Le premier gouvernement du second quinquennat du Président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, est à pied-d’œuvre depuis une centaine de jours. Le camp de la majorité présidentielle et celui de l’opposition apprécient diversement les premières actions de l’exécutif.
Le secrétaire exécutif national du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), Lassané Savadogo, appréhende les 100 premiers jours du premier gouvernement du second mandat du président du Faso sous l’angle de réglages et de la continuité. « Nous pensons que les 100 premiers jours ont été une période de réglage et de poursuite dans la mise en œuvre de ce qui avait été entamé lors du premier mandat. Nous les voyons également comme une période de préparation de la mise en œuvre du programme du second quinquennat », a-t-il soutenu. Depuis la mise en place du gouvernement, les chantiers prioritaires du président du Faso sont en train d’être mis en exergue dans l’action gouvernementale, de l’avis du secrétaire exécutif national du parti au pouvoir. Il a cité, à titre d’exemple, le chantier de la réconciliation nationale avec la création d’un ministère d’Etat chargé de la question, piloté par Zéphirin Diabré. Concernant la lutte contre l’insécurité, M. Savadogo a indiqué que ce volet reste toujours une préoccupation, mais les efforts sont poursuivis pour endiguer le fléau.
« En dépit de cela, le phénomène est toujours là, mais force est de constater qu’il y a une montée en puissance des forces de défense et de sécurité, des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) et une meilleure collaboration avec la population tant et si bien que les résultats sont prometteurs quant à notre capacité à en venir à bout », a-t-il déclaré. Période de continuité également dans le domaine du développement économique et social, puisque selon M. Savadogo, il n’y a pas eu de rupture entre le programme du quinquennat passé et celui du présent mandat synthétisé autour de 10 chantiers prioritaires. « Le gouvernement a continué la mise en œuvre des chantiers engagés sous le premier mandat.
Les projets majeurs dans les domaines des infrastructures, de l’hydraulique, de la santé, de l’agriculture, se poursuivent comme s’il n’y avait pas eu d’élections le 22 novembre passé. Sous tous ces aspects, je pense que c’est une appréciation positive qu’on peut faire de ces 100 premiers jours », a souligné le secrétaire exécutif national du MPP.
« Donner un contenu visible »
Toutefois, il a reconnu que tout n’est pas parfait dans la mesure où certaines préoccupations connaissent une relative lenteur. « Quand on prend le dossier de la réconciliation nationale, l’on a encore des difficultés pour donner un contenu visible de ce qui pourrait être ce chantier, quand bien même nous apprécions le travail que le ministre chargé de la question fait. Je pense qu’un séminaire gouvernemental se tiendra pour affiner les concepts de la réconciliation nationale et définir une feuille de route », a indiqué M. Savadogo. Quelle appréciation faites-vous de l’action du ministre d’Etat, chargé de la réconciliation nationale, Zéphirin Diabré. M.Savadogo a salué « l’humilité » avec laquelle il gère la question. « Il n’est pas venu avec des idées reçues, des préjugés et des recettes magiques. Il a préféré engager des rencontres, échangé avec des personnes-ressources et des structures pour avoir leurs sentiments et leurs points de vue sur la réconciliation nationale et les modalités de sa mise en œuvre.
Je pense que c’est la meilleure façon de ne pas se tromper quand bien même l’on prend un grand risque en procédant ainsi », a-t-il argué. Comment appréciez-vous la mise en accusation de Blaise Compaoré et d’autres personnes dans l’affaire Thomas Sankara dans un contexte où il est question de réconciliation nationale ? Le secrétaire exécutif du MPP a dit applaudir cette décision qui n’est pas en contradiction avec la réconciliation.
Et de préciser que cela est une bonne chose pour notre justice et notre démocratie. « Le dossier Thomas Sankara est emblématique. Depuis 1987, nous attendons qu’il évolue afin qu’on sache ce qui s’est passé. Si la vérité est connue, que les auteurs qui ont commis ce forfait soient identifiés et jugés. C’est tout ce que nous demandons. Le tribunal militaire l’a finalisé et est en état d’être jugé. Il s’agit pour le procureur militaire de programmer la date du jugement », a-t-il soutenu. A l’entendre, la réconciliation ne peut être véritable que si elle s’appuie sur le socle de la vérité et de la justice. Aucun acteur politique, a-t-il poursuivi, ne propose qu’on évacue purement et simplement la justice au profit de la réconciliation.
« D’aucuns disent qu’il faut éviter la justice pénale et aller vers une justice transitionnelle. A notre niveau, nous disons qu’il y a des dossiers pour lesquels la justice transitionnelle peut être efficace. Il y a d’autres dossiers pour lesquels, c’est la justice classique qui est la mieux placée pour en faire un bon traitement. Et je considère que le dossier Thomas Sankara comme celui de Norbert Zongo sont tellement importants et sensibles qu’il est difficile d’envisager une autre forme de justice pour les gérer », a détaillé M. Savadogo. Il a confié que le MPP a fait un « travail gigantesque » pour accompagner le gouvernement dans la mise en œuvre du programme quinquennal du chef de l’Etat.
Pas de « grands changements »
A ce titre, plusieurs commissions ont mené des réflexions sur la gouvernance, le foncier, la réconciliation nationale et sur l’articulation entre le parti et le gouvernement. « Un dispositif est mis en place pour que les trois entités que sont le parti, le groupe parlementaire et le gouvernement agissent de manière synergique dans la mise en œuvre réussie du programme quinquennal », a déclaré M.Savadogo. Du côté de l’Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA), les 100 premiers jours du gouvernement sont similaires au rythme du premier mandat. Pour le secrétaire politique chargé de l’orientation idéologique de l’ADF/RDA, Abdoul Karim Sinaré, il n’y a pas eu de « grands changements », sauf une volonté affichée pour la question de la réconciliation nationale. « Cela parce que le président en avait fait une promesse de campagne. La nomination d’un ministre d’Etat chargé de la question vient prouver la volonté du gouvernement d’aller vers la réconciliation », a-t-il constaté.
Sur le plan sécuritaire, M. Sinaré a relevé qu’il n’y a pas d’amélioration à part une relative accalmie qui s’est observée. « A un moment, l’on se posait la question de savoir si on va discuter avec les terroristes ou pas. Les médias ont fait savoir qu’il y avait des discussions avec certains groupes armés. Après les autorités sont venues dire qu’elles ne négociaient pas avec ces derniers », a rappelé le secrétaire politique chargé de l’orientation idéologique. Et de déplorer les récentes attaques qui ont fait des victimes dans les rangs des FDS et des VDP. Sur le défi sécuritaire, M.Sinaré a martelé que le gouvernement doit prendre à bras-le-corps la préoccupation.
« Si vous pensez qu’en associant la voie diplomatique à la force des muscles, nous pouvons arriver à de meilleurs résultats, il n’y a pas à hésiter », a-t- il conseillé. A propos des vaccins contre la COVID-19, M. Sinaré a souhaité que l’exécutif communique davantage au moment où beaucoup de pays en ont commandé pour leurs populations. Les effets dévastateurs du coronavirus ont fragilisé le pouvoir d’achat des populations et l’augmentation des prix du carburant et du gaz est de nature à créer plus de frustrations, selon le cadre de l’ADF/RDA. De ce fait, le gouvernement gagnerait à faire des propositions pour désamorcer le coût de la vie, a-t-il commenté. « Le président a promis d’améliorer davantage les conditions de vie de la population. Je sais que ce n’est pas facile et qu’il est aisé de critiquer, mais c’est notre devoir de pouvoir attirer son attention.
On doit pouvoir faire mieux », a lancé M.Sinaré. S’il apprécie les différentes rencontres qu’initie le ministre d’Etat chargé de la réconciliation nationale, il suggère que des pistes soient dégagées au plus vite et que l’on puisse avoir une idée claire de la feuille de route. De son avis, son parti est disposé à apporter sa contribution à ce processus.