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Pr Frédéric Ouattara, concepteur de Burkina Sat-1 : « le contrôle de l’espace va résoudre les problèmes fondamentaux des Burkinabè »

Publié le mardi 8 septembre 2020  |  Sidwaya
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© Sidwaya par DR
Pr Frédéric Ouattara, concepteur de Burkina Sat-1
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Le Burkina Faso est en passe de devenir le premier pays de l’Afrique francophone à se doter d’un satellite. Dans cet entretien, le Pr Frédéric Ouattara, meilleur physicien africain de l’espace en 2018, initiateur du projet, nous parle de son intérêt pour le Burkina, mais aussi des grandes étapes à franchir pour que Burkina Sat-1 soit sur orbite.

Sidwaya (S) :Comment se porte le projet de construction de Burkina Sat-1 ?

Fréderic Ouattara (F.O.) : Le projet se porte bien et avance normalement au regard de nos prévisions. Il a pris un peu de retard à cause de la pandémie de la COVID-19. A chaque étape, on avait prévu une certaine durée. Mais, il se trouve qu’il y a eu des perturbations liées à la COVID-19. Mais, nous essayons de rattraper le retard autant que faire se peut.
S : La station au sol a été réceptionnée le jeudi 27 août 2020, déjà qu’est-ce que cela signifie ?

F.O. : Cette réception montre que le Burkina est résolument tourné vers l’espace. Tous les médias qui relaient l’information ont compris que c’est le point de départ d’un pays qui veut aller vers l’espace. Cela est déjà important. La seconde chose importante, c’est que les données peuvent être regardées et appréciées. Chaque chose a son temps. Au moment opportun, nous vous dirons ce qu’on peut faire avec ces données.

S : Certains estiment que le Burkina est un pays pauvre. Se doter d’un satellite n’est-il pas un luxe ?

F.O. : Ceux qui le disent, méconnaissent l’importance de l’exploration spatiale, parce que beaucoup de choses arrivent sur le sol à partir de l’espace. Et, le contrôle de l’espace pour nous va nous permettre de résoudre les problèmes fondamentaux des Burkinabè. Ces problèmes sont, entre autres, la pluviométrie, comment avoir une résilience au changement climatique, aider les populations à avoir les ressources en eau disponibles et permettre aux agro-pasteurs qui sont en transhumance de pouvoir planifier pour avoir la biomasse et les points d’eau.

S : Mais des sceptiques insistent davantage que le Burkina devrait miser sur d’autres priorités que de se lancer dans la construction d’un satellite. Que leur répondez-vous ?

F.O. : La priorité des Burkinabè, c’est avoir de l’eau potable, se soigner, se nourrir et puis de mieux se porter. Et, pour nous, le satellite pour nous, répond à ces besoins fondamentaux. Donc, ce n’est pas un rêve, c’est une nécessité.

S : Vous êtes maintenant, à une étape importante du projet, c’est-à-dire, la construction du satellite. Concrètement, comment cela va se passer ?

F.O. : Après la réception de la station, nous sommes à la deuxième phase qui est la construction du satellite. La construction veut dire qu’il faut qu’on assemble les différents éléments nécessaires pour qu’on obtienne un satellite fonctionnel à même d’orbiter autour de la terre. Mais aussi de transmettre et de recevoir les données depuis une station au sol. C’est ce qu’on appelle construire le satellite. Après cette étape, nous allons aborder la troisième phase qui est le lancement et la mise en orbite de la stabilisation du satellite dans l’espace.

S : Réussir Burkina Sat-1 nécessite beaucoup d’efforts et de technologies. Aviez-vous des collaborations extérieures ?

F.O. : La collaboration extérieure est scientifique. Mais nous travaillons essentiellement à développer des compétences burkinabè, entièrement tournées vers leur investissement au profit de la nation burkinabè. C’est ce qui est important. C’est un produit essentiellement burkinabè.

S : Souvent les projets sont initiés, mais le principal blocage, c’est le financement. N’aviez-vous pas peur que Burkina Sat-1 prenne un coup, faute de ressources financières ?

F.O. : J’avais un rêve qui était de faire du Burkina un pays spatial. Lorsqu’ après le prix, le président du Faso m’a reçu à Kosyam, il nous avait dit qu’il allait nous accompagner dans le rêve qu’on lui avait proposé. Le 27 août 2020, nous avons lancé la station au sol. J’étais heureux d’avoir vu et lu le post du président du Faso. Parce que pour moi, c’était vraiment une reconnaissance du premier Burkinabè pour ce qui est fait au Burkina Faso. Le 3 septembre 2020, nous avons été reçus en audience. Je voulais lui dire merci, parce que cela témoigne de son attachement au projet. Je suis sorti heureux de cette audience. Le président du Faso a montré qu’il était d’accord pour nous accompagner sur tous les plans afin que le projet soit un succès. Il s’est engagé à accompagner le projet jusqu’au bout. Sur ce plan, il n’y a pas d’inquiétudes pour nous.

S : Envisagez-vous déjà des collaborations avec les pays voisins pour des échanges de données de Burkina Sat-1 ?

F.O. : Vous n’êtes pas censé ignorer que les données spatiales peuvent être utilisées par tous les pays, pour peu qu’il y ait une collaboration scientifique entre les Etats. Si, nous avons nos données et que les pays voisins sont intéressés, au regard de la collaboration scientifique qui nous lient, on peut avoir des échanges des données entre les pays. C’est la science qui le permet. Mais, il faut des collaborations exprimées à travers des contrats de coopération entre les pays et les chercheurs des différents pays.

S : Depuis la réception de votre prix de meilleur physicien africain de l’espace, avez-vous été sollicité par d’autres pays pour réaliser un tel projet ?

F.O. : Ce que je sais, c’est que nous avons essayé avec d’autres collègues de créer un consortium qui avait pour objectif de mettre en place une constellation de satellites par des coopérations entre les Etats voisins. Mais ce processus est en cours.

S : Certains estiment qu’avec vos compétences, vous auriez pu intégrer la NASA par exemple pour apporter votre expertise à la science mondiale. Partagez-vous cet avis ?

F.O. : Non. Ce qui est important, comme c’est que les compétences burkinabè sont à la fois internes et externes (par rapport à la diaspora). Si tout le monde va dehors, qui va développer en interne le pays ? Il y a donc des gens qui doivent rester dans le pays pour aider les autres à se développer. C’est en ce sens qu’il faut remercier et apprécier à sa juste valeur tous ceux qui ont accepté de rentrer pour former les autres. C’est notre vision. Dans ce choix de développement, on ne ferme pas la porte à la diaspora. Il faut l’ouvrir parce qu’ils ont des compétences qu’ils peuvent mettre à notre disposition. C’est dans ce sens que c’est un projet purement burkinabè, à la fois interne et externe. Parce que nous savons que le Burkina Faso est un pays un et indivisible qui demande à se construire par les Burkinabè.

S : Selon vos prévisions, quand Burkina Sat-1 sera dans l’espace ?

F.O. : Le lancement qui est la dernière phase ne dépend pas du Burkinabè que nous sommes ou des Burkinabè, mais dépend de plusieurs raisons. Il y a la coopération inter-pays. Il y a aussi les conditions météorologiques du lancement et le calendrier de ceux qui se portent volontaires de vous aider à lancer le satellite. A ce niveau, nous ne maîtrisons pas le timing. Mais, nous collaborons afin que le temps soit au maximum réduit. Mais, nous sommes optimistes que le temps qui est prévu va être amenuisé au regard des efforts des uns et des autres.

S : Quel message avez-vous à l’endroit des Burkinabè qui vous suivent et partagent votre rêve de voir le Burkina dans l’espace ?

F.O. : Je dis merci au professeur Alkassoum Maïga, ministre en charge de la recherche, qui a cru au projet, permis son démarrage et le porter au président du Faso qui a marqué son engagement à l’accompagner. Je suis reconnaissant à tous ceux qui ont cru à ce projet et l’accompagnent. Je remercie ceux qui se sont donné la peine de poster des messages. Que cela soit du scepticisme, d’encouragements, je leur dis merci. C’est parce que le projet est important qu’ils se sont donné la peine de poster quelque chose. Mais bientôt, ce sera une réalité pour les Burkinabè et nous allons passer du scepticisme à l’optimisme. C’est ce qui est important pour nous. Après cela, les citoyens comprendront que le rêve peut être une réalité lorsqu’on se met au sérieux et nous nous mettons ensemble pour l’accomplir. Je dis merci à tous ceux qui ont permis que cette nouvelle soit connue. Merci à la presse et tous ceux qui se sont impliqués volontairement pour que ce projet soit connu et qu’il y ait du succès.

A travers, ce que vous faites, c’est pour que le Burkina Faso soit mis sur orbite. Ce pays dont on dit pays qui n’a pas assez de moyens est en train de devenir une référence. Que le Seigneur vous bénisse.

Abdel Aziz NABALOUM
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