L’Imam Talouta Dioni a exhorté les Burkinabè à éviter les discours de culpabilisation et à prôner un langage de sorti de crise, afin de ramener la paix et la cohésion sociale au pays des Hommes intègres.
La Coalition Jam pour la paix et la cohésion sociale(CJPaCS) a entamé le 19 décembre 2020 et ce, jusqu’au 06 février 2021, une caravane dans six régions du Burkina Faso, touchées par l’insécurité et le terrorisme. L’objectif est de lister les causes de cette montée de violence et de dresser des pistes de solutions. Talouta Dioni, Imam au Centre d’études et de recherches et de formation islamiques (CERFI) et personne ressource de la communauté musulmane de Fada N’Gourma, nous a livré sa vision des choses, lors l’étape de Dédougou, le 09 janvier 2021.
Agence d’information du Burkina (AIB) : Quelle appréciation faites-vous de la tournée initiée par la CJPaCS ?
Imam Talouta Dioni (ITD) : Au regard de l’objectif poursuivi, c’est une bonne initiative. Ceux qui l’ont organisée ont vu juste. Elle est venue à point nommé. Pour résoudre un problème de mal entendement, nulle n’est plus indiquée que les leaders religieux et coutumiers pour le faire. Cette caravane est donc positive et je prie Dieu que ça se passe bien.
AIB: Vous avez décidé d’apporter votre contribution en intervenant lors des forums, quelle est la teneur de votre message ?
ITD : Au-delà du thème général de la tournée qui est «rôle et responsabilités des leaders d’opinions dans la quête de la paix et la cohésion sociale», je viens avec un sous thème qui est la tolérance religieuse et l’ethnocentrisme.
J’essaie de donner des explications sur certains éléments qui compromettent le vivre ensemble ou la cohésion sociale.
En clair, à travers ces différents thèmes développés, on vise à ce que les leaders que nous sommes, puissions incarner d’abord ces valeurs de paix et de cohésion avant de demander aux uns et autres de s’en approprier.
AIB: Quelles sont les causes de l’extrémisme violent?
ITD : On parle d’extrémisme violent quand un individu ou un groupe d’individu pensent se rendre justice avec pour argument la force. C’est-à-dire qu’ils utilisent la violence pour entrer en droit.
Il y a beaucoup de facteurs qui font qu’on arrive à l’extrémisme violent. Ce sont entre autres l’injustice, la pauvreté, la radicalisation qui n’est plus seulement religieuse mais qui se trouve dans toutes les couches sociales.
Dans cette question de terrorisme ou d’extrémisme, les gens ont marre de tous ce qu’ils ont toujours vécus et pensent entrer en droit de cette manière. Alors, quand il y’a des propositions tendant à leurs rendre justice ou leur soulager de leurs préoccupations, peu importe les moyens qu’il faudra utiliser, des personnes vont finalement se retrouver embarquées par ces choses.
Ce sont là, les causes que je peux donner mais il y en a bien d’autres.
AIB : Quelles solutions proposez-vous pour que le Burkina Faso retrouve la paix ?
ITD : Pour donner des solutions, il y a ce qui doit être traité à l’immédiat et il y’a également des questions qui devront être traitées à moyen et à long terme.
Dans l’immédiat, tous les leaders communautaires, c’est à dire tout responsable que ce soit d’une commune, d’une province ou d’un pays doivent revoir leurs habitudes.
Il faut arrêter toute attitude ou comportement qui encourage ou qui entretienne le problème que nous vivons.
A moyen terme, les leaders et les dirigeants doivent pouvoir s’asseoir pour voir comment réintégrer ceux (les combattants, les radicalisés, ndlr) qui décident de revenir.
Dans tous les forums Fada N’Gourma, Ouahigouya et même ici à Dédougou, il a été demandé que tous les frères, fils et filles qui ont pris les armes contre leurs frères et sœurs, les déposent.
Mais cela ne peut se faire sans une négociation et sans des garanties des deux côtés.
Et dans le long terme, il faudra que tout leader revoie son discours pour avoir des discours d’apaisement et éduquer les enfants dans les familles sur la tolérance sur tous les plans.
Cependant, ce sont des solutions qui vont demander des moyens et du temps.
AIB : Les appels livrés dans chaque région, sont-ils susceptibles de toucher tous les cibles ?
ITD : Nous sommes dans un processus aujourd’hui et les déclarations tiennent compte des problèmes de chaque région.
Pa exemple, il y’a au moins 40% de choses ressorties dans la déclaration de Fada N’Gourma qui ne sont pas forcément dans celle de Ouahigouya.
Ce sont des indicateurs qui nous rassurent que les déclarations tiennent compte des besoins. Cela signifie que les travaux d’ateliers portent, même s’il faut travailler à amener certains indécis plein d’idées à y participer désormais.
Je salue donc cette démarche qui permet à chaque région de renseigner ces besoins, souligner ces préoccupations et proposer éventuellement des solutions.
Oui les messages parviennent aux intéressés car chaque entité sociale à une recommandation ou une action que l’on attend d’elle dans les déclarations. Il y’a par exemple des appels à l’endroit des autorités, à l’endroit des leaders communautaires… Je ne saurais dire comment mais l’information leurs parviennent aussi (ndlr, parlant des terroristes), car ils sont des gens très renseignés.
AIB: Avez-vous un message particulier ?
ITD : Je lance un appel à tous les leaders communautaires, religieux et coutumiers à revoir leur discours et leur comportement. Que chacun tienne un discours d’apaisement à travers les différents prêches de vendredi, de dimanche et même dans les médias.
Il nous faut avoir discours de sorti de crise et non des discours de culpabilisation. Cela passe par la culture de la paix.
Toute action que nous posons doit pouvoir conduire à la paix. Il nous faut aussi tolérer la diversité dans les croyances tout comme dans la nature. Nous devons accepter la liberté de culte, et éviter de vouloir imposer notre façon de voir les choses aux autres. Car on peut toucher autrui à travers un bon comportement. Le peuple burkinabé a déjà trop souffert de ce mal, mais main dans la main chacun apportera sa pierre pour la paix.