Voilà un pays très peu peuplé, 4 millions d'âmes, et qui a tout pour décoller. Or, diamant, coton, bois ...sont, en effet, enfouis dans son sous-sol ; un pays qui est relativement à l'abri des clivages ethniques criards sous d'autres cieux, car en RCA tout le monde parle le sangho. Bien arrosé et traversé par l'Oubangui, on y meurt rarement de faim. Bref, en apparence, la Centrafrique semble bénie des dieux. D'où vient alors qu'une certaine malédiction semble poursuivre ce pays ?
La seule réponse qui vaille est que la Centrafrique a tout sauf les hommes qu'il faut, rebellions et coups d'Etat étant devenus les sports favoris de ses élites politiques et militaires. Enterrée, la vision du père de la nation, Bathélemy Boganda, premier parafricaniste de l'Afrique équatoriale française (AEF) pour ne pas dire de l'Afrique qui rêvait d'un Etat-nation centrafricain et d'une entité panafricaine! Envolé son rêve d'une Centrafrique unie !
Hélas, en effet, depuis sa disparition dans ce mystérieux accident d'avion en 1959, la RCA est possédée par les démons de la division. Pas une année ou un mois sans rebellion ou coup d'Etat avorté ou réussi. Toutes choses qui précipitent davantage le pays dans les abîmes.
Soubresaut en date dans cet Etat qui ne cesse d'aller à vau-l'eau : la pétaudière créée par la Séléka, ce conglomérat de soudards cornaqués par des seigneurs de guerre qui ont mis Bangui et ses environs sous coupe réglée.
Non contents de répéter ce que ses devanciers avaient fait, c'est-à-dire mettre le pays sens dessus dessous, les "sélékistes", qui mènent une guerre de rapines dans cet éden terrestre maudit, sont en train de plonger la RCA dans un conflit religieux.
Majoritairement de confession musulmane, les combattants de la séléka font apparemment la chasse aux chrétiens : villages, temples et églises sont l'objet d'autodafés.
A la vérité, c'est que Michel Djotodia flotte dans son costume de président qu'il a endossé officiellement le 18 août courant. Il ne tient pas ses hommes. D'ailleurs les a-t-il jamais tenus ?
Les soudards et autres spadassins qui l'ont aidé à prendre le pouvoir se payent sur la bête, et lui qui leur doit tout n'ose pas siffler la fin de la recréation.
Comme un pathos ne vient jamais seul, et il fallait s'y attendre, des groupes se réclamant de l'ex-président déchu, François Bozizé, ont pris les armes contre la rébellion, brûlant à leur tour des mosquées et prêchant la chute de Djotodia.
Où sont donc passés ceux qui ont aidé ce dernier à se hisser sur le toit de l'ancien empire de Bokassa 1er ?
Les parrains, principalement les Tchadiens, après avoir poussé Djotodia, leur filleul, dans le palais présidentiel, semblent l'avoir abandonné à son triste sort.
Quid de la CEMAC qui est interpellée dans cet imbroglio centrafricain ? Et comme nous l'écrivions en substance dans notre éditorial du 9 septembre dernier, où en est-on avec l'appel du président français François Hollande lancé le 27 août 2013 à la conférence des ambassadeurs à Paris et invitant l'ONU et l'UA à réagir ?
Non contents d'avoir transformé Bangui en "no go zone", ceux qui se disputent les parcelles de pouvoir en RCA sont en train de distiller les germes d'une guerre de religions en Centrafrique, et les risques de confessionalisation de la région sont immenses. Déjà, les attaques qui ont visé, la semaine dernière, des musulmans puis des chrétiens ont fait au moins 100 morts, selon un dernier bilan.
La Centrafrique est mal barrée : à ce rythme, Al-Qaïda, toujours à l'affût de niches territoriales, pourrait en faire son sanctuaire en Afrique centrale et, de là, se métastaser dans toute la région. Une réaction concertée est impérative pour sauver ce qui peut l'être encore dans l'ex-Oubangui-Chari.