Au Burkina Faso, la région de l’Est regorge d’énormes potentialités. C’est aussi l’une des régions en proie au terrorisme. Malgré les résultats appréciables de l’opération Otapoanu, les terroristes continuent d’y sévir hypothéquant ainsi tout effort de développement. Face aux défis auxquels la région est confrontée, la problématique de son redécoupage se pose avec acuité aujourd’hui.
46 000 km2. Telle est la superficie de la région de l’Est. Représentant 17% du territoire national, elle est la plus vaste du pays. Cette région regroupe cinq provinces: la Gnagna, le Gourma, la Komondjoari, la Kompienga et la Tapoa. Elle est limitée au Nord par la région du Sahel, au Sud par le Togo et le Benin, à l’Est par le Niger, à l’Ouest par les régions du Centre-Est et du Centre-Nord. Fada N’Gourma est la capitale régionale de l’Est. La région de l’Est bénéficie de facteurs pédoclimatiques qui favorisent l’activité agricole.
Sa végétation abondante, encourage l’élevage et son relief offre des paysages fascinants, objets d’attraction de nombreux touristes. La situation géographique de la région est un atout pour les activités commerciales. Mais malgré ses ressources naturelles diverses et abondantes (pâturages, terres fertiles, bétail, lacs, etc.), la population de l’Est ne dispose que d’un très faible accès à l’eau et à l’électricité. Elle reste, pour sa majorité, dans une grande pauvreté et connaît un taux de scolarisation extrêmement bas. La région pâtit également de la récurrence des conflits liés à la chefferie coutumière et du manque d’investissement public. Les routes qui la sillonnent sont dans un état désastreux et ses bâtiments administratifs sont vétustes et sous-équipés.
Une région durement éprouvée par le terrorisme
Ces dernières années, l’apparition du terrorisme dans cette région, a provoqué une paralysie de son économie et des milliers de déplacés internes suite aux attaques terroristes. Depuis la fin de l’année 2018, cette région connait une augmentation spectaculaire du nombre d’actes terroristes : utilisation d’engins explosifs improvisés, attaques contre l’armée régulière, enlèvements et assassinats ciblés sont ainsi devenus quasi quotidiens. La perméabilité de ses frontières avec les pays voisins en a fait, historiquement, une zone de contrebande où les échanges informels jouent un rôle crucial dans l’économie locale et font vivre nombre d’habitants.
L’Est du Burkina Faso sert ainsi d’interface entre la zone sahélienne et les façades maritimes du Bénin, du Ghana et du Togo. Cigarettes, carburant, ivoire, armes, stupéfiants ou simples biens de consommation quotidiens y circulent parfois hors de tout contrôle étatique. Pendant de nombreuses années, la région a été marquée par la marginalisation socio-économique de certaines communautés et des jeunes générations du fait d’une grande compétition pour l’accès aux ressources foncières et naturelles. Les terroristes vont surfer sur cette vague. Ils vont alors proposer de venir en aide à ceux qui les rejoindront dans leur opposition à l’État central, tenu pour responsable de leur situation.
Les différentes opérations de ratissage conduites par les armées malienne, burkinabè, nigérienne et française ont incité certains groupes terroristes à quitter la bande sahélienne pour se réfugier dans des zones où la pression militaire était moindre. Avec ses grandes forêts difficiles d’accès, la région de l’Est du Burkina Faso constitue un sanctuaire stratégique pour ces groupes. Les terroristes ont su aussi habilement se saisir des revendications et des particularismes locaux pour s’implanter. Pour gagner l’approbation des populations dans l’Est, les premières mesures qu’ils ont instaurées ont consisté à rouvrir les zones de chasse et de pêche pour les habitants et à favoriser leurs activités informelles : orpaillage, braconnage ou trafic transfrontalier. Les groupes terroristes se sont greffés au tissu économique et prélèvent des taxes qui leur permettent de se fournir en armes, munitions et vivres.
Découper sans dévoyer
Face aux différentes contraintes de la région de l’Est, le président Roch Kaboré, alors candidat à sa propre succession, avait pris l’engagement le 07 novembre dernier à Fada N’Gourma, s’il était réélu, de scinder la région en trois afin de permettre le rapprochement de l’administration et le renforcement des potentialités économiques de la zone. Ce redécoupage qui rencontre l’assentiment des fils et filles de la région comporte plusieurs enjeux.
A ce jour, les investissements les plus importants sont réalisés à Fada à telle enseigne que les autres provinces se sentent délaissées.
Un redécoupage permettra un meilleur maillage sécuritaire. Il permettra aussi de corriger un tant soit peu les déséquilibres en permettant aux chefs-lieux des deux nouvelles régions de bénéficier, eux aussi, de projets structurants : routes, hôpitaux, écoles et universités, services techniques,… Si le bien fondé du redécoupage n’est pas sujet à caution, il faudrait à présent que les différents acteurs accordent leurs violons dans une démarche participative et inclusive. Autorités politiques, administratives, coutumières, religieuses, populations des 05 provinces doivent s’impliquer sans réserve afin que le processus ne soit pas dévoyé par des calculs politiciens.