75 ans après la création du franc CFA, la France a sonné la fin de cette monnaie commune à 14 ex-colonies. D’abord, l’Hexagone avait voulu faire de cette zone CFA une sorte de no man’s land monétaire où elle garantissait la convertibilité, gardait une parité fixe avec le franc français au départ, puis avec l’Euro.
Une stratégie pour protéger en quelque sorte les économies de ces pays à travers une institution centrale, la BCEAO en Afrique de l’Ouest, et la BCEAC en Afrique centrale. Un privilège, clamaient les pro-CFA. Un leurre, selon les anti-CFA pour qui la France ne sert que ses propres intérêts en maintenant une monnaie au forceps, qui demeure un instrument de pression et d’exploitation. Cette thèse de plus en plus récurrente faisait écho surtout au milieu d’une jeunesse africaine prompte à dénoncer une indépendance politique purement factice. Elle voulait cette « liberté » à tout prix quels que soient les séismes qui pourraient l’accompagner.
Aujourd’hui que la page du CFA théoriquement est entrefermée, de part et d’autre, pourra-t-on sabler le verre du succès ? Rien n’est moins sûr au regard des réactions mitigées après Abidjan le 21 décembre 2019 avec la signature annonçant les réformes du CFA. Les souverainistes avaient estimé les réformes «insuffisantes », prétextant que la France a changé simplement de coquille avant d’assener : «Voyons! On débaptise le franc CFA et on le rebaptise ECO et on croit que c’est tout, le tour est joué. Un nom ne change pas la nature de la chose nommée». Ils prennent l’évolution historique de la dénomination qui, de « franc des colonies françaises d’Afrique » en 1945, devient « franc de la communauté française d’Afrique » en 1958 avant d’être baptisé « franc de la communauté financière d’Afrique ». La seule vraie mutation a été le changement de parité en 1994 en défaveur des économies des pays africains utilisant le CFA.
Dans les termes de cette réforme, Paris renonce à la moitié des réserves de change de la Banque centrale de la zone et se retire de ses instances de gouvernance. Une nouvelle page de « notre histoire » s’écrit, a estimé la porte-parole du gouvernement français pour qui, « cette fin symbolique devait s’inscrire dans un renouvellement de la relation entre la France et l’Afrique». Un ouf de soulagement pour tous ceux qui ont fait la bataille du décrochage. Le chemin reste encore long, on n’efface pas par un projet de loi, des relations multiséculaires. Faut-il, encore «laisser le temps au temps » ou faut-il prendre le taureau par les cornes et appliquer directement des réformes ? En tous les cas, cette nouvelle donne exige des Africains de la zone CFA, d’abord ceux de l’UEMOA plus « aptes » et signataires de l’accord d’Abidjan, de changer leur mode de consommation pour une économie plus dynamique.
En attendant, il faudrait que les Africains fassent en sorte que le « ouf » de ce que d’aucuns ont appelé la fin de « la servitude monétaire », ne soit pas un « plouf », du naufrage monétaire.