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Dr Biram Thiam, SP du Conseil du dialogue social de l’UEMOA : « Les négociations sont souvent faites dans la précipitation »

Publié le mercredi 11 aout 2021  |  Sidwaya
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© Autre presse par DR
le Secrétaire permanent (SP) du Conseil du travail et du dialogue social de l’UEMOA, Dr Biram Thiam
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Dans cet entretien, le Secrétaire permanent (SP) du Conseil du travail et du dialogue social de l’UEMOA, Dr Biram Thiam, analyse les différentes crises qui secouent les pays membres et présente des pistes de solutions pour les réduire au maximum. Il aborde aussi d’autres aspects, dont la notion de travail décent.

Sidwaya (S) : Présentez-nous le secrétariat permanent du Conseil du travail et du dialogue social…

Biram Thiam (B.T.) : Le Conseil du travail et du dialogue social (CTDS) a été créé par acte additionnel 02/2009 en date du 17 mars 2009 par les chefs d’Etat et de gouvernement, pour susciter l’implication des partenaires sociaux et de la société dans le processus de constitution communautaire, à travers la poursuite et la mise en œuvre des objectifs sur le plan communautaire. Les chefs d’Etat lui ont assigné trois missions : étudier et apprécier toute question susceptible d’avoir un impact social dans l’Union, appuyer les processus de concertation et de consultation tripartite dans les pays membres et également appuyer le processus de la mise en place des cadres nationaux de dialogue social dans les pays membres de l’organisation.

S : En quoi consiste l’action du CTDS ?

B.T. : Au quotidien, nous travaillons en étroite collaboration avec l’Organisation internationale du travail (OIT), qui nous appuie dans nos travaux et nos réflexions. Dans ce cadre, ce que nous pouvons faire, c’est élaborer un certain nombre d’avis et de recommandations, formuler des recommandations à l’endroit des Etats, de la Commission, des organisations d’emploi et de travail sur les bonnes pratiques, les bonnes procédures et les bons procédés pour attirer les partenaires sociaux vers une forme de cohabitation basée sur la confiance, la compréhension, la concertation et la consultation en vue de jeter les bases d’une paix sociale durable. Tant qu’il y aura, l’activité économique, l’entreprise, il y aura un choc d’intérêts, et donc il y aura toujours grèves et conflits sociaux. La capacité des partenaires sociaux c’est d’être à mesure de prévenir ces conflits ou à défaut d’arriver à s’asseoir autour d’une table pour les résoudre lorsqu’’ils éclatent. S : Les pays membres de l’UEMOA sont secoués par des crises sociales. Quels en sont les principales causes ? B.T. : Déjà on peut noter des demandes sociales insatisfaites. Il y a une absence de discipline dans la conduite et la mise en œuvre de la négociation collectives. Souvent, les négociations sont faites dans la précipitation et des accords signés dans le même esprit et il va de soi que l’application posera un certain nombre de problèmes. En l’occurrence, des avantages seront consentis sans réellement la conviction, qu’il faut. Les demandes sociales seront excessives et ne seront pas satisfaites. Du coup, nous ferons face à des vagues de revendications et de grèves qui perturbent l’activité économique et qui retardent aussi le développement, puisque la grève a des conséquences sur le plan social et sur le plan économique et financier.

S : Quelle est la vision du CTDS pour réduire les conflits à leur proportion minimale au sein de l’UEMOA ?

B.T. : La vision du CTDS est assez large. Pour réduire les conflits, il faut d’abord promouvoir le dialogue social et la négociation collective. Ensuite, il faut aller vers la tenue des organisations sociales pour avoir un dialogue social assaini, suffisamment représentatif et de qualité. Il faut aussi accompagner les partenaires sociaux dans le renforcement des capacités, pour qu’ils soient à même de discuter du droit et de parler des points de revendications en ayant l’argumentaire nécessaire. La formation est une activité importante que nous utilisons pour promouvoir la paix sociale et instaurer un dialogue social positif. En fait, un dialogue social positif avec des cadres de dialogue bien structurés permettent de régler d’importantes questions économiques et sociales, consolider la paix sociale et garantir une certaine productivité au niveau national. Et le CTDS s’investit dans ce chantier.

S : Que renferme la notion de portabilité des droits sociaux ?

B.T. : Le travailleur durant sa carrière est libre de bouger et d’occuper dans beaucoup de pays des emplois de manière successive. Dans le cadre de l’Union, l’article 91 du Traité stipule que la Commission de l’UEMOA doit prendre par voie de directive ou de règlement, les dispositions nécessaires pour garantir aux travailleurs migrants et à leurs familles, la jouissance effective des droits et prérogatives en matière de protection sociale, en fonction des emplois et en tenant compte des périodes d’emplois successifs occupés par les travailleurs dans les différents pays membres de l’Union. Lorsque le travailleur en activité est dans un pays, il contribue au financement à travers les cotisations, il est affilié à une organisation donnée et il constitue un certain nombre de droits que l’on appelle les droits acquis ou les droits en cours d’acquisition. Les droits en cours d’acquisition sont consolidés une fois que le travailleur a effectué sa période de stage qui donne droit à une pension. Dans certains pays par exemple, ça peut être 5 ans dans d’autres 10 ans ou encore calculé en termes de mois. S’il quitte ce pays, une fois à la retraite, il a droit à une pension. Par conséquent, s’il totalise des périodes similaires dans beaucoup de pays, à la retraite, on devrait être à mesure de lui porter sa pension dans le pays où il a décidé de résider. Mais la portabilité est confrontée à un certain nombre de contraintes, notamment la clause de résidence et la clause de nationalité qui font que certaines organisations refusent l’idée d’envoyer la pension à des citoyens qui ne se trouvent pas sur le territoire national. Mais ce verrou a été surmonté à travers deux instruments qui ont été adoptés. Il s’agit de la convention internationale de la CIPRES, une organisation interafricaine qui regroupe les institutions de prévoyance sociale des pays et qui compte aujourd’hui 16 Etats membres. Le second instrument est la convention générale de la sécurité sociale de la CEDEAO. Il faut maintenant aller vers la sensibilisation, à travers des études sur les conditions techniques pour mettre en application ces conventions et assurer la portabilité des droits. Nous pouvons commencer par des cercles concentriques. Les 8 pays membres de l’UEMOA qui ont l’avantage d’être des pays homogènes offrent beaucoup d’opportunités et de garanties pour expérimenter ces conventions et ainsi régler un problème fondamental fortement ressenti par les travailleurs.

S : Globalement, quelle est la situation des travailleurs migrants par rapport à la problématique de la portabilité des droits ?

B.T. : Les travailleurs migrants à la retraite sont contraints de rester dans le pays d’accueil pour continuer à bénéficier de la pension. Autrement, s’il rentre dans leurs pays et qu’il n’y a pas d’arrangement entre les institutions de prévoyance sur le plan bilatéral, malheureusement il ne peut pas bénéficier de la pension. Cette pratique est contraire au principe du travail décent. Pour promouvoir un travail décent, il faut un emploi rémunérateur et assurer la protection sociale. La protection sociale doit être mise en application pendant que le travailleur est en activité et également accompagner le travailleur jusqu’à sa retraite, y compris jusqu’à sa mort puisqu’il y a la pension de réversion susceptible d’être payée à ses veuves et à ses enfants orphelins. C’est donc un outil qui a toute sa place dans le processus d’intégration. Nous avons adopté un avis sur cette problématique, que nous avons transmis à la Commission. Fort heureusement, la Commission a pris conscience de l’importance de son contenu et a donné des instructions au département du développement humain pour que des dispositions soient prises dans le sens de progresser l’effectivité de la portabilité des droits des travailleurs migrants au niveau des pays membres de l’Union.

S : Quelles précautions un travailleur doit prendre pour s’assurer de bénéficier d’une pension à sa retraite ?

B.T. : C’est une très bonne chose de souligner cela, parce que les travailleurs durant leurs carrières oublient la question de la protection sociale. Il faut souvent se rapprocher de l’institution à laquelle on est affilié pour s’assurer que l’employeur verse régulièrement les cotisations et du niveau d’évolution de la pension. Au besoin, il peut demander des simulations sur le montant de la pension au temps T., la notion d’épargne si minime soit-elle doit être encouragée. Le salaire c’est vrai a une certaine régularité, mais il faut apprendre à mettre un peu d’argent de côté pour prévenir les cas non souhaités qui peuvent survenir et nécessitent une mobilisation de ressources y compris le recours à des emprunts. Par exemple, certains travailleurs ont perdu leur travail pour aller soutenir un enfant malade. D’autres doivent soutenir un enfant malade qui doit être évacué. Il faut donc penser à s’occuper de sa retraite dès le 1er jour de l’emploi et surveiller l’évolution de sa pension et se constituer une petite épargne. Au besoin, souscrire à une assurance retraite complémentaire.

S : On parle de plus en plus de travail décent. Dites-nous quels sont les travailleurs les plus vulnérables ?

B.T. : Les travailleurs qui sont dans l’économie informelle sont les plus vulnérables par rapport au travail décent, parce qu’il y a une non application du droit. On ne peut même pas parler de vide juridique, puisque cela voudrait dire qu’il n’y a pas de droit. Or pour les travailleurs qui sont dans l’économie informelle, il n’y a pas d’effort de régularisation et formalisation, sinon les conditions qui permettent de qualifier les relations dans le secteur informel de relation de travail existent. Vous avez un employeur, un travailleur et une prestation de travail et le paiement régulier d’un salaire. La question concerne les types de salaire payés aux travailleurs qui sont dans le secteur informel ? Généralement, ils sont supérieurs à ce que prévoient les conventions collectives. Les horaires de travail parfois dépassent les 40 heures par semaine, ce qui pose le problème de l’exploitation du travailleur. D’autres fois encore des travailleurs doivent faire face à la violence, ne serait-ce que par les mauvaises conditions de travail. La question du harcèlement sexuel reste aussi une menace à laquelle les travailleurs du secteur informel sont confrontés. Les travailleurs dans les maisons ou travailleurs domestiques sont véritablement très exploités par un certain nombre d’employeurs parce que le chef de famille qui a contracté avec un travailleur a le statut d’employeur.

En effet, est travailleur toute personne qui met son activité professionnelle sous l’autorité d’une autre personne physique ou morale, publique ou privée, moyennant rémunération. L’action de sensibilisation doit être importante pour prévenir, protéger, accompagner et promouvoir le travail décent en milieu rural dans les exploitations agricoles, dans les maisons, dans les ateliers, les rues avec les travailleurs de l’économie informelle mais aussi dans les entreprises bien structurées puis qu’il peut y avoir une certaine forme d’injustice qui frappe les travailleurs. L’employeur doit aussi être protégé dans la relation de travail. Si l’employeur a un certain nombre de prérogatives, il a un pouvoir disciplinaire, de direction et d’organisation. Le travailleur a un certain nombre d’obligations : exécution consciencieuse du travail, respect des conditions et des normes de sécurité en vigueur au sein de l’entreprise

Interview réalisée par Nadège YE
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