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Salles d’accouchement : le calvaire des femmes handicapées motrices

Publié le jeudi 3 septembre 2020  |  Sidwaya
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© Autre presse par DR
Formation sur les droits des personnes handicapées
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Au Burkina Faso, les personnes handicapées et particulièrement les femmes sont confrontées à de nombreuses difficultés liées aux déplacements et à l’accès aux services de base comme celui de la santé. Dans l’acquisition des équipements sanitaires, les centres de santé ne tiennent pas compte des femmes handicapées motrices qui représentent 47,3% des personnes handicapées, selon le RGPH de 2006. Témoignages!


Bintou Koula : « Nous demandons à être traitées avec dignité dans les salles d’accouchement».
Bintou Koula est une handicapée motrice. Elle est percluse des deux jambes. Il est difficile pour elle de se déplacer. En 2017, âgée de 48 ans, elle est à terme de sa grossesse de son quatrième enfant. Le jour de son accouchement arrive. Il est 22 h lorsque le travail commence. Il n’y a pas de taxi pour la conduire dans un centre de santé puisqu’elle vit dans un quartier périphérique de Ouagadougou. Elle est obligée de se rendre au Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) de Tanghin, à bord d’une motocyclette. Elle entre dans la salle d’attente, soutenue par son garçon de 18 ans. Il n’y a pas de chaise roulante pour la conduire dans la salle d’accouchement.

Il est 23 h le travail est intense et douloureux. La tête du bébé apparaît. Son jeune fils ne peut pas la soulever pour la mettre sur la table qui a une hauteur d’environ un mètre du sol. La table n’est pas adaptée à son handicap. Son bébé est là. Elle accouche à même le sol sur un sachet.
« Ne dit-on pas que devenir mère, tout en étant porteuse d’un handicap physique peut devenir un défi, voire un parcours d’obstacles face à une société exigeante et un univers médical contraint entre performance et rentabilité » ? Ce défi, Bintou Koula, handicapée depuis sa naissance, l’a relevé plusieurs fois en donnant naissance à quatre enfants.


Devenir mère, un véritable défi

Elles sont nombreuses ces femmes handicapées motrices qui vivent cette situation au quotidien. Elles ne sont pas prises en compte dans l’acquisition des équipements sanitaires. Elles affirment qu’elles sont stigmatisées, marginalisées et maltraitées dans les structures de santé.

Salamata Zemba, une autre handicapée motrice, est mariée et mère de deux enfants. Elle explique que lorsqu’elle tombe enceinte, elle fait de son mieux pour avoir le carnet de santé et faire deux pesées. « Lorsque je pars en consultation prénatale, c’est dur pour moi. Je ne peux pas monter sur le lit. Je suis donc obligée d’étaler mon pagne à même le sol pour que l’on m’examine. Lorsque je réussis à effectuer deux pesées je n’y vais plus », explique-t-elle.

Quant à Sanata Compaoré, elle explique avec amertume qu’à son deuxième accouchement, un agent de santé lui a demandé d’une façon ironique l’objet de sa présence à la maternité.
«J’étais profondément at-tristée parce que la société pense que les handicapées n’ont pas droit à la sexualité et à la maternité. Nous sommes stigmatisées et nos droits sont bafoués», nous confie-t-elle, les larmes aux yeux.

Et la présidente des femmes et enfants handicapés, Agnès Consaigniga, de soutenir que tous les jours, elle a le retour de ce que les membres de son association vivent dans les maternités. Un jour, une jeune dame en larmes est venue vers moi. Celle-ci me dit : « On m’a dit que je n’ai pas le droit à la maternité » « Concevoir un enfant est un rêve et une victoire sur l’adversité pour la plupart des femmes en situation de handicap physique. C’est aussi un combat pour affronter les préjugés ou tout simplement trouver un médecin, une infirmière, une sage-femme qui sachent répondre aux besoins spécifiques de la future mère et du couple parental », selon le compte rendu d’une conférence de février 2012 sur le thème handicap et maternité.

Acquérir des équipements spécifiques

Le manque d’équipements sanitaires adaptés est constaté dans les centres de santé publics du Burkina Faso. La femme handicapée motrice n’est pas incluse dans le système de santé.
L’attaché de santé en anesthésie et en réanimation au Centre médical avec antenne chirurgicale de Kongoussi (CMA), Paul Nikiema, affirme que la situation de la femme handicapée enceinte n’est pas reluisante. Il confie que cet hôpital ne dispose pas d’équipements spécifiques pour la prise en charge de ces femmes. Elles sont obligées d’utiliser les mêmes équipements que les autres femmes.

Autre lieu, mêmes réalités. Mariam Nonguierma, en service à l’hôpital Yalgado, indique aussi que cette structure de référence ne dispose pas de tables adaptées pour les consultations prénatales et les accouchements des femmes handicapées. Pour elle, c’est dommage qu’une structure de cette taille ne dispose pas d’équipements adaptés qui répondent aux besoins spécifiques de ces femmes. Lorsqu’elles arrivent pour les consultations, affirme-t-elle, c’est vraiment pénible pour elles, car elles ne peuvent pas monter sur les tables d’accouchement. « Nous sommes alors obligées de nous faire aider par leurs parents ou les brancardiers pour les faire monter sur les tables, que ce soit au moment de l’accouchement ou des consultations prénatales », dit-elle. Mme Nonguerma souligne qu’elles sont exposées aux infections nosocomiales car elles « rampent » pour rentrer dans les salles de consultations.

Quant à la directrice de la prévention et du contrôle des maladies non transmissibles, Dr Marie Emmanuelle Zouré, elle confie que dans l’acquisition des équipements sanitaires, il n’est pas prévu spécifiquement un quota de tables d’accouchement adaptées pour ces femmes. La difficulté selon elle, est que dans un pays pauvre comme le nôtre, le volet handicap n’est pas vraiment une priorité car, il y a tellement de priorités que ces personnes sont ignorées. « On a toujours tendance à agir pour la majorité et tout ce qui doit entraîner des frais supplémentaires, des réadaptations est difficile à gérer », note-t-elle.
Beaucoup d’associations et d’organisations non gouvernementales œuvrent pour l’inclusion sociale des personnes handicapées, en général, et des femmes handicapées, en particulier. C’est dans cette lutte pour l’inclusion sociale que l’hôpital Paul-VI a reçu d’une association trois tables d’accouchements adaptées à la prise en charge des femmes handicapées. Ces tables, affirme Moumouni Conseiga, attaché de santé à l’hôpital Paul-VI, sont appréciées par les femmes handicapées qui viennent à la maternité de l’hôpital.

« Le bénéfice de cette table, c’est qu’elle n’a pas de bassin de lit, parce que quand on met les bassins sous les fesses de la femme en travail sur le lit ordinaire, ça fait mal. En plus, on peut la relever et la baisser selon le confort de la femme et de celui qui l’aide à l’accouchement. Si les infirmières n’arrivent pas à soulever la parturiente, on baisse alors la table à son niveau et quand elle monte, on fait remonter la table à la taille de l’infirmière», a expliqué M. Conseiga.

Prendre en compte leurs besoins spécifiques

Le secrétaire permanent du Conseil national multisectoriel pour la protection et la promotion des droits des personnes handicapées au Burkina Faso (COMUD), Arouna Kafando, affirme que la loi N°012 du 1er avril 2010 portant promotion et protection des personnes handicapées stipule que tous les édifices publics doivent être accessibles et les rampes d’accès doivent être munies de main courante et que la pente ne doit pas dépasser 5%. Cette loi indique aussi que les équipements des services publics doivent être adaptés aux personnes handicapées. M. Kafando explique que l’obstacle majeur à l’acquisition d’un équipement adapté aux femmes handicapées est le coût élevé de cet équipement spécialisé.

« Comme l’acquisition du matériel se fait par appel d’offrse, tant que la nature n’est pas spécifiée celui qui a eu le marché, achètera ce qui est moins cher », souligne-t-il. Le non prise en compte des femmes handicapées dans le système sanitaire amène les personnes handicapées elles-mêmes à prendre à bras-le-corps leurs problèmes. Harouna Kafando révèle que ce sont les personnes handicapées qui font la promotion des tables adaptées pour répondre à leurs besoins spécifiques. Il affirme que Rasmata Confé, une femme handicapée a équipé certaines structures de santé avec des lits adaptés aux personnes handicapées. Aujourd’hui, le SP/COMUD/H mène plusieurs activités de sensibilisation des femmes afin de leur montrer qu’elles ont les mêmes droits que les autres et doivent être traitées avec dignité. « Grâce à notre accompagnement et avec l’appui de la coopération italienne, tous les CSPS de la région du Centre sont en train d’être sensibilisés à l’utilité des tables adaptées pour permettre d’inclure les femmes handicapées dans le système de santé », souligne-t-il.

Appliquer les politiques favorables aux handicapés

Pour faciliter l’accès aux équipements sanitaires et une meilleure prise en compte des besoins spécifiques des femmes handicapées, le SP/COMUD/H, souhaite que le développement inclusif, prôné partout, soit pris en compte dans les politiques gouvernementales. « Nous, handicapés, lançons un appel au gouvernement pour qu’il dote les formations sanitaires d’équipements adaptés à notre situation.

C ‘est compliqué pour nous de nous épanouir socialement, vu qu’il n’y a pas de matériel adéquat pour satisfaire nos besoins spécifiques », déplore Mme Zemba. Dr Zouré souhaite que les autorités inscrivent l’acquisition des équipements adaptés comme norme dans les budgets. Quant à Mariam Nonguerma, sage-femme à l’hôpital Yalgado, elle, demande au gouvernement burkinabè de travailler à améliorer les conditions de vie de cette couche vulnérable de la population. « Vu que l’hôpital Yalgado est une structure de référence, nous demandons de la doter d’équipements adaptés qui répondent aux besoins spécifiques de ces femmes qui ont aussi le droit d’avoir des enfants et de jouir de leur sexualité », dit-elle.
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