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Sidwaya N° 7498 du 11/9/2013

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Aboubacar Diaby expert en suivi-évaluation de l’alliance pour la revolution verte en Afrique : « L’avenir de l’agriculture mondiale se trouve sur le continent africain »
Publié le jeudi 12 septembre 2013   |  Sidwaya


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© Sidwaya par DR
Dr Aboubacar Diaby expert en suivi-évaluation de l`alliance pour la revolution verte en Afrique


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A l’occasion de lancement du rapport sur l’état de l’agriculture en Afrique qui a eu lieu à Maputo au Mozambique le 4 septembre 2013, le reporter de Sidwaya, s’est entretenu avec un des rédacteurs du rapport, Dr Aboubacar Diaby. En tant qu’ expert en suivi-évaluation, le Dr Diaby revient sur les critères qui ont été pris en compte dans le rapport. Il explique également pourquoi on peut sentir un écart entre les chiffres fournis par les structures et la réalité observée sur le terrain.

Sidwaya (S.) : Vous êtes l’un des coordinateurs du rapport sur l’état de l’agriculture en Afrique. Dites-nous quels sont les critères qui ont été pris en compte ?

Aboubacar Diaby (AD) : Notre objectif était de faire un rapport qui n’est trop général qu’on a l’habitude de trouver sur l’agriculture en Afrique. En même temps, nous avons évité de faire un rapport trop technique afin que ce soit un document accessible à tous. C’est un rapport à mi-chemin entre un document d’information générale et un document académique. Pour cette première version, nous n’avons pas fait un rapport thématique. Au lieu de nous focaliser sur un thème donné, nous avons au contraire essayé de couvrir le maximum possible, les différents aspects de la chaîne de valeur de l’agriculture, c’est-à-dire, depuis la recherche jusqu’à la commercialisation des produits. Certes, on n’a pas pu couvrir tous les chaînons notamment la mécanisation agricole, l’irrigation et la nutrition. Mais nous avons quand même travaillé sur les segments les plus importants qui concentrent le maximum des investissements actuels dans l’agriculture.
De plus, nous avons fait l’effort de produire un rapport qui n’est pas biaisé par notre vision en tant qu’organisation. Bien sûr ce n’est pas un rapport neutre. L’Alliance pour la révolution verte en Afrique (AGRA) s’intéresse plus particulièrement aux petits exploitants agricoles. Nous ne pouvions pas nous en éloigner dans le rapport. Cependant nous avons pu détacher le plus possible le rapport de l’AGRA.
Enfin nous avons voulu un rapport qui décrit et analyse la situation actuelle de l’agriculture en Afrique et son évolution au cours des dix dernières années. Pour ce faire, nous nous sommes efforcés à avoir des données récentes que nous avons collectées dans différentes institutions comme les ministères de l’Agriculture, les instituts nationaux de statistique, la Banque mondiale, la FAO, etc.

S. : Comment pouvez-vous être sûr de la fiabilité des chiffres, notamment les chiffres provenant des ministères qui peuvent tenter de tronquer certaines données pour avoir un meilleur positionnement ?

AD : Effectivement, c’est la question que tout le monde nous pose. Certes les données provenant des institutions comme la Banque mondiale et la FAO comportent des faiblesses. Mais a-t-on meilleure alternative ? Je pense que non. L’alternative que nous avons trouvée est de comparer ces données avec les enquêtes scientifiques qui sont menées dans les différents pays. Cependant, nous avons eu beaucoup de difficultés, car nous sommes partis avec l’apriori selon lequel les pays récoltent chaque année des données sur les statistiques agricoles. Malheureusement, la réalité est complètement autre sur le terrain. Nous nous sommes rendu compte que beaucoup de pays ne recueillaient pas de données sur une base régulière. Même quand ils les collectent, les informations restent à l’état brut et ne sont pas traitées.

S. : N’y a-t-il pas souvent un écart entre les données fournies et la réalité sur le terrain ?

AD : C’est vrai, il peut avoir une différence mais nous nous ne sommes pas entrés dans cette polémique. Il y a quand même des pays qui font des efforts pour collecter les données. Ce sont les pays francophones comme le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Ils ont des enquêtes établies et conduites régulièrement. A mon avis, ces données des enquêtes sont crédibles car elles sont traitées par des méthodologies standards, approuvées pour tous.

S. : Parmi les pays qui ont pu respecter leur engagement d’accorder au moins 10% de leur budget à l’agriculture, figure le Burkina Faso. Pourtant, au cours de certains débats, on se rend compte que les populations ne perçoivent pas réellement les résultats de ces efforts dans les champs.

AD : C’est normal puisse qu’il y a toujours plus d’effort à faire. Cependant, nous constatons que les gens se focalisent beaucoup sur les 10% alors que l’objectif final est d’atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement. Les 10% du budget à l’agriculture sont supposés générer une croissance annuelle du secteur agricole de 6%. On constate que seuls 8 pays africains ont pu atteindre cet objectif d’allocation de 10% du budget national à l’agriculture. Malheureusement, très peu de ces pays ont pu maintenir cet effort sur une longue période. En outre, la Déclaration de Maputo comporte plusieurs autres piliers sur lesquels les efforts sont nécessaires pour assurer la sécurité alimentaire et réduire la pauvreté en Afrique. Et ce sont l’ensemble de ces piliers qu’il faut prendre en compte pour espérer une croissance importante de la production agricole. En plus de cela, il y a des domaines qui ont été identifiés comme les domaines prioritaires dans lesquels les ressources doivent aller.
Cependant, disons-nous la vérité, les gouvernements seuls ne peuvent pas assurer le développement de l’agriculture en Afrique. S’ils le pouvaient, depuis que les pays africains ont eu leur indépendance, on s’en serait sorti. Il faut que le secteur privé s’implique. Pour cela, l’état doit créer un environnement qui permet d’attirer les investissements privés mais également faire des investissements structurants.

S. : En tant qu’expert en suivi-évaluation, comment vous analysez l’évolution du Burkina ces dix dernières années ?

AD : Pour être franc, je ne suis pas spécialiste du Burkina. Mais ce que je peux dire, c’est qu’en Afrique de l’Ouest , le Burkina Faso est considéré comme un pays prioritaire par les bailleurs de fonds.

S. : Pourquoi cela ?

AD : Il y a certes des raisons politiques derrière, mais il y a aussi des raisons objectives car le gouvernement fournit quand même des efforts pour assurer la transparence dans la gestion des fonds qui sont alloués. Ainsi, le Burkina Faso est l’un des pays prioritaires du G8. Notre principal bailleur, la Fondation Bill and Melinda Gates, a également un grand intérêt pour le Burkina Faso. C’est un bon signe. Cela veut dire que dans ce pays, il y a au moins des conditions qui permettent d’attirer les bailleurs de fonds. Le pays a des structures en place qui peuvent prendre en charge le développement agricole. C’est vrai que les conditions climatiques ne sont pas aussi favorables comparativement à certains pays mais en général la situation agricole du Burkina est beaucoup meilleure à certains pays où les potentialités naturelles sont plus favorables.

S. : En encourageant les investissements privés, l’AGRA ne va-t-il pas mettre de côté les petits producteurs ?

AD : Personnellement je ne le crois pas. En Afrique, 80% des agriculteurs sont des petits producteurs. Ces gens-là ne vont pas disparaître du jour au lendemain. Aujourd’hui, l’Afrique a la plus grande superficie des terres agricoles non-exploitées au monde. C’est reconnu par tous que l’avenir de l’agriculture mondiale se trouve en Afrique. Il y a toujours de l’espace pour attirer plus d’investisseurs. Ensuite, les investisseurs privés viennent avec des technologies que nos agriculteurs n’ont pas et qu’ils peuvent acquérir progressivement. Si nos Etats négocient très bien les conditions d’établissement des gros exploitants, ils pourront s’assurer qu’une partie des technologies profitent aux petits paysans qui vont par effet d’entraînement, se perfectionner.
Ce qui fait peur à beaucoup d’ONG et organisations de la société civile, c’est l’accaparement des terres par les agro-businessmen. Mais cela relève de la responsabilité des Etats de concilier les deux et même d’instituer une certaine complémentarité. Pour l’instant, il y a suffisamment d’espace pour tout le monde. Car les petits producteurs constituent la structure de base de l’alimentation dans nos pays. Il est hors de question de les mettre de côté.

S. : N’y a-t-il pas aussi un risque d’accaparement du marché de semences des multinationales en Afrique ?

AD : Oui il y a aussi cette autre crainte que les multinationales de production de semences nous envahissent et nous nous retrouvons totalement dépendant de leurs semences. Personnellement, je pense qu’il y a effectivement un grand danger. C’est pourquoi l’AGRA n’appuie et ne finance que les chercheurs locaux travaillant dans les centres de recherche nationales pour développer des variétés améliorées adaptées à nos conditions climatiques. Nous avons ainsi appuyé l’homologation de plus de 440 variétés améliorées développées par les centres de recherches nationales. Par ailleurs, l’ AGRA envisage de créer et de consolider un système de production de semences basé sur les compagnies locales. L’AGRA a ainsi, appuyé, formé et financé plus de 80 compagnies semencières dans 16 pays africains. Ces compagnies sont des entreprises africaines dirigées par des Africains. Elles n’ont pas la taille des multinationales mais elles ont un réel potentiel de croissance. Cette approche de l’AGRA, appuyée de l’émergence d’un secteur privé de semences avec des acteurs locaux peut être considérée comme une première réponse au risque de dépendance face aux multinationales. Il revient également à nos responsables de bien négocier les accords éventuels qu’ils signent avec ces groupes et veiller à ce qu’ils n’aient pas un monopole et un contrôle total du marché de semence en Afrique.

S. : La recherche est un maillon faible de l’agriculture africaine. Que fait l’AGRA pour remédier à cela ?

AD : Nous sommes l’un des grands bailleurs de fonds et nous intervenons dans l’ensemble des chaînes de valeurs de la production. Nous investissons beaucoup dans la recherche. Avant même cela, nous participons à la formation des jeunes à travers le financement des Masters et de doctorats. Ensuite nous finançons ces chercheurs pour développer des variétés améliorées des différentes cultures.

S. : Et sur les OGM ?

AD : l’AGRA ne travaille pas sur les OGM. Nous ne supportons pas les OGM. Ça ne fait pas partie de notre mandat. Nous travaillons avec les structures de recherches nationales que nous finançons pour produire des variétés améliorées adaptées aux différents pays. Ensuite, nous appuyons les compagnies semencières locales et des agro- dealers pour mettre ces semences à la disposition des producteurs.

Entretien réalisé par
Fatouma Sophie Ouattara

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