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Modification du code électoral au Burkina Faso : Par pur réalisme

Publié le lundi 31 aout 2020  |  Netafrique.net
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© Autre presse par DR
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Il ne s’agit ni d’un deal ni d’une quelconque velléité d’apartheid comme certains veulent le faire croire. C’est simplement du réalisme politique. Les modifications opérées sur le code électoral tiennent compte des contingences du moment. La vie d’une nation n’est jamais un long fleuve tranquille. A circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles.

C’est bien cette logique qui a motivé les députés à voter à une écrasante majorité (107 sur 120 votants) pour la modification du code électoral. Le code modifié permettra au Burkina Faso de poursuivre son expérience démocratique en dépit des nombreux écueils qui jonchent son chemin.

25 août 2020. Le parlement burkinabè examine et adopte le projet de loi de modification de la loi N° 014-2001/AN du 3 juillet 2001 portant Code électoral, Sur les 120 députés votants, 107 adoptent la loi et 09 votent contre. 04 députés font abstention. La modification porte sur 25 articles et un paragraphe. Les dispositions modifiées concernant la saisine du Conseil constitutionnel par le Président du Faso sur rapport circonstancié de la CENI pour l’organisation de l’élection présidentielle, la saisine du Conseil d’État par le Premier ministre sur rapport circonstancié de la CENI pour l’organisation des élections législatives, la révision de la liste électorale, l’administration de la campagne électorale pour la présidentielle et les législatives. Le code modifié consacre l’harmonisation de la durée de la campagne électorale à 21 jours, la réduction du délai de traitement des requêtes par la CENI de 7 à 3 heures.

Il faut y ajouter la réduction du délai de dépôt des déclarations de candidatures aux législatives de 70 à 60 jours avant le scrutin, celle du délai de couverture des campagnes déguisées avant la campagne électorale de 90 à 30 jours et l’extension des lieux d’affichages liées aux élections. L’autre nouveauté c’est que cette modification du code électoral permet en cas de « force majeure ou de circonstances exceptionnelles » dûment constatées par le Conseil constitutionnel entrainant l’impossibilité d’organiser l’élection sur une partie du territoire, de valider l’élection sur la base des résultats issus des bureaux de vote ayant ouvert. Il n’en fallait pas plus pour que certains acteurs se mettent à dénoncer le nouveau code. Ils disent craindre la survenue de crises post-électorales au cas où le vote devrait être validé sur la base des suffrages exprimés par une minorité qui aurait été en mesure de voter correctement contrairement aux autres.

Ne pas modifier le code juste pour se donner bonne conscience

A ce stade, il est important de souligner que le code n’a pas été modifié de façon sectaire et solitaire. Il est l’aboutissement d’un consensus politique exprimé sans ambages à travers le vote des parlementaires. La proposition de prendre en compte le cas de force majeure dans l’organisation et la validation des élections permet de résoudre la contrainte liée à la probabilité de ne pas tenir les élections sur une partie du territoire. Gouverner c’est prévoir. A travers cette disposition, le gouvernement veut justement combler un vide juridique et anticiper les crises post-électorales.

Si le parlement ne légifère pas sur une question dont la probabilité de survenue est forte, comment les acteurs politiques s’y prendront-ils si la situation se présentait ? Il faut absolument éviter de tomber dans les culs de sac qui engendrent des invectives et des procès en sorcellerie. Le cas de « force majeure» dûment constaté par une autorité compétente permet donc de prévoir les mesures conservatoires nécessaires. Les acteurs sont unanimes que la situation sécuritaire du pays, sans être désespérante, est tout de même assez préoccupante. Des électeurs de certaines zones pourraient donc avoir (conjoncturellement) du mal à exercer pleinement leur droit de vote. Est-ce pour autant qu’il faille déclarer l’élection impossible sur toute l’étendue du territoire ?

La réponse est évidemment négative. Les acteurs politiques ont trouvé la bonne formule à travers la modification du code électoral. Il appartiendra à chacun d’entre eux de jouer convenablement sa partition pour éviter les crises post-électorales. La situation sécuritaire est certes difficile. Mais ne pas tenir les élections du tout serait capituler face aux terroristes. Le Burkina Faso ne pourrait se le permettre. Il ne faut pas toutefois modifier le code électoral pour se donner bonne conscience et retourner dormir tranquillement sur ses lauriers. Les zones où la situation sécuritaire est fortement dégradée sont bien connues. Le gouvernement doit tout mettre en œuvre pour que la paix y revienne et que la souveraineté de l’État s’exerce pleinement sur toute l’étendue du territoire. Des citoyens ne sauraient être privés éternellement de certains de leurs droits fondamentaux. S’il y a eu un consensus de la classe politique pour la modification du code électoral, il faut aussi un large consensus pour la lutte contre le terrorisme. En fédérant les différentes intelligences et énergies, les Burkinabè triompheront et le pays redeviendra cet havre de paix qu’il fût jadis. La responsabilité de tous les fils du pays est engagée pour le retour à la normale.

Jérémie Yisso BATIONO

Enseignant chercheur

Ouagadougou
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