Au Mali, le gouvernement d’union nationale annoncé en fin juillet dernier par le président intérimaire, Dioncounda Traoré, se fait toujours attendre. En tout cas, au moment où ces lignes étaient tracées dans l’après-midi d’hier, c’étaient toujours les tractations, les examens des CV (curriculum vitae) des prétendants, les enquêtes de moralité au pas de course. Sur ce plan, c’était toujours l’expectative. Aucun nom n’a fuité comme c’est souvent le cas en pareille circonstance dans bon nombre de pays. Par contre, concernant le Haut conseil d’Etat (HCE) proposé par le président intérimaire, il est quasi certain que l’un des deux postes de vice-président va échoir au capitaine Amadou Haya Sanogo. Au regard de son profil, on n’a pas besoin d’être devin pour savoir qu’il aura en charge « toutes les questions militaires concernant le Nord du Mali », comme le définissait Dioncounda Traoré dans son discours à la Nation de fin juillet dernier.
L’auteur du coup d’Etat de la nuit du 21 au 22 mars devra, à ce titre, présider le Comité militaire de suivi de la réforme des forces de défense et de sécurité. Dans un futur proche, le capitaine Sanogo jouera donc un rôle de premier plan dans la sortie de crise de son pays pour laquelle il est accusé par certains de l’avoir aggravée en faisant un coup d’Etat contre la démocratie. Il fera lui-même partie de l’appareil d’Etat ainsi que cinq de ses partisans à qui des postes ont été proposés dans le gouvernement d’union nationale tant attendu. Pour ce faire, il devra sortir de son camp de Kati pour prendre une part active à la transition. Il sera amené à agir au grand jour au lieu de le faire à l’ombre comme on le lui prête. En effet, ils sont nombreux à voir sa main ou sa silhouette, c’est selon, derrière le maintien du Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, le refus de confier la sécurisation des institutions et des personnalités à des forces étrangères ou encore le rôle exclusif que tient à jouer l’armée nationale dans la libération du septentrion occupé. Comme un loup tenaillé par la faim, Sanogo va sortir maintenant du bois au grand dam de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui a exigé sa mise à l’écart de la transition. Ironie du sort, c’est l’organisation sous-régionale qui est mise de côté dans ce qui se passe actuellement à Bamako. Certes, il y a le médiateur qu’elle a mandaté, mais elle n’est pas associée aux consultations qui se mènent pour la formation du gouvernement. D’ailleurs, ni le délai du 31 juillet donné pour former le gouvernement en question, ni sa rallonge de dix jours n’ont été respectés et l’organisation sous-régionale n’a pas tapé du poing sur la table, encore moins brandi des sanctions. En plus, ses troupes sont aussi indésirables tant à Bamako que dans le Nord. On veut tout juste la confiner au rôle de formateur de troupes et de fournisseur de logistique dans la reconquête du Nord en préparation. S’en contentera-t-elle ou fera-t-elle un passage en force ?
En attendant, c’est la CEDEAO qui va avaler des couleuvres avec cette remise en selle annoncée du capitaine Sanogo. A l’évidence, elle n’a pas la même lecture de la situation que le président intérimaire. Leurs points de vue sur le capitaine et son rôle sont opposés. Alors que l’organisation sous-régionale voit en Sanogo un élément dangereux à mettre de côté, Dioncounda pense autrement de l’intéressé. Pour lui, Amadou Sanogo est incontournable pour une sortie de crise durable. A ce titre, il faut l’associer plutôt que de l’écarter, d’où son retour annoncé par la grande porte avec le titre de vice-président de la république. Et il n’est pas exclu qu’à la fin de la transition, il retrouve le statut d’ancien chef d’Etat et les avantages liés que la CEDEAO lui avait retirés, pour mieux l’isoler. Si le capitaine a renversé Amadou Toumani Touré avec comme motif, donner les moyens à l’armée pour combattre, à l’époque, la rébellion touarègue du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), il faudra lui permettre de se faire valoir. C’est tout le sens qu’il faut donner à cette réhabilitation annoncée même si elle peut être perçue comme une prime aux coups d’Etat en Afrique. En effet, le risque est grand que de potentiels putschistes se laissent convaincre que porter atteinte aux institutions, sous prétexte de sauver le pays ou la démocratie qui serait en danger, peut rapporter gros en termes d’impunité et de privilèges.