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Burkina Faso: Loi électorale modifiée, une parade pour sauver les meubles du MPP

Publié le jeudi 27 aout 2020  |  Netafrique.net
Ouverture
© aOuaga.com par DR
Ouverture de la Session extraordinaire à l`Assemblée nationale le lundi 29 juin à OUAGADOUGOU
Lundi 29 juin 2020. OUAGADOUGOU. Le président de l`Assemblée Nationale Alassane Bala SAKANDÉ a ouvert une session extraordinaire de l`assemblée
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La polémique, que suscite déjà la loi électorale modifiée, pourrait révéler des desseins inavoués. Cette nouvelle disposition, introduite à deux mois des élections, est loin de satisfaire uniquement une des recommandations du Dialogue politique.

Elle vient aussi combler l’élan de découpler les élections présidentielle et légale qui a fortement troublé le jeu politique burkinabè pendant un bon bout de temps. Les inquiétudes du MPP de se voir infliger une défaite, en novembre prochain, seraient ainsi levées.

Le Code électoral revu s’apparente donc à un piège aussi bien pour les citoyens qui doivent exprimer leur droit de vote que pour la classe politique qui rêve d’une alternance.

L’initiative soudaine du Président de l’Assemblée nationale, Alassane Bala Sakandé, de proposer un découplage des élections de novembre prochain résulte de « notes de Kundé » mal accordées entre Roch Marc Christian Kaboré, Simon Compaoré et le président de l’Assemblée nationale. Que ce soit dans son propre camp politique de la Majorité ou au sein de l’Opposition, c’est un levé de bouclier qui a vite rangé ce projet aux oubliettes et mis à nu l’inconséquence des acteurs politiques notamment des principaux dirigeants du pays. Cet échec a conduit à concocter une loi électorale modifiée dont les tenants et les aboutissants tiennent en l’épilogue suivant. A qui profite cet apartheid électoral comme le qualifie d’emblée le journaliste-éditorial Lookman Sawadogo ?

Le paysage politique burkinabè ressemble fort bien à une partie d’attrape-nigaud voire celle de singes à l’ouvrage. Cette fois-ci, ce sont les principaux dirigeants du pays : le Président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, le Président de l’Assemblée nationale, Alassane Balla Sakandé, le Président du Mouvement du peuple pour le Progrès (MPP) ; qui ont du mal à accorder leur violon autour de l’organisation des élections couplées Présidentielle/Législatives du 22 novembre prochain.

Pourtant le dialogue politique entre initié en mai dernier par le Chef de l’Etat a abouti à ces recommandations : « Maintien du calendrier électoral conformément aux dispositions constitutionnelles, légales et aux textes supranationaux c’est-à-dire la tenue effective des élections couplées présidentielle et législatives en 2020 et des élections municipales en 2021 », « La détermination de la période de tenue du référendum laissée à la discrétion du Chef de l’Etat ». A cette occasion, l’opposition politique s’est toutefois opposée au couplage du référendum avec toute autre élections.

Dès lors, le gouvernement, la CENI, l’APMP et le CFOP se sont mis à la tâche pour la mise en œuvre des recommandations du dialogue. Parallèlement, Roch Marc Christian va se lancer dans un jeu trouble en misant sur la carte de Safiétou Lopez qui propose Zéphirin Diabré comme Premier ministre et la formation d’un gouvernement d’union nationale.


Safiétou Lopez
Par cette acrobatie, la tonitruante leader d’OSC empoche un beau pactole, entreprend la ronde des chefs coutumiers et met même une camisole de médiateur pour se rendre en Côte d’Ivoire dans l’espoir de rencontrer Blaise Compaoré et s’arroger le rôle d’artisan de son retour au pays.

Comble de calendrier, Blaise Compaoré est au Qatar. Safiatou Lopez décide de l’attendre pendant une semaine. La Covid-19 s’invite dans son programme et la contraint à un exil forcé à cause de la fermeture des frontières. Zéphirin Diabré finit par se raviser devant la démarche de l’oindre Premier ministre pour retourner de plain-pied au CFOP où il est marqué à la ceinture par les présidents Eddie Komboïgo du CDP, Gilbet Noël Oudéraogo de l’ADF/RDA et Mahamadou Dicko de la NAFA.

L’accord politique entre les différents partis du CFOP en vue de mieux préparer les élections de novembre 2020 est remis sur la table. Tout semble reprendre du poil de la bête. Les assauts médiatiques se multiplient contre le gouvernement à travers des dénonciations de plus en plus véhémentes de la malgouvernance, la recrudescence de l’insécurité, la montée de la corruption.

Même la Covid-19 ne parvient pas à arrêter les ardeurs du CFOP. Face à cette artillerie politique de l’Opposition, une réunion d’urgence est convoquée au cabinet de la Présidence du Faso. Elle réunit les premiers responsables du MPP, le Président de l’Assemblée nationale et le maire de Ouagadougou.

C’est ainsi que le Chef du Parlement insiste pour prévenir ses interlocuteurs que si le MPP ose aller aux prochaines élections couplées sans prendre la moindre précaution, il risque de les perdre à cause de son bilan peu reluisant en général et de son incapacité à juguler les effets dévastateurs du terrorisme. Ce bémol va causer une grosse frayeur au sein de l’assistance qui demande alors une bataille médiatique de campagne avant l’heure.


Le Larlé Naaba Tigré
La stratégie du Larlé Naaba Tigré consistant à sillonner chaque commune pour remettre une ambulance au nom du Président du Faso est d’abord adoptée et rejetée ensuite. Les premiers responsables du MPP préconisent de procéder à une remise collective des ambulances aux 350 collectivités territoriales du pays en mettant l’accent sur le fait qu’il s’agit d’un don personnel de Roch Marc Christian Kaboré.

Les ambulances remises individuellement à certaines localités sont alors retirées et regroupées, frappées de posters du Président du Faso et dotées aux communes avec grand bruit. Ce qui engendre un tollé général d’autant qu’elles ont été acquises avec l’argent du contribuable et ne peut servir à une telle initiative politicienne.

Malgré ce faux pas, un autre projet médiatique pour redorer le blason du parti au pouvoir, du gouvernement et du Chef de l’Etat, adopté lors du conclave de Kosyam, va consister à presser la construction des infrastructures routières en faisant en sorte que leur achèvement constitue un nœud de campagne. Il a été instruit au ministre des Infrastructures d’user abusivement des médias publics pour organiser un véritable tapage sous forme de campagne déguisée.

En dépit de la sérénité que ces différentes options ont semblé ramener dans les rangs du MPP, celles-ci n’arrivent pas à dissiper la prémonition du PAN Alassane Balla Sakandé qui reste convaincu qu’organiser à l’heure actuelle des élections couplées en novembre prochain, c’est accepter de perdre « bêtement » le pouvoir. Il propose alors aux premiers responsables de son parti de remettre en cause le consensus parvenu avec l’Opposition dans le cadre de la tenue des élections couplées.

Il suggère de les découpler de sorte à organiser d’abord la Présidentielle et ensuite les Législatives. Les bonzes du MPP se montrent méfiants à l’égard de ce manège politique du PAN qui frise l’entêtement. Ils disent ne pas vouloir courir le risque d’une compromission avec l’Opposition.

Devant leur hésitation, Alassane Balla Sakandé décide de porter seul son initiative. Il s’inscrit malicieusement dans la dynamique de plusieurs partis qui se rendent sur le terrain pour évaluer l’enrôlement. Contrairement à ces derniers qui ne partent dans toutes les zones de cette opération, le PAN va cibler uniquement les zones à haut risque d’insécurité afin de constater par lui-même l’impossibilité procéder à l’enrôlement dans ces localités.

De compromis en compromission, des électeurs sont pris au piège

A la fin d’un périple dont il prend le soin de porter le chapeau à la représentation nationale, il rédige un rapport dans lequel il recommande fermement de découpler la Présidentielle et les Législatives. A dire vrai, Alassane Balla Sakandé n’est pas guidé par un souci de garantir le droit de vote aux populations des localités éprouvées. Il est tout simplement troublé à l’idée que le MPP pourrait perdre ces élections électorales si celles-ci sont couplées.

Il est hanté par une conviction profonde dont ses camarades refusent de s’apercevoir : « Si c’est la Présidentielle seule qui est organisée en novembre prochain, son mentor Roch Marc Christian Kaboré a de fortes chances de passer haut les mains étant donné que les législatives n’étant pas concernées, les éventuels candidats de l’Opposition à la députation ne vont pas trop s’investir dans la campagne et vont devoir attendre plus tard pour se jeter dans la bataille avec leurs moyens et leurs arguments. Une fois Roch Marc Christian Kaboré élu, il pourra se donner les moyens de se tailler une majorité à l’Assemblée nationale en 2021 ».

Mais il est fortement embêté dans son élan par la position de la direction du MPP dont il estime être tombé dans le piège de l’Opposition.

Les missions que le PAN a diligentées dans les zones à haut risque d’insécurité n’obéissent à aucune légalité. Aucune mission de visite n’est reconnue à l’Assemblée nationale. Celles à elle dévolues sont des missions d’information ou des missions d’enquête parlementaire. Et ces deux types de sorties supposent la définition préalable de termes de référence (TDR) qui fait ressortir clairement les objectifs.

Alassane Balla Sakandé qui n’entend pas dévoiler les dessous de ses manœuvres politiciennes va user d’astuce pour embarquer ses collègues députés dans son aventure. Entretenant un flou total autour de ces sorties, il choisit d’envoyer comme chef de mission ses vice-présidents et les présidents des groupes parlementaires. Une bonne dotation de perdiem les motive à adhérer à cette promenade politique en province.

Toutes et tous, y compris les présidents des groupes parlementaires Burkindlim, CDP et UPC, sont engagés dans ce piège politico-financier. Ils encaissent les gros sous, se lèchent les doigts et conduisent les missions. Le PAN s’arroge la grosse part de ces sorties en s’affichant en vedette, avec fanfare et tambour, dans des discours démagogiques et populistes. De retour de mission, il instruit ses émissaires de produire des rapports. Pendant ce temps, le comité de suivi des recommandations du dialogue politique composé de l’APMP, du CFOP, du gouvernement (MATDC), de la CENI procède à la relecture du Code électoral. Cette démarche étant terminée, un avant-projet de loi est envoyé au gouvernement pour adoption avant de le soumettre à l’AN.

Mais il y a un hic, le Président de la CENI reconnait n’avoir pas pu effectuer l’enrôlement dans certaines zones à cause de l’insécurité. C’est ainsi que les partis du CFOP adressent une lettre au Président du Faso l’intimant de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la paix dans les zones afin d’y permettre l’enrôlement. Zéphirin Diabré qui a signé ladite correspondance se voit menacé d’avoir pris une telle initiative.

Celui-ci signifie à qui de droit qu’il s’agit d’un projet collégial bénéficiant du soutien inconditionnel des présidents du CDP, de l’ADF/RDA, de la NAFA, etc. Désemparé le Président du Faso convoque le Chef d’Etat-major général des Armées (CEMGA) et lui ordonne de soutenir activement le processus d’enrôlement. Le Gal Moïse Miningou s’incline non sans avoir fait observer que c’est à la CENI seule que revient l’initiative de la sécurisation des élections. Il demande alors au Chef de l’Etat de faire prendre les dispositions juridiques nécessaires pour permettre aux forces armées de suivre ses instructions dans la légalité.

Roch Marc Christian Kaboré demande alors au Premier ministre, Christophe Joseph Marie Dabiré, de créer les conditions favorables afin que l’Armée puisse apporter son soutien à la CENI pour accomplir l’enrôlement dans les zones concernées. Tout en mentionnant de convoquer le comité de suivi des recommandations du dialogue politique et le Président de la CENI pour les rassurer de la prise en compte de leurs préoccupations par l’Exécutif. Une réunion est donc convoquée à cet effet par le Premier ministre.

Outre les deux principales parties concernées, l’on note aussi la présence du ministre de la Sécurité, du Chef d’Etat-major adjoint de la Gendarmerie et du Directeur Général de la Police nationale. Au lieu de suivre directement les instructions du Chef de l’Etat en vue de répondre aux revendications de la CFOP, le Premier ministre essaie de confondre l’assistance par des exposés sur les difficultés rencontrées dans certaines zones pour l’enrôlement.


Eddie Komboïgo
Sur ce, Eddie Komboïgo, sur un ton agressif qu’il sait épouser à chaque fois qu’il est nécessaire, va demander au Chef du gouvernement de ne pas se jouer de la classe politique et de se tenir à la satisfaction de la requête du CFOP au Président du Faso qui est de créer un cadre juridique permettant à l’Armée de s’impliquer davantage dans les opérations d’enrôlement dans les zones à haut risque d’insécurité en y ramenant la paix et en favorisant le retour des déplacés chez eux Contre toute attente, le Président du CDP est soutenu dans son recadrage par les autres responsables de parti.

Simon Compaoré, Zéphirin Diabré et Maitre Bénéwendé Sankara embouchent la même trompette. Le message est clair : la classe politique veut que l’enrôlement soit une réalité sur toute l’étendue du territoire sans exclusion. Le Premier ministre s’incline devant cette volonté unanime et rassure que des dispositions seront prises avec diligence pour que l’Armée s’implique dans le processus. Soixante-douze heures après, les forces armées prennent position dans les zones concernées et la CENI se déploie pour effectuer l’enrôlement.

Comme à dos d’âne, un instinct défaitiste guide Alassane Balla Sakandé


Maitre Bénéwendé Sankara
Encore une fois, le PAN va jouer au trouble faite. Au regard des résultats obtenus sur le terrain par ses fameuses missions de visite, Alassane Balla Sakandé convoque les députés pour un compte-rendu. Il dresse un constat de la situation d’insécurité dans les régions de l’Est, du Sahel, du Centre-Nord, du Nord et de la Boucle du Mouhoun. Ces zones comptent cinquante-deux (52) députés. De ce fait, il demande aux autres parlementaires de faire une « Déclaration de Solidarité » à l’endroit de leurs collègues éprouvés. Sa proposition reçoit une adhésion tacite. Ensuite, le PAN suggère l’adoption de recommandations vis-à-vis de toutes les régions éprouvées par l’insécurité. Les députés accèdent une fois encore à sa demande. Fort de cette avancée politiquement masquée, Alassane Balla Sakandé pousse alors le bouchon en laissant entendre ceci : « En conclusion, organiser des élections législatives le 22 novembre, c’est courir le risque de ne pas pouvoir voter dans ces régions marquées par le terrorisme. Alors, je propose que la recommandation devienne une résolution afin de proroger le mandat actuel députés en leur donnant un bonus d’un an conformément à l’article 81 de la Constitution ». Toutes les acrobaties du PAN venaient d’être dévoilées au grand jour.

Certains députés demandent à consulter la direction de leur parti d’origine avant de se prononcer. Face à ce recul, un élu MPP ayant pris fait et cause pour l’initiative du PAN répliquera que s’il ne tenait qu’à son parti d’origine, il ne serait jamais député donc il n’a pas de compte à rendre. D’autres députés, en particulier ceux du CDP, protestent d’être embarqués dans une escroquerie politique. Face à leurs récriminations, Alassane Balla Sakandé leur tend un autre piège : « Si on proroge notre mandat, le Président élu lancera le processus de réconciliation en janvier 2021 et on ira chercher le Président Blaise Compaoré pour y prendre part ».

A ces propos de dribbleur politique, certains députés CDP tombent dans le panneau. Mais l’un d’eux s’en démarque et crie à la supercherie : « C’est un piège, c’est un piège dans lequel nous ne saurons nous laisser tomber. Pourquoi vous n’avez pas ramené Blaise Compaoré avant les élections ? ». Pris à son propre jeu, d’un violent coup de maillet, le PAN lève la séance dans un brouhaha total. Aucune recommandation, ni résolution n’a été lue en séance plénière. Par ses soins, la résolution dont il est question pour découpler les élections, a été discrètement rédigée dans le bureau de Alassane Balla Sakandé par des députés acquis à sa cause. Cette manière de procéder va frustrer son Premier vice-président qui s’est pourfendu dans une déclaration au nom de son parti, l’UNIR/PS.

La supposée guéguerre entre Alassane Balla Sakandé et Simon Compaoré, le Président de son parti, ne lui laisse aucune chance d’espérer reprendre la tête du Parlement. Pour ce faire, il a embarqué, dans son initiative de découplage des élections, bon nombre de députés, de la Majorité comme de l’Opposition, non assurés du renouvellement de leur siège, dans un hypothétique espoir d’un « lenga » (bonus) sur leur mandat législatif. L’abeille semble être rentré dans le masque : le parti au pouvoir voire la Majorité n’ont pas joué les mêmes notes et dansé le même rythme. Seulement la modification de la loi électorale risque encore de mettre à nu des divergences criantes dans un jeu de blaguer-tuer.

Donatien FOFANA

Pour NetAfrique.net
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