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Réouverture des écoles à Arbinda:les enseignants-volontaires menacent de plier bagages

Publié le mardi 16 mars 2021  |  Sidwaya
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© Autre presse par DR
Réouverture des écoles à Arbinda:les enseignants-volontaires menacent de plier bagages
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Après trois années de fermeture, les écoles primaires de la ville d’Arbinda ont rouvert leurs portes, le lundi 22 février 2021, sous l’assistance des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). Cependant, d’énormes défis sont à relever pour faciliter leur bon fonctionnement. Constat !

Un jour historique vient de se lever sur Arbinda, l’épicentre de l’hydre terroriste. Nous sommes dans l’enceinte de l’école primaire publique «A» de la localité, sise au secteur 6 de la ville. En cette matinée du lundi 22 février 2021, ce temple du savoir grouille de monde. Personnel enseignant, Association des parents d’élèves (APE) et Conseillers villageois de développement (CVD) s’activent pour les derniers réglages. C’est la rentrée des classes intermédiaires. Alors que les 36 élèves dont une vingtaine de déplacés internes que compte la classe du Cours moyen 2e année (CM2) sont en plein examen, leurs cadets s’attellent à dépoussiérer les salles occupées durant trois années par des Personnes déplacées internes (PDI). Sous un arbre à faible ombrage, un groupe de parents d’élèves tente toujours d’arracher une place pour sa progéniture. La liste de recrutement vient de franchir la barre de 1000 inscrits pour seulement 10 salles de classe. «Nous sommes déjà à 600 inscrits pour la classe de CP1. Au total, nous estimons le nombre d’inscrits à 5000 élèves, toutes classes confondues», nous confie l’enseignante-volontaire, Onno Hadjaratou. Parmi ces inscrits, figurent les Elèves déplacés internes (EDI) du département de Koutougou. Selon le Chef de la circonscription d’éducation de base (CCEB) d’Arbinda, Marcel Ouédraogo, sur les 60 écoles des 43 villages que compte la commune rurale d’Arbinda, seule l’école primaire publique «A» ouvre ses portes pour l’année académique 2020-2021. Trois tentes dotées par l’UNICEF, auparavant prévues pour des salles de classe, ont servi pour déloger les PDI des bâtiments. A entendre le président départemental de l’APE d’Arbinda, Mamoudou Maïga, cette réouverture des salles de classe vise à trouver une solution urgente à l’éducation des enfants, afin de les retirer des sites d’orpaillage. «Avec l’amélioration progressive de la situation sécuritaire dans la commune, nous nous sommes dit qu’il est temps que nos enfants reprennent le chemin de l’école», ajoute-t-il. De ce fait, aux dires du président de l’APE, une cotisation de 1000 francs par élève a été initiée, afin de permettre le démarrage effectif des cours. Mais, certains parents d’élèves peinent à mobiliser cette somme du fait de leur désœuvrement depuis le début de la crise sécuritaire, en 2019. Cette reprise des cours a été aussi une réalité grâce aux dispositifs sécuritaires mis en place par les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), avec la complicité des Forces de défense et de sécurité (FDS) de la localité.

«…tout le monde est résilient»

«Les VDP et les FDS nous ont promis d’assurer notre sécurité et celle des enfants. Mais, ils nous ont demandé d’installer les élèves au cœur de la ville et en un seul lieu pour faciliter leur protection», se réjouit le directeur du Centre d’éducation de base non formelle d’Arbinda (CEBNFA), Issouf Maïga. Visiblement, la psychose qui régnait au sein du personnel enseignant, cible privilégiée des attaques terroristes, se fond comme beurre au soleil. Le moral est au top. «Nous sommes presque tous des anciens de la localité. Nous avons été témoins de certaines attaques terroristes. Nous sommes partis et revenus. Tout le monde est résilient», rassure Marcel Ouédraogo, sourire aux lèvres. Et la titulaire de la classe de CM2, Aminata Tao de renchérir : «Cela fait un an et demi que nous n’entendons plus parler d’attaques terroristes. Ce qui encourage à rester». Le dispositif sécuritaire mis en place par la sécurité permettra au personnel enseignant de travailler dans la quiétude. Il apprécie positivement le travail abattu par les VDP dans le cadre de la lutte contre la nébuleuse terroriste. «De façon générale, nous constatons que les VDP font un travail formidable. Car, c’est grâce à eux que les populations partent faire le marché à Dori. Au mois d’octobre 2020, ce sont ces supplétifs de l’armée qui nous ont escortés de Gorgadji à Arbinda. Leur apport est essentiel et énorme», affirme l’inspecteur Ouédraogo. C’est pourquoi, le pédagogue souhaite que l’Etat augmente la puissance de feu des VDP. «Le gouvernement doit les mettre dans de meilleures conditions de travail et de vie afin que les VDP puissent épauler les FDS à bouter les forces du mal hors de notre commune», ajoute-t-il. Dans le même temps, l’inspecteur fustige le fait que le ministère en charge de l’éducation nationale n’encourage pas les enseignants qui ont accepté sacrifier leurs vies dans les zones rouges. «Je suis à ma 4e année ici ! Même pas une simple lettre de félicitations encore moins une décoration. Ces distinctions se font entre les bureaucrates à Ouagadougou là-bas…», fulmine Marcel Ouédraogo, sous fortes émotions. A l’entendre, au départ, une information émanant du maire d’Arbinda stipulait que les fonctionnaires de l’Etat qui ont accepté revenir malgré l’insécurité, bénéficieraient d’une motivation mensuelle à hauteur de 50 000 francs CFA. «Aux dernières nouvelles, nous avons aussi appris que cette décision a été catégoriquement rejetée. Nous sommes mécontents !», déplore M. Ouédraogo.

Le plus bel acte au monde

Qu’à cela ne tienne, le CCEB d’Arbinda et son équipe disent être prêts à donner le meilleur d’eux-mêmes afin d’inculquer une bonne éducation à leurs apprenants. Sur place, ces derniers manifestent leur joie de reprendre le chemin de l’école après avoir passé trois années sur des sites d’orpaillage. «Je suis très contente aujourd’hui, parce que certains de nos maîtres qui nous avaient abandonnés du fait de l’insécurité, depuis 2018, sont de retour…», déclare Zango Ramata. Elève en classe de CM2, elle caresse le rêve de devenir une infirmière. «Je veux sauver des vies humaines», indique-t-elle. Pour ce faire, l’écolière Ramata traduit sa reconnaissance à l’endroit de ses maîtres engagés, en dépit de la menace terroriste qui pèse sur eux. Son camarade de classe, Amadou Ouédraogo nourrit aussi le même rêve. «Les études me permettront de devenir un docteur, afin de soigner les malades», laisse-t-il entendre. De son avis, sauver une vie est le plus bel acte du monde. Vu le contexte sécuritaire difficile, Ilyasse Zango, élève de CE2, lui, opte pour la défense de sa patrie. «Je veux devenir un militaire comme mon père pour défendre mon pays», clame-t-il. Dépouillés par les forces du mal, leurs parents peinent à leur doter d’un minimum de fournitures scolaires. Ils appellent à la solidarité afin de réaliser leur rêve. «Nous demandons de la nourriture pour notre cantine scolaire. Nous n’avons pas de fournitures scolaires, parce que nos parents n’ont plus rien», pleure Ramata Zango, la tête baissée, dans un français approximatif. Même s’il s’agit du premier jour de la rentrée des classes, la plupart des écoliers sont arrivés les mains vides. «Tous les parents d’élèves sont tellement désœuvrés qu’ils ne sont plus à mesure de payer un seul cahier à leurs enfants. Ce matin, les élèves sont venus les mains vides sans cahier encore moins un sac. Nous étions obligés de voir avec l’inspecteur s’il y avait un peu de la dotation des années précédentes afin de débuter avec les effectifs moins pléthoriques», témoigne Issouf Maïga. D’ores et déjà, en dépit de leur précarité, les parents d’élèves tirent un motif de satisfaction. Pour eux, la reprise des cours permettra d’extirper leurs enfants des sites d’orpaillage. Pusga Badini, résident au secteur 4 d’Arbinda, vient d’inscrire ses 4 enfants. «Sincèrement, je suis étonné de cette réouverture que nous avons tant attendue depuis plus de trois ans. Les mots nous manquent pour exprimer notre joie…», se réjouit-il.

Rémunérer les enseignants-volontaires

Pour le Conseiller villageois de développement (CVD) d’Arbinda, Adama Zanré, cette réouverture des salles de classe prouve que leur commune retrouvre progressivement la paix. De ce fait, il fait une mention spéciale aux enseignants pour leur esprit de patriotisme. M. Zanré exhorte le ministère en charge de l’éducation nationale à accorder une attention particulière aux enseignants qui sont dans les zones à haut défi sécuritaire. Le CVD d’Arbinda s’appesantit sur, entre autres, le renforcement de la sécurité du personnel enseignant et l’augmentation du nombre d’enseignants-volontaires et leur motivation financière. «Tant que les enseignants-volontaires ne seront pas rémunérés, ils n’auront pas le moral pour avoir le cœur à l’ouvrage», plaide M. Zanré. Concernant la motivation financière, les enseignants-volontaires avouent n’avoir perçu aucun kopeck, depuis leur arrivée sur le terrain en début octobre 2020. «Lors de notre dernière rencontre, lorsque nous avons évoqué la situation financière des volontaires, le CCEB nous a fait savoir que pour le moment, il ne dispose d’aucune information sur notre statut. Du coup, on était découragé…», regrette Onno Hadjaratou. Selon le CCEB d’Arbinda, sur un effectif de 18 enseignants-volontaires affectés par l’Etat, seuls 7 ont répondu présent sur le terrain. Ce qui fait un manque à gagner de 11 enseignants-volontaires. Hadjaratou Onno affirme avoir résilié d’autres contrats au mois d’octobre 2020 pour venir prêter main forte à sa commune. «Lorsqu’on parle de volontariat, c’est la personne, elle-même, qui a décidé, délibérément, d’apporter son soutien. On ne l’a pas forcée. Mais si le volontaire se sacrifie nuit et jour, sans autre activité parallèle, il lui faut un minimum de motivation», souligne-t-elle. Mme Onno souhaite que leur sort soit situé le plus rapidement possible. Elle invite aussi les acteurs du monde de l’éducation à mettre tout le monde au même niveau d’information. En réponse à cette situation, l’inspecteur Marcel Ouédraogo renvoie la balle aux plus hautes autorités. Il soutient qu’un plan d’actions conçu, depuis Ouagadougou, prévoit une prise en charge mensuelle à hauteur de 150 000 francs CFA pour chaque enseignant-volontaire.
«Mais jusqu’à présent, rien n’est fait et nous ne savons pas à quel moment cette décision sera effective. Nous venons d’avoir d’autres informations que ce montant a été réduit à 60 000 francs. Celui-ci n’est pas aussi disponible. Toute chose qui contribue à démotiver davantage les enseignants-volontaires», déplore-t-il. Et pourtant le bourgmestre d’Arbinda, Boureima Werem rassure que tout rentrera dans l’ordre bientôt. «Nous rassurons les enseignants-volontaires qu’il n’y aura pas de problème. Car, nous travaillons avec la Direction provinciale de l’enseignement préscolaire, primaire, non formelle et de la promotion de langues nationales (DPEPPNFPLN) du Soum pour qu’une solution soit trouvée le plus rapidement possible», déclare-t-il.

La paix est de retour

Même si les autorités locales rassurent, le CCEB d’Arbinda, lui, craint la désertion des enseignants-volontaires. «La crainte d’arrêt des cours est légitime. Parce qu’actuellement, nous avons peur de dire aux volontaires de travailler en attendant que les autorités délient le cordon de la bourse. Même si la hiérarchie fait des promesses, les populations commencent à perdre espoir», alerte-t-il.
Sur les 8 enseignants titulaires affectés par l’Etat, 6 sont natifs de la commune rurale d’Arbinda. Ils ont délibérément donné leur accord pour revenir accompagner le processus de volontariat afin de trouver une solution à la fermeture des écoles dans leur zone.
C’est le cas de Harouna Sawadogo. Instituteur certifié, précédemment affecté par l’Etat dans la région des Hauts-Bassins, plus précisément à Koumbadougou, dans la CEB de Karangassosambla. Il nous explique les raisons de son retour dans sa commune natale. «Après le redéploiement des enseignants du fait de l’insécurité, nous avons constaté qu’il ne restait que deux enseignants titulaires pour un effectif de plus de 1000 élèves pour l’année scolaire 2020-2021», justifie M. Sawadogo.
Il invite les forces vives de la commune à ne pas tourner dos à leur contrée natale. «La paix est revenue dans notre localité. Actuellement, il y a eu un grand changement, en matière de sécurité, comparativement aux trois années précédentes où la situation était très difficile. Parce qu’on ne pouvait pas mettre la tête dehors dans la journée sans prendre une balle. Les VDP et les FDS font un travail exceptionnel», dit Harouna Sawadogo. En dépit de la volonté affichée de l’ensemble des acteurs du monde de l’éducation à rouvrir les salles de classe, plusieurs défis sont à relever. Il s’agit, entre autres, du problème de mobilier, du dysfonctionnement de la cantine scolaire, du curage des latrines, de l’insuffisance des salles de classe (10 salles pour 1000 élèves) et d’un complément d’enseignants. «Tout ce que les Personnes déplacées internes ont trouvé dans les salles de classe, nous n’avons pas pu récupérer quelque chose : tables-bancs, ustensiles de cuisine, fournitures scolaires, bureaux et chaises d’enseignant et des tentes», déplore Marcel Ouédraogo.
A entendre le président de l’APE, la mairie d’Arbinda a offert 70 tables-bancs.
Un nombre insignifiant par rapport à l’effectif. Outre les tables-bancs, l’inspecteur Ouédraogo lance un appel à l’endroit des partenaires de l’éducation pour une dotation de tentes pour des salles classe. «Si nous prenons l’effectif des élèves de la classe de CP1 (600), ces 10 salles sont déjà occupées. Donc, le problème de salles de classe se posera avec acuité», signale-t-il. Pour lui, 8 tentes sont nécessaires pour contenir le surplus de ce large effectif. La cantine scolaire est aussi indispensable pour maintenir les élèves à l’école. Son dysfonctionnement est source d’abandon scolaire. Or, il est actuellement à la merci des petits ruminants qui y ont élu domicile. «Quand les enfants viennent le matin à l’école et repartent à la maison à midi trouver que les marmites sont vides, pour revenir le soir ça sera difficile», s’inquiète Issouf Maïga. De ce fait, il souhaite que le Programme alimentaire mondiale (PAM) et les partenaires œuvrant dans les droits de l’enfant apportent leur soutien alimentaire.
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