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Résilience des personnes déplacées internes: le combat des femmes de la région du Sahel

Publié le mardi 22 septembre 2020  |  Sidwaya
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© Autre presse par DR
Achat mouton de Tabaski : faible affluence au marché de bétail de Tanghin à 48h de la fête
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La région du Sahel burkinabè, frontalière avec le Mali et le Niger, subit depuis 2015 des attaques terroristes, obligeant ainsi des milliers de personnes à abandonner leurs habitats, activités, bétails et récoltes, pour se réfugier dans des localités plus sécurisées. La majorité de ces Personnes déplacées internes (PDI), constituée de femmes et d’enfants, est résolue à mener des Activités génératrices de revenus (AGR) à Dori, pour subvenir à leurs besoins. Entre petit commerce, élevage et restauration, elles incarnent la résilience, dans des conditions de vie difficile.

Il est 16h 45 mn au quartier Gnarala, dans la zone non lotie du secteur n°5 de Dori, ce mardi 28 juillet 2020, où Ramata Ly, mère de cinq enfants et troisième épouse de son mari, fait du petit commerce depuis deux mois. Voilée, le visage émacié par la tristesse, elle raconte son histoire dans une atmosphère qui lui fait ressasser son passé. En effet, ayant quitté Mansila, une commune rurale de la province du Yagha, avec toute sa famille, du fait de l’insécurité, Ramata Ly a trouvé refuge depuis cinq mois dans la capitale du Liptako. Installée en bordure de la voie avec une petite table elle fait des beignets.
Elle mène cette activité tous les après-midis et affirme qu’elle s’en sort tant bien que mal. En effet, Ramata Ly affirme rentrer chez elle chaque fois avec un bénéfice journalier compris entre 250 et 500 F CFA. Ce qui est insuffisant pour elle pour honorer ses nombreuses charges. Malgré tout, avise-t-elle, cette activité lui permet d’occuper ses après-midis. «Je me suis lancée dans ce petit commerce parce que je n’avais rien à faire à la maison. C’est à Dori que j’ai appris à faire les beignets avec l’aide d’une amie. J’ai entamé mon activité sans aucune aide financière », nous dit-elle.
Si Ramata Ly mène toute seule son Activité génératrice de revenus (AGR), ce n’est pas le cas pour le groupement de femmes déplacées internes qui, lui, fait de la saponification au quartier Wendou, secteur n°7 de Dori. En effet, ce mercredi 29 juillet 2020 aux environs de 10h 45 mn, nous sommes accueillis par la présidente du groupement, Mariama Dicko, entourée de ses collaboratrices, pour une démonstration de fabrication de savon liquide. Le groupement, d’une vingtaine de membres, est essentiellement composé de déplacées internes des différents villages de la commune de Arbinda dans la province du Soum. Comme la ressortissante de Mansila, ces femmes ont quitté leur village, il y a près d’une année, à cause de l’insécurité. « Nous avons tout abandonné dans notre fuite pour sauver notre vie. Etant désœuvrées et incapables de faire face aux besoins, nous avons décidé de nous organiser en groupement pour mener cette AGR, il y a six mois. Les membres sont des jeunes filles ou des femmes mariées, veuves pour certaines, avec à leur charge des enfants », relate la présidente d’une voix triste. C’est ainsi qu’elles ont appris, sur le tas, la fabrication du savon liquide. Sans appui financier ni matériels adéquats, elles n’utilisent que des bassines et des spatules. Pour lancer cette activité, chaque femme du groupement a déboursé la somme de 1 000 F CFA. La fabrication se fait cinq fois dans le mois et le savon est vendu dans deux types de bidons d’un et de demi-litre respectivement à 400 et 125 F CFA. Après la vente, chaque femme peut gagner un bénéfice de 250 F CFA. Aux dires de Mariama Dicko, l’activité marche bien, mais le manque de ressources financières les contraint à produire peu.

« J’ai débuté avec 30 000 F CFA »

Peu avant 12h, toujours au quartier Wendou de Dori, Adjaratou Zango nous reçoit. Restauratrice, installée en face de la salle polyvalente de Dori, dame Zango, assise derrière une table en bois, propose différents mets, notamment du haricot, de la soupe de viande, du riz et du tô à ses clients. A côté de son restaurant de fortune fait de hangar, son mari Idrissa Zango vend du café. Cette mère a dû fuir également son village près de Arbinda, avec sa famille, pour se réfugier dans le chef-lieu de la région du Sahel. Les échanges se déroulent pendant qu’elle sert les clients. « J’ai débuté avec 30 000 F CFA pour la vente de beignets, les matins et les après-midis. Quelques mois plus tard, mon frère aîné m’a apporté un appui financier et j’ai commencé la restauration, il y a à peu près une année », se remémore-t-elle. Après la vente journalière, la restauratrice évalue son bénéfice entre 2 000 et 5 000 F CFA. Grâce à son AGR, Mme Zango constitue un exemple de femme déplacée interne résiliente.
A l’entendre, son activité lui permet de faire face à certaines charges de la famille, notamment le loyer et les besoins des enfants. Pour étayer ses dires, Idrissa Zango a confié que l’activité de sa femme aide «énormément » la famille. «Nous avons abandonné nos animaux, notre grenier alors que la famille est très large et les charges sont nombreuses. Je ne gagne presque rien dans la vente du café. Je l’encourage tous les jours à persévérer dans son commerce et ensemble, nous pouvons joindre les deux bouts », explique l’époux. En plus de sa contribution aux charges familiales, dame Zango emploie quatre enfants déplacés. Ce qui leur permet, à leur tour, de soutenir leurs parents. « Ce sont mes nièces et les enfants de mes voisines qui n’ont rien à faire à la maison. Ils m’aident dans mon activité et je paye chacun à 7 500 F CFA le mois », soutient Adjaratou Zango.

Une passion qui rapporte gros

Talata Pafadnam, une déplacée interne a aussi quitté son village dans la commune de Arbinda avec toute sa famille pour rejoindre la ville de Dori du fait de l’insécurité. La sexagénaire du quartier Petit Paris sis au secteur n°1, dans la zone non lotie de Dori, est une passionnée d’élevage. Sortie de la cour avec un grand récipient qui sert de mangeoire à ses 11 petits ruminants, ces derniers se sont précipités sur elle pour s’alimenter. Mme Pafadnam précise qu’elle exerce cette activité depuis belle lurette dans son village d’origine. Malgré les événements qui l’ont contrainte à quitter son village, elle demeure déterminée. « Je suis passionnée de l’élevage et cela m’occupe. Avec la persévérance, j’ai pu constituer mon troupeau », insiste-t-elle. Pour la fête de la Tabaski (le vendredi 31 août 2020, ndlr), Talata Pafadnam affirme avoir vendu huit béliers pour un montant total de 700 000 F CFA. A l’en croire, l’argent a servi à acheter des vivres pour la famille forte de 16 membres, vivant dans une maison de deux chambres-salon. Même si son activité lui rapporte, Mme Pafadnam rencontre néanmoins des difficultés en termes d’alimentation et de traitement sanitaire de ses animaux.
Awa Dicko, une PDI fait aussi l’élevage de bovins, à la seule différence qu’elle s’intéresse au lait de vache. Pour pouvoir sacrifier à la tradition, sa famille a dû braver vents et marées pour ramener son troupeau d’Arbinda à Dori. Selon elle, après que les forces du mal ont emporté une partie du troupeau estimé à une quarantaine de têtes, son mari a exigé de ses fils de conduire la quinzaine restante à Dori. Pour assurer la survie de la famille, six têtes ont déjà été vendues. Malgré tout, la famille Dicko a toujours du mal à subvenir à ses besoins. A présent, elle fait recours à la vente journalière du lait de vache pour joindre les deux bouts.
Au quartier Wendou de Dori où nous avons rencontré Mme Dicko, elle était accroupie avec une calebasse placée entre les jambes en train de traire une vache. Après une dizaine de minutes, la calebasse est pleine et elle évalue la quantité à 1,5 litre. Selon ses dires, elle fait cet exercice matin et soir et la quantité de lait obtenue n’excède pas 1,5 litre par vache. Pour elle, il en est de même pour l’ensemble de ses sept vaches parce qu’elles sont faméliques, du fait du manque d’aliments à bétail. Une fois le lait recueilli, renseigne-t-elle, il est pasteurisé. Une partie est conservée pour la consommation familiale et l’autre est vendue en détail. De la vente journalière, elle peut empocher jusqu’à 2 500 F CFA. Si les premières interlocutrices mènent des AGR pour subvenir à leurs besoins, ce n’est pas le cas chez Abibata Zoré qui a abandonné son matériel de tissage de pagnes traditionnels dans son village, près de Arbinda. Avec ses trois enfants, elle vit à Dori il y a une année et dit les nourrir grâce aux bonnes volontés. « Mon mari est allé à l’aventure depuis quatre ans sans jamais donner de nouvelle. J’habite dans une maison qu’un monsieur m’a donnée gracieusement. Pour nous aider, mon fils aîné, âgé de 15 ans, est apprenti chauffeur d’un camion de vente de sable », raconte-t-elle. Pour passer le temps, notre interlocutrice tricote des habits d’enfants qu’elle vend souvent pour avoir un peu d’argent.

Un retour conditionné

Selon le directeur régional de la Femme, de la Solidarité nationale, de la Famille et de l’Action humanitaire du Sahel, Lassané Ouédraogo, à la date du 8 août 2020, la région comptait 344 569 PDI. Il mentionne que 77 001 (22,35%) sont des femmes et 59 731 (17,33%) des hommes ainsi que 207 837 enfants, soit 60,32% (moins de 18 ans). Fasciné par la résilience des femmes PDI à travers ces différentes AGR, M. Ouédraogo les exhorte à persévérer. En dépit des multiples efforts du gouvernement en faveur des PDI, précise-t-il, les besoins demeurent toujours énormes. Pour cela, il salue les efforts des ONG et associations qui appuient plus de 1 000 femmes déplacées en cash et en aviculture dans le Sahel burkinabè.
Pour un retour dans leurs villages respectifs, les femmes déplacées demandent un préalable. Pour Ramata Ly, son retour à Mansila est fonction de celui de la paix et de la stabilité dans cette localité.
Pour ce faire, elle préconise aux Burkinabè de se pardonner en vue d’apaiser les cœurs, gage de réconciliation et de cohésion sociale. Quant à Talata Pafadnam, elle suggère aux plus hautes autorités du pays de chercher à comprendre les vraies raisons de cette insécurité afin d’endiguer le phénomène. Pour sa part, Adjaratou Zango demande la tenue d’un dialogue intercommunautaire pour consolider l’union entre les Burkinabè pour vaincre l’insécurité.

Souaibou NOMBRE
Snombre29@yahoo.fr

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La solidarité entre femmes déplacées internes

La commune de Markoye, province de l’Oudalan, a accueilli également des PDI parmi lesquelles, des femmes déplacées nanties qui y vendent du poisson. En effet, ces dernières achètent du poisson frais à 12 km de Markoye puis elles sollicitent l’aide d’autres femmes déplacées démunies pour le nettoyer et le fumer. En contrepartie, celles-ci sont payées par jour entre 500 et 1000 F CFA avec un peu de poisson. Après avoir fini de le fumer, le poisson est conditionné et vendu soit dans les autres localités de la province soit au Niger. Cette activité de vente de poisson fumé traduit une marque de solidarité entre femmes déplacées face à la situation difficile.

S.N

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Quand les femmes déplacées luttent contre la COVID-19

Venues de différentes localités du Soum, un groupe de 40 femmes déplacées vivant à Djibo ont été formées au métier de tisserand. Elles tissent des pagnes traditionnels qui sont ensuite utilisés pour confectionner des cache-nez, avec l’aide d’autres femmes déplacées couturières de Djibo. L’unité est vendue dans la ville de Djibo à 300 F CFA. Plusieurs structures étatiques et privées ont eu recours à ces braves dames qui, malgré leur situation, ont songé à s’organiser pour mener cette activité en vue de contribuer à la lutte contre la pandémie de la COVID-19.

S.N
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