1 200 warriors tchadiens ont mis pied sur la frontière entre le Burkina Faso et le Mali. Enfin ! Cela fait plus de 24 printemps et plusieurs tempêtes de sable sur le Sahel que les vaillants guerriers du Maréchal Idriss Déby étaient attendus sur le théâtre des opérations afin de casser du terroriste. On peut comprendre toutefois ce retard puisque le Tchad avait aussi ses propres problèmes qu’il fallait régler avant de venir laver le dos de ses voisins sahéliens.
Boko Haram avait comme décidé de prêter aussi main forte à ses «frères d’idéologie» du GSIM et compagnie en harcelant les troupes tchadiennes. Bourdonnement de moustique à l’oreille d’un éléphant. Bénin, mais agaçant et il fallait s’en débarrasser pour avoir l’esprit et … l’ouïe tranquilles pour se consacrer à la défense des intérêts des pays membres du G5 Sahel.
C’est désormais chose réalisée. L’armée la plus performante du désert a posé ses pataugas dans le triangle des trois frontières et entend bien ne pas faire mentir sa réputation d’efficacité sur le terrain, éprouvée au Mali en Centrafrique et même au Tchad contre d’itératives rebellions.
Un renfort pour les forces Barkhane, Takuba et la main de fer du G5 Sahel, qui pourront mieux se déployer sur les vastes étendues des trois frontières écumées par les troupes sournoises du GSIM et autres acolytes aux intérêts plus ou moins avoués.
Les différentes forces sur le théâtre des opérations donnaient bien parfois l’impression d’être essoufflées et même débordées par le périmètre à couvrir et à sécuriser.
En effet, le Sahel est victime aussi de son gigantisme, car dans cette guerre asymétrique, il est très fastidieux, même avec des drones de sécuriser près de 1000 kilomètres de frontières. Or, même si de plus en plus on a un terrorisme intramuros, ceux qui donnent la mort facilement assis sur des motos traversent cette frontière comme si l’on rentrait dans un moulin.
C’est du reste ce facteur qu’utilisent les groupes armés pour se dissimuler des yeux des lynx et des canons des armées coalisées. Avec ce soutien, Barkhane, Takuba et la force du G5 Sahel peuvent étudier d’autres perspectives. Comment réduire la nuisance des groupes armés ? Comment réduire leur mobilité ? Comment prévoir et prévenir leurs attaques ? Comment allier davantage les communautés locales en vue de poser un goulot d’étranglement aux recrutements de nouveaux adhérents ?
Parlant d’adhérence justement, il faudrait lever la tête des trois frontières pour jeter un regard du côté des pays côtiers. Les groupes terroristes semblent de plus en plus ouvrir leur appétit à ces nations, pour non seulement étendre leurs zones de nuisance, mais aussi retrouver de nouveaux combattants.
C’est un truisme de dire que si les katibas avaient voulu étendre leur hégémonisme sur le Golfe de Guinée, c’est chose faite avec cette seconde attaque à Kafolo dans la nuit du 29 mars 2021.Certes, le bilan est moins lourd (6 morts) qu’en juin 2020 qui avait fait 14 tués.
Mais elle ne demeure pas moins une alarme qui doit résonner dans tous les quartiers généraux et les PC de commandements militaires et présidentiels.
Ces bouches à feu anonymes des terroristes qui descendent du Sahel vers les côtes doivent obliger les pays concernés à mutualiser leurs efforts et leurs moyens, car cette guerre sans visage et sans ligne de front tente de prendre toute l’Afrique, à l’image de la ville de Palma au Mozambique qui vient de tomber dans la pétaudière terroriste. Le G5 devrait s’appeler G8 ou G20 pour agglomérer d’autres Etats africains.
Le terrorisme qui se sent étouffé cherche frénétiquement une bouche d’air, un tunnel où ses poumons pourront respirer l’indispensable et la vitale bouffée d’oxygène. Le GSIM et les autres agresseurs qui écument l’Afrique doivent subir certainement la même pression. L’attaque de Kafolo est-elle une coïncidence avec l’arrivée des 1200 Deby boys ? Possible surtout que plusieurs de leurs chefs ont été neutralisés par Barkhane. Quoi qu’il en soit, avec le trident qui les enserre depuis plusieurs mois, les groupes armés doivent eux aussi sentir de l’essoufflement dans leurs rangs. Il leur faut par conséquent d’autres cieux . Et les côtes de l’Afrique de l’Ouest peuvent offrir des bouées d’oxygène qui peuvent régénérer leurs corps. Alors, l’opération Samata 3 déploie ses ailes sur les trois frontières sahéliennes, certes, mais des opérations anti-écoulements par les côtes deviennent urgentes. Deux coups à Kafolo, c’est déjà trop pour la Côte d’Ivoire surtout si on y ajoute Grand-Bassam. Il faut donc être sur le qui-vive afin d’empêcher cette extension mortifère et surtout la réduire au stade du non-nuisible.