation du Sénat produit par le Comité de suivi et d'évaluation de la mise en œuvre des Réformes politiques consensuelles a été remis à son commanditaire, le Président du Faso, Blaise Compaoré, le vendredi 30 août 2013, et a été publié dans l'Observateur Paalga du mercredi 4 septembre 2013. Ce rapport a été suivi d'un communiqué du Président du Faso le vendredi 6 septembre 2013.
Si vous avez lu ce rapport et si vous avez suivi le communiqué, quel est votre sentiment et quelle est votre appréciation de la situation ?
En ce qui concerne le communiqué, il m'apparaît que le Président du Faso est toujours convaincu, sans encore convaincre totalement tout le monde, que le Sénat bonifie fortement notre système démocratique et dans son souci hautement louable de préserver l'unité, la cohésion, la solidarité et la paix au Burkina Faso, il ne souhaite pas mettre en place au forcing sans un consensus véritablement national un Sénat contesté et contestable qui serait dénué de toute crédibilité et de toute efficacité ; c'est pourquoi il invite toutes les composantes de la nation, à tous les niveaux à continuer le dialogue et la concertation en espérant parvenir à un consensus national indiscutable et indispensable à la mise en place de ce Sénat incontesté dans un climat de paix, de concorde et de stabilité favorable à un travail constructif. J'adhère pleinement à cette sage démarche et à cette perspective heureuse.
Quant au rapport d'étape circonstancié, j'en ai pris connaissance et je trouve que dans la forme, ce rapport est bien rédigé, bien articulé, bien argumenté et facile à lire. Pour ce qui est du fond, j'ai le sentiment que le comité de suivi et d'évaluation de la mise en œuvre des Réformes politiques consensuelles, à la lumière des nombreuses critiques pertinentes provenant de toutes parts, était convaincu que cette affaire de Sénat ne tenait pas suffisamment la route mais il ne pouvait pas se dédire totalement, ce qui est compréhensible et j'en conviens. C'est alors qu'à partir des controverses et préoccupations fragmentaires exprimées par une partie de l'opinion publique sur la mise en place du Sénat, il a procédé à leur compilation pour définir la synthèse des propositions et recommandations agrémentées par des mesures attractives d'ajustement des procédures de la mise en œuvre du Sénat et de celles de caractère social sensible ; de sorte que l'adoption de ces propositions et recommandations de solutions reviendrait à retourner à la case départ pour la partie législative. Le Comité de suivi a omis, sauf de façon allusive, de recenser et d'évaluer les opinions qui rejettent catégoriquement la création d'un Sénat au Burkina Faso ; il se serait rendu compte avec des statistiques complètes et sincères que cette catégorie d'opinions négatives à l'égard de la mise en place d'un Sénat constituait peut-être l'écrasante majorité incontournable. Il serait alors obligé de reconnaître la faillite du projet de Sénat et l'inutilité de poursuivre les travaux vers des propositions et des recommandations qui ont consisté à un rafistolage dont les aménagements proposés constituent la preuve du manque de consistance adéquate du projet de Sénat, probablement à cause d'un manque de pertinence et de précision, en temps opportun, pour la formulation d'une institution aussi fondamentale.
Suite à mon analyse de la situation de la Haute-Volta et du Burkina Faso, notamment aux plans économique et financier dans le passé, le présent et pour l'avenir, j'étais arrivé à la conclusion, en toute conscience et en toute objectivité qu'actuellement, le Burkina Faso pouvait se passer sans grand dommage d'un Sénat dont l'utilité sociale n'était pas évidente parce que je raisonne dans le sens du rapport comparatif utilité sociale/coût affectif. En effet, l'utilité sociale d'un Sénat censé améliorer, consolider, et renforcer notre système démocratique peut se justifier dans un système parlementaire, si les conditions impératives de nécessité absolue et de moyens suffisants sont remplies; cependant, dans le cas du Burkina Faso, notre système démocratique n'en a pas tellement besoin car, autant que je sache, la formulation et le vote des lois par la seule Assemblée nationale depuis plusieurs décennies n'a révélé aucune distorsion notable ni aucune grande lacune par rapport aux réalités géographique, sociologique, économique et culturelle du pays, qui sont des Particularités qui servent généralement de justificatifs pour la création d'une institution de type seconde chambre, Sénat, Bundesrat, Ainsi, le rôle de l'utilité sociale en terme d'amélioration, de consolidation et de renforcement de la démocratie est mince (risque de compliquer, d'alourdir, de ralentir et de réduire l'efficacité du travail au détriment de la diligence de la procédure parlementaire), elle est probable et incertaine. Quant aux coûts générés par un Sénat, malgré les mesures pour les minimiser et sauf à vouloir la réduire en une institution indigente et inefficace, ces coûts seront inévitablement réels et importants tant pour sa mise en place que pour son fonctionnement sans compter la possibilité de les manipuler en hausse à tout moment.
Considérant d'une part, une utilité sociale mince et incertaine et d'autre part, des coûts réels, importants et certains et en tenant compte des besoins prioritaires permanents, urgents qui existent, je continue de croire, abstraction faite de toute considération subjective, politique et autres et en ayant à l'esprit uniquement l'intérêt général du pays que le Burkina Faso peut faire l'économie sans grand inconvénient d'un Sénat qui serait autrement une structure supplémentaire d'utilité relative et gênante et qui viendrait encombrer le paysage politique du pays sans apporter une bonification substantielle à notre système parlementaire en vigueur. Cette économie, si elle n'est pas que virtuelle, pourrait être affectée à des financements socialement prioritaires et pressants qui ne devraient pas manquer par les temps qui courent.