Aujourd’hui 15 octobre sur le coup de 16h30 GMT, Roch Kaboré le président du Faso, déposera au Monument Thomas Sankara, une gerbe de fleurs à la mémoire du jeune fringant capitaine, son illustre prédécesseur victime d’un régicide il y a 33 ans à la Villa Haute-Volta, du Conseil de l’Entente, où trône désormais sa statue érigée en monument.
33 longues années se sont écoulées et beaucoup d’eau a coulé sous les ponts du fleuve Kadiogo, en particulier avec un long patinage durant des années sur la vérité et la justice, relatives à sa mort, laquelle justice a fait quelques grands pas, mais le «dossier étant politiquement lourd» dixit Joséphine Ouédraogo, ministre de la justice sous la transition, ex-ministre sous Tom-Sank il y a des arrêts.
Une génération après, les yeux sont plus tournés également sur son héritage ou plutôt sur les héritiers de l’homme dont la tragique disparition scella le sort et le fit entrer dans le panthéon des héros.
Que sont les orphelins de Sankara devenus ? Passés les premières années ayant suivies son assassinat, période où ceux qui l’ont côtoyé ou épousé ses idéeux se sont crêpés les chignons pour des questions de préséance, d’idéologie ou d’intérêt bassement matériel, la plupart de ceux qui se réclamaient du père de la révolution burkinabè, n’ont pas brillé politiquement. Certes, ils ont vibré de mots en «isme», mais concrètement, la moisson fut maigre.
Il y a eu les Nongma Ernest Ouédarogo, le défunt Norbert Tiendrébéogo, Me Bénéwendé Sankara Alphonse Ouédraogo, le Lion du Bulkiemdé et bien d’autres, mais nombre d’entre eux n’ont pas politiquement «percé».
A un certain moment Me Sankara Bénéwendé a bien tenté le coup, et a un peu pointé pour retomber comme un soufflet, et a fini par rallier le MPP en 2015, le parti présidentiel actuel. Un choix judicieux pour lui, vu qu’au fur et à mesure des élections, son score baissait barométriquement.
Les héritiers de Sankara, des années 90 n’ont pas mené large, et à ce qu’on dit, même la veuve Mariam Sankara, s’est éloignée de beaucoup d’entre eux, qui ont utilisé le nom de son époux pour rouler des mécaniques.
Bizarrement, ce sont les «enfants» de Sankara, ceux de 2000, c’est-à-dire nés au moment de sa mort et même après, qui ont été des Sankaristes «d’action», les faiseurs de l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014. Oui, les jeunes insurgés ont fait du sankarisme sans Sankara ! Ils ne l’ont pas connu, mais ont agi à peu près, du moins, dans le laps de temps ayant précédé, et succédé à la chute de Blaise. A savoir entre 2014 et 2015 !
Ils ont écumé les villes et les campagnes du Burkina Faso pour dire «non» à un troisième mandat. Les exhalations qui ont soulevé leur poitrine, les poings levés, les «la Patrie ou la mort nous vaincrons» scandés avec conviction et rage ont fini de convaincre que les jeunes insurgés faisaient du Thomas Sankara sans le dire, sans s’en réclamer et sans taper du tambour. Mais in cordicitüs ! (au fond du coeur)
Le même constat a été fait lors du putsch de septembre 2015 contre lequel tout un peuple s’est dressé pour faire barrage, les jeunes en avant.
A côté de ces expressions non formalisées des séquelles positives laissées par le flambeau de la Révolution d’août 1983, il y a les hérauts formels : Le Balai citoyen et autres mouvements créés dans la foulée de la lutte contre le sénat, puis la modification du graal article 37 et le coup d’Etat du général Diendéré. Ceux-là ne se réclament pas directement de Thomas Sankara, mais dans les faits, les discours, les actes, les visuels et les images, ne font qu’embrayer sur les idées et les idéaux défendus par le leader de la Révolution de quatre ans. Ce sont des Sankariens pour reprendre Smockey.
Les querelles byzantines et les égos ingérables des premiers Sankaristes, ont plombé son legs politique. Celui qui rebaptisa la Haute-Volta en Burkina-Faso en 1994 se vendait bien, on était révolutionnaire post-sankara par opportunisme, snobisme ou par esprit de lucre. Du reste, des voix dans cette jeune opinion de ces dernières années tendent désormais à nier le droit à ces devanciers de porter le qualificatif Sankariste estimant, à tort ou à raison, que leurs actes et comportements ne flirtent plus avec les objectifs du héros tragique. Des dénégations oublieuses qu’oser défendre le Sankarisme à une certaine époque au Burkina Faso relevait de la bravoure et parfois, du suicide. Autres temps, autres mœurs !
Mais ces «anciens» ne doivent pas s’en formaliser outre mesure. Si Thomas Sankara a accepté sacrifier sa vie pour ses idées et sa cause, ce n’est pas quelques œufs verbaux lancés à la figure qui devraient faire ciller les défenseurs et les promoteurs du «vivre intègre».
Dans une moindre mesure, sur le plan vestimentaire, l’actuel chef de l’Etat Roch Kaboré, est un sankariste. Il n’use ni de kiti, ni de zatu ou de raabo (décrets en langue mooré) pour obliger les Burkinabè à porter le Faso Dan Fani (habit en cotonnade burkinabè qu’affectionnait Sankara), Roch en porte en permenence suivi par des milliers de burkinabè, une usine de textile sera ressuscitée à Koudougou… tout ce qui résume le «consommons ce que nous produisons» cher à Sankara.
L’essentiel aujourd’hui est sans aucun doute que «l’homme du oser inventer l’avenir» est plus vivant que mort, 33 ans après son assassinat. Ses bourreaux sont plus sous éteignoir que celui qu’ils ont essayé d’éteindre. Mais 33 ans après, il faut que ces millions de Sankaristes de cordis, de cœur puissent savoir les conditions dans lesquelles leur idole qu’ils n’ont jamais connue physiquement leur a été arrachée. Et surtout, comment concrétiser ses idéaux pour faire avancer le Burkina Faso pour lequel il s’est offert en martyr.