En proie quotidiennement à des messages de haine, et même des menaces de mort, le pasteur Samuel Peterschmitt, organisateur du rassemblement évangélique de Mulhouse, a été désigné comme responsable de la folle accélération de l’épidémie de coronavirus en France. Mais aujourd’hui, des études scientifiques prouvent qu’il n’a été qu’un bouc émissaire. Paris Match a mené l’enquête.
Quand, mi-février, 2 500 fidèles se retrouvent dans le Haut-Rhin pour une semaine de prière et de jeûne, la France n’en est qu’au stade 1 du plan de lutte contre le Covid-19. La stratégie sanitaire consiste alors à freiner l’introduction du virus sur un territoire national qui n’est pas considéré comme « zone à risque ». C’était le monde d’avant, le temps de l’insouciance, où les frontières étaient ouvertes, l’accès aux stades et aux lieux de culte autorisés.
Au terme de la semaine de jeûne, le vendredi 21 février, un quart des participants repart au loin, vers la Bretagne, la Corse et même la Guyane… Avec l’explosion concomitante des chiffres de la contamination, notamment dans le Grand-Est, la communauté évangélique est vite montrée du doigt. L’agence régional de santé (ARS) allant jusqu’à qualifier le rassemblement de « bombe atomique ». Des accusations que Jonathan Peterschmitt, le fils du pasteur, médecin généraliste, digère d’autant plus mal qu’il a lui même alerté les autorités sanitaires dès le 1er mars. Mais aucune consigne particulière ne lui fut à l’époque communiquée. Patrick Vogt, médecin régulateur au Samu à Mulhouse, en est persuadé, sa réactivité a permis la mise en lumière rapide d’un nouveau cluster. Il pointe en retour, le manque de réactivité des autorités.
Un maillon de la chaîne de transmission du virus
L’Eglise évangélique ne serait au final qu’un maillon de la chaîne de transmission du virus et non cette grande empoisonneuse facilement désignée. C’est ce que soulignent deux études scientifiques dont Paris Match a pu avoir connaissance. La première, celle du médecin chef du département d’imagerie médicale à l’hôpital Albert-Schweitzer de Colmar, prouve que le Covid-19 circulait dès le 16 novembre dans la capitale du Haut-Rhin, très prisée des touristes chinois depuis le tournage d’une émission de téléréalité, sorte de « Top Chef » en Mandarin. Une autre étude, diligentée par le CNRS, permet quant à elle, de remonter le fil des événements.
« Les courbes montrent que l’épidémie a démarré cinq semaines avant l’alerte sanitaire. La région aurait franchi le seuil épidémique dès le 27 janvier, soit avec une première vague jusqu’au 17 février… » C’est à dire, à la veille du rassemblement organisé par le Pasteur.