Le ministère de l’agriculture, des aménagements hydrauliques et la mécanisation, en collaboration avec l’ONG terre verte, a organisé une conférence sur les bases et les modalités de mise en œuvre du bocage sahélien au Burkina Faso, au profit des cadres de ce département et des acteurs du monde rural, le mardi 2021, à Ouagadougou.
Le bocager sahélien est une technique éprouvée de récupération des terres. Il est développé par l’ONG Terre Verte et des associations inter villageoises, à partir de la ferme pilote de Guiè dans le Plateau-Central. Le ministère de l’agriculture dans sa quête d’une agriculture durable et à forte productivité veut se donner les moyens d’une mise en œuvre à grande échelle de cette approche. A cet effet, ce département, en collaboration avec l’ONG Terre Verte, a organisé une conférence sur les bases et les modalités de mise en œuvre du bocage sahélien au Burkina Faso, au profit des cadres de ce département et des acteurs du monde rural, le mardi 2021, à Ouagadougou.
Selon le directeur général des études et des statistiques sectorielles (DGESS) dudit ministère, Oula Damien Ouattara, l’agriculture burkinabè fait face à des risques de vulnérabilité des terres agricoles liés à la variabilité climatique, à la dégradation des sols, aux conflits fonciers entre acteurs du monde rural, à la pression éolienne. Le bocage sahélien, qui est composé d’un paquet de techniques agricoles, constitue une réponse efficace à l’ensemble de ces vulnérabilités. « Ces techniques permettent d’améliorer l’infiltration de l’eau, la disponibilité de l’eau malgré les poches de sécheresse, de conserver la fertilité du sol et d’améliorer les rendements agricoles sur une longue période », a-t-il indiqué.
Une expérience trentenaire
Et au regard de ces résultats probants, il est opportun que le département en charge de l’agriculture réfléchisse aux meilleures stratégies d’implémentation à grande échelle de cette approche concluante, aux côtés d’autres techniques promues par ledit ministère. Il s’agit également de poser les questionnements appropriés et de proposer des pistes d’amélioration de l’existent.
Pour animer une telle conférence, il est fait appel à celui qui est à l’origine du concept bocager : Henri Girard, par ailleurs coordonnateur de l’ONG Terre Verte. Selon ce dernier, le bocage sahélien est le fruit d’une recherche-action débutée en 1989 à Guiè qui transforme un paysage agricole dégradé en un paysage harmonieux, un cadre idéal pour une nouvelle agriculture. La technique permet de garder l’eau de pluie sur le sol, intègre arbres et arbustes aux cultures, discipline l’élevage, structure et clarifie le foncier rural.
Le bocage est une solution universelle d’adaptation à la dégradation de l’environnement rural, à la problématique foncière, a-t-il expliqué. Il présente l’avantage d’instaurer une copropriété coutumière informelle comprenant des parcelles individuelles et communes, tout en conciliant un paquet de bonnes pratiques innovantes mis à disposition des agriculteurs, a poursuivi M. Girard. Il s’agit notamment du zaï amélioré, du haies vives, des diguettes en terre, de la rotation culturale, de la jachère pâturée, du sarclage localisé. Tout cela permet de meilleurs rendements agricoles, avec en moyenne deux tonnes à l’hectare pour le sorgho.
Pour ce qui est du processus d’aménagement du périmètre bocager, il commence par une demande d’un groupe de producteurs. Les autres étapes, à savoir l’étude de faisabilité, la validation du plan d’aménagement, l’aménagement proprement dit, la réaffectation des terres, se réalisent suivant la même démarche participative et inclusive à travers la concertation permanente avec les bénéficiaires, a insisté le conférencier.
De l’avis de M. Girard, la pratique du bocage sahélien fait face à un certain nombre de défis. Pour contribuer pleinement à l’effort national de reconquête des zones agricoles dégradées, le bocage sahélien a besoin d’un cadre réglementaire qui garantit le statut de la copropriété foncière agricole, à l’image de la copropriété immobilière, et qui assure la codification des usages bocagers tels que l’entretien et la répartition des haies limitrophes entre copropriétaires.
Il convient également d’envisager une appropriation nationale du concept, à travers son intégration à la politique agricole durable, les formations qualifiantes, un cadre d’échange permanent, avant qu’il ne s’exporte dans les pays voisins, a-t-il souhaité. Et pour parvenir à ce cadre réglementaire labélisant, Terre Verte sollicite l’appui du ministère de l’agriculture.
Les questions des participants ont porté, entre autres, sur les risques de conflits entre bénéficiaires après l’aménagement, la contribution des bénéficiaires, leur responsabilisation dans la gestion des périmètres aménagées, la possibilité d’aménagement bocager au profit des particuliers, les menaces que la promotion immobilière pèse sur les périmètres bocagers.
Sur cette dernière question, le conférencier, assisté de ses collaborateurs, a fait savoir que le l’aménagement bocager permet de mieux sécuriser les terres agricoles rurales contre les éventuels prédateurs. Tout comme il permet de réduire les conflits fonciers entre acteurs du monde rural de par les mécanismes de gestion autonome mis en place. Quant à la contribution des bénéficiaires, elle varie entre 10 000 F CFA et 25 000 FCFA par personne.
Mobiliser des ressources pour sa vulgarisation
Les participants, à l’image de Hassiata Inessa Tiégna/Napo de la direction du ministère en charge de l’agriculture, sont sortis de cette conférence très édifiés sur les avantages qu’offre l’approche bocagère.
« Au vu de ce qui a été développé par le conférencier, ce paquet de techniques agricoles constitue une bonne solution pour notre agriculture, en ce qu’il assure la pérennité des exploitations agricoles à travers une récupération durable des terres dégradées. Le ministère gagnerait à vulgariser cette approche », a-t-elle confié.
Le secrétaire exécutif de l’observatoire national du foncier (ONF), Ganou Issifou, a lui aussi salué cette expérience bocagère menée par Terre Verte depuis 30 ans et qui permet au monde paysan de se mettre ensemble pour valoriser des terres dégradées, en dégageant à la fois des terres agricoles et pastorales.
Il se pose cependant des questions quant à la possibilité de vulgariser cette expérience au vu du coût de l’aménagement bocager qui est de l’ordre de 400 000 FCFA à 600 000 FCFA l’hectare.
« Mais au regard de ses impacts positifs, il appartient aux acteurs de trouver les voies et moyens pour l’adapter à nos contextes. Il faudrait que les projets et programmes mobilisent des ressources pour aller dans le sens de sa mise en œuvre à grande échelle », a-t-il préconisé. Car, elle constitue l’une des solutions à la pression foncière en ce qu’elle permet de récupérer des terres dégradées mais aussi d’apaiser les conflits fonciers à travers une gestion commune du foncier rural par plusieurs acteurs, a conclu M. Ganou.