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Abdoulaye Vilane, député sénégalais du parlement de la CEDEAO : « Les Burkinabè sont résilients face à l’insécurité»

Publié le jeudi 8 juillet 2021  |  Sidwaya
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Présent au Burkina Faso pour participer à une réunion délocalisée du Parlement de la CEDEAO sur les crypto-monnaies, le député porte-parole du Parti socialiste du Sénégal, a accordé une interview à sidwaya, le mercredi 7 juillet 2021, à Ouagadougou. Il aborde, entre autres sujets, la résilience du peuple burkinabè face au terrorisme, la nécessité pour les pays de l’espace communautaire, d’accompagner le G5 Sahel dans la lutte contre l’hydre terroriste et celle de réglementer les monnaies numériques.

Sidwaya (S) : Vous participez à une réunion délocalisée du parlement de la CEDEAO au Burkina Faso qui traverse une période sécuritaire difficile. N’aviez-vous pas eu d’appréhensions et d’inquiétudes en venant à Ouagadougou ?

Abdoulaye Vilane (A.V.) : Mon premier mot va à l’endroit du peuple burkinabè. En tant que député et élu de l’espace CEDEAO et donc, représentant de la population communautaire, nous avons été meurtris par les actes de barbarisme ayant tué plus d’une centaine de personnes (massacre de Solhan, ndlr). Cela s’ajoutant à un cortège de morts qu’on enregistre au Mali, au Nigéria et au Niger et plus dramatiquement au Burkina Faso, connu pour sa résilience, la bravoure et l’honnêteté de ses citoyens. Ce n’est pas fortuit que partout dans le monde, quand vous dites Burkina Faso, on y ajoute, le pays des Hommes intègres. Mon premier mot est donc un mot de compassion, d’indignation et de condamnation de toutes ces actions de violence.

Je dois dire que quand on a arrêté la date, l’objet et le lieu de cette réunion délocalisée, ils ont été nombreux parmi les collègues députés qui, parfois lisent les journaux, regardent les médias occidentaux et particulièrement les réseaux sociaux, à avoir été angoissés par la situation sécuritaire du Burkina Faso. Mais avec les choses telles qu’elles se présentent aujourd’hui, on ne peut pas dire que tel pays est sûr à 100%. Cela dit, à l’épreuve de la réalité, quand nous sommes arrivés, non seulement, nous nous réunissons dans la paix, la sérénité et la quiétude, mais aussi, nous circulons à pied et nous discutons et échangeons avec les Burkinabè et nos parents établis ici au Burkina Faso. Nous avons constaté que ce pays est tenu et bien tenu et que les Burkinabè, dans leur fierté légendaire et leur ouverture d’esprit, font face à la situation dans une résilience totale. Je dois rendre hommage aux Forces de défense et de sécurité, aux autorités et aux leaders d’opinion. Nous leur devons une fière chandelle. Dans le cadre de l’œcuménisme propre au Burkina Faso, je salue tous les dignitaires religieux, parce que si l’Afrique devait avoir une page, il devait être burkinabè. Le cardinal Philippe Ouédraogo est une identité remarquable au monde dont le Burkinabè, plus que n’importe qui, devrait être fier. J’invite l’ensemble des élites de notre sous-région, des chefs d’Etat et de gouvernement, à le consulter régulièrement parce que son avis compte et son analyse des situations et des données reste inextricable aux intérêts supérieurs du Burkina Faso, de la sous-région et de l’Afrique.

S : Quel appel avez-vous à lancer aux autorités burkinabè dans la lutte contre le
terrorisme ?

A.V. : Je n’ai qu’un seul appel. C’est d’asseoir des politiques publiques qui assurent, motivent et mobilisent les jeunes. Si nous ne réglons pas le problème de nos jeunesses, nous n’avons pas le droit d’espérer des lendemains meilleurs ou paisibles. On le voit avec le phénomène de la migration irrégulière, cette horde de jeunes qui échouent en mer. Il y a cette angoisse existentielle de voir sortir nos jeunes des écoles et universités. Notre population est jeune et cette jeunesse est un atout. Il faut repenser nos politiques publiques en matière d’éducation et de formation pour que l’offre de formation soit adaptée à nos besoins en termes de capacitation afin que les jeunes soient opérationnels pendant qu’ils sont encore frais. Au Burkina Faso, j’ai vu un peuple cosmopolite, sympathique et un pays qui commence à renforcer la promotion de la gent féminine. J’ai discuté avec des jeunes filles et femmes qui disent qu’elles ne sont pas pour la discrimination, mais pour la promotion du mérite. Notre jeunesse veut entreprendre et elle a besoin d’accéder au crédit à des taux de remboursement supportables. Aussi, la classe politique du Burkina Faso doit savoir que maintenant que les prérequis sont réglés avec une constitution acceptée par tous, des règles du jeu claires, tout le monde doit respecter la loyauté républicaine et la patience citoyenne. Si on respecte les règles du jeu et on met en œuvre des politiques publiques qui tiennent compte des problèmes des populations pour lesquelles on est censé agir, il n’y a pas de raison qu’il n’y ait pas de paix et de stabilité pour aller vers le développement et l’émergence. C’est à ce moment que dans un cadre de complémentarité et de conjugaison des efforts, les pays de la CEDEAO pourront effacer les frontières.

S : La gangrène terroriste s’étend progressivement vers les pays côtiers. Le Sénégal a-t-il des raisons de s’inquiéter?

A.V. : Chaque jour que Dieu fait, des hommes politiques comme moi et bien d’autres attirons l’attention des Sénégalais sur le fait que ce qui se passe au Niger, depuis que le verrou de la Lybie a sauté avec la chute de Kadhafi, ce qui se passe au Tchad avec la chute de Idriss Deby, ce qui se passe au Mali où l’on détruit des universités, des instituts d’enseignements arabo-musulmans, des tombeaux de chefs religieux et ce qui se passe au Burkina Faso, autrefois terre d’asile de bon nombre d’opposants politiques en mal d’épanouissement chez eux. Parce que tout ce qui rampe va vers la palissade. Les terroristes et acteurs du trafic de drogue, du grand banditisme et de la criminalité transfrontalière cherchent une position géostratégique et géopolitique confortable, avec une ouverture sur la façade maritime, en vue de faire le transport et le commerce de la drogue et tout ce qui va avec. Comme on le dit en Afrique, quand la case de ton voisin brûle, au lieu de te contenter de crier au secours, il faut apporter ton seau d’eau pour éteindre le feu. C’est pourquoi, ce qui se passe au Nigéria, au Niger, au Mali et au Burkina Faso intéresse au premier chef le Sénégal et tous les pays qui ont une façade maritime. Le terreau est fertile, le contexte est favorable et la problématique de l’indépendance de nos pays se posera tant qu’on n’aura pas compris que cette civilisation dite universelle via les réseaux sociaux peut être un moyen nocif que les ennemis de l’Afrique vont utiliser pour manipuler grâce aux Fakenews et faire des transferts d’argent par les mécanismes modernes non-étatiques. Les peuples ne doivent pas proclamer seulement le patriotisme, mais le vivre au jour le jour. Je les invite donc à dénoncer tout fait nouveau, tout comportement suspect, toute arrivée nouvelle dans un village, une localité aux autorités et aux forces de l’ordre. Il s’agit d’avoir une attitude préventive parce qu’il faut la paix pour pouvoir travailler.

S : Que doivent faire les pays de la CEDEAO pour soutenir ceux du G5 Sahel dans la lutte contre le terrorisme ?

A.V. : Les pays de la CEDEAO doivent conjuguer leurs efforts dans la lutte contre le terrorisme. Le Burkina Faso ne peut pas et ne doit pas être seul. Le Mali ne peut pas et ne doit pas être seul. Nous avons des FDS bien formées. Ce qui manque, c’est l’aptitude, la capacitation en termes de ressources et de moyens d’intervention comme des radars, des technologies avancées. Je suis convaincu qu’il faut mutualiser nos efforts. Déjà, quand le G5 Sahel s’est réuni au Tchad, le Sénégal s’y était rendu et s’est engagé à donner un milliard F CFA. Malheureusement, Idriss Deby est mort et il faut continuer cette mutualisation des efforts. Cela ne doit pas concerner uniquement les Etats, mais aussi les hommes d’affaires et les entrepreneurs parce qu’on ne peut pas faire prospérer son entreprise et garantir l’avenir de ses enfants sans paix et sans stabilité.

S : Vous séjournez, du 6 au 10 juillet 2021 à Ouagadougou, dans le cadre d’une réunion délocalisée du Parlement de la CEDEAO sur la crypto-monnaie. Quelle nécessité y a-t-il à statuer sur ce sujet ?

A.V. : Le parlement de la CEDEAO a décidé de tenir à Ouagadougou une réunion qui regroupe quatre grandes commissions que sont les commissions ‘’Administration, finances et budget’’, ‘’Politique macroéconomique et recherche économique’’, ‘’Comptes publics’’ et ‘’Commerce, douane et libre circulation’’. Nous l’avons voulue, tenant compte des réalités, pour essayer de donner une sorte de réponse actuelle à des questions ultérieures. Parce que la crypto-monnaie est une réalité qui est devenue monnaie courante. Puisque gouverner, c’est prévoir, le parlement de la CEDEAO devait réfléchir à porter ces questions pour que dans nos parlements respectifs, nous puissions avoir le même niveau d’information sur la problématique de la crypto-monnaie, ses enjeux, les défis, les conséquences négatives et/ou positives. Nous ne sommes pas les seuls à être intéressés parce que la question intéresse aussi les gouvernements, le patronat, le secteur informel et les grandes entreprises. Tout cela nous oblige à réfléchir ici et maintenant pour envisager d’aller dans le sens d’adopter dans nos pays respectifs et dans l’espace de la CEDEAO, des règlementations communautaires.

S : Quelle pertinence trouvez-vous dans les différents exposés ?

A.V. : La réunion n’est pas une instance de décision, mais un cadre de réflexion. Nous avons réuni quatre grandes commissions. A partir de cette réunion, nous ferons un rapport au parlement. Chacun dans son domaine et dans son secteur partira avec les recommandations et analyses. Avec le temps, les chefs d’Etat et de gouvernement ne manqueront pas de se saisir des conclusions afin que l’espace communautaire puisse règlementer les crypto-monnaies.

Interview réalisée par
Jean-Marie TOE
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