La stratégie du pouvoir pour endiguer la grogne sociale est désormais connue. Elle se mène sur deux fronts, avec la batterie de mesures prises par le Conseil des ministres, et les concertations en vue entre le président du Faso et les forces vives. Mais, au regard du contexte dans lequel intervient cette offensive, on ne peut manquer de se demander quel agenda le gouvernement a en tête. S’agit-il d’agir uniquement dans le sens de combattre la vie chère et de rétablir la paix socia ?le ? Ou alors est-ce une manœuvre politicienne pour endormir les consciences afin d’aboutir à la mise en place du Sénat et in fine à la révision de l’article 37 ? Comme on le voit, malgré les efforts budgétaires consentis (les mesures coûteront près de 65 milliards de FCFA selon le Conseil des ministres), le doute subsiste sur les réelles intentions du gouvernement. Car il y a bien longtemps que la vie chère étreint les Burkinabè, que les syndicats battent le pavé pour réclamer de meilleures conditions de vie, sans que rien ne soit fait. Pourquoi avoir attendu d’avoir le dos au mur, avec une opposition revigorée, une société civile intransigeante et des syndicats mobilisés, pour enfin daigner lâcher du lest ? Le contexte n’était donc pas favorable au pouvoir et on dira toujours qu’il a fait ces concessions comme on jette un os à une meute qui vous encercle. Ces mesures ont perdu leur valeur à cause du timing dans lequel elles sont intervenues, c’est-à-dire sous la contrainte de la rue.
L’autre front sur lequel le pouvoir a engagé la contre-offensive, c’est la reprise en main par le président du Faso en personne, du dialogue social. Il reçoit ainsi, à tour de rôle, dans un premier temps, les 13 et 14 septembre, les représentants des communautés religieuses. En reprenant langue avec les religieux, le président veut sans doute rétablir la confiance entre lui et ces leaders d’opinion dont certains ont émis des réserves aussi bien sur le Sénat que sur l’article 37. Y parviendra-t-il ? C’est en tout cas une initiative à saluer. Ce type de rencontres devraient du reste être plus fréquentes car à même de prévenir les différentes crises récurrentes que connait le pays. Hormis les leaders religieux dont on ne mésestime pas l’importance dans le débat en cours sur la vie chère et les réformes politiques, il y a un fait incontournable : les deux principaux interlocuteurs avec lesquels une concertation doit s’établir sont les syndicats et l’opposition. Ce sont ces deux forces qui ont constitué le fer de lance des contestations récentes au Burkina. Un modus vivendi est indispensable entre le gouvernement et les forces syndicale et politique. C’est la condition sine qua non pour éviter un nouveau départ de feu sociopolitique, car les mesures salariales proposées peuvent être jugées insatisfaisantes par les syndicats, tandis que l’opposition peut estimer n’avoir toujours pas eu de réponse à son rejet du Sénat et de toute révision de l’article 37.
Le Burkina semble être arrivé à un stade où de simples mesures salariales ne suffisent pas à calmer les populations. C’est triste à dire, mais c’est ainsi. On a trop laissé pourrir la situation, on a trop usé de subterfuges. Résultat : la confiance entre gouvernants et gouvernés s’est complètement effilochée. Sans doute faut-il un message plus fort pour restaurer cette confiance perdue. En réalité, les Burkinabè n’attendent pas ces mesures. Ce qu’ils veulent surtout savoir, c’est le sort qui sera réservé au Sénat et à l’article 37 de la Constitution. En un mot, ils veulent être fixés sur leur avenir, et non vivre en permanence dans ce climat d’incertitude. Il faut espérer qu’une fois pour toute, les autorités du pays mettront fin à ces angoisses qui n’ont que trop duré. Il faut enfin soulager les Burkinabè de ce doute qui les habite sur ce que sera le processus politique et électoral en 2015. C’est déjà demain, et il n’y a plus de temps à perdre. Il faut clarifier les choses dès maintenant. Dans le cas contraire, le nouveau round de concertations engagé par le chef de l’Etat avec les forces vives n’aura pour effet que d’instaurer davantage la méfiance entre le peuple et ses dirigeants
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La Rédaction