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Après le Covid-19, allons-nous maintenir des politiques de santé néolibérales au Burkina Faso?

Publié le vendredi 8 mai 2020  |  netafrique.net
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© Reuters par Zohra Bensemra
Les services d`hygiène locaux portent des combinaisons de protection et des masques faciaux se préparent à désinfecter un centre de santé pour arrêter la propagation du coronavirus à Dakar, au Sénégal, le 1er avril 2020.
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Dans une tribune que nous publions, le docteur Bernard Sanon, membre du bureau national du syndicat des travailleurs de la santé humaine et animale (Syntsha), au Burkina Faso, critique vivement l’état du système de santé de son pays et dresse la liste des choses à mettre en place pour le repenser.

Le Covid-19 est apparu au Burkina Faso après trente ans d’application des PAS (Programmes d’ajustement structurel) qui ont engendré pauvreté et misère pour les populations : officiellement plus de 40 % de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté.

Ces politiques ont été imposées à notre pays par les multinationales à travers les institutions de Breton Wood (Banque mondiale, Fonds monétaire international) dans le cadre des Programmes d’ajustement structurel depuis 1990. Ces politiques, on le sait tous, ne privilégient pas la santé des populations considérée comme non rentable. Elles aboutissent à désengager l’État du secteur de la santé. On assiste à une diminution ou à une stagnation des subventions de l’État aux services de santé alors que la demande de soins augmente chaque année.

Depuis l’entrée en vigueur en 1992 de l’initiative de Bamako, ce sont les populations qui doivent payer directement les frais de leurs soins de santé. De ce fait, la barrière financière (coûts élevés des examens de laboratoire, des médicaments…), la déliquescence du système de santé, la mauvaise gouvernance du secteur, etc. représentent des facteurs importants qui empêchent l’accès des populations aux soins de santé de qualité.

La pandémie de Covid-19 au Burkina Faso a servi de révélateur à la faillite de ce système issu de politiques sanitaires néolibérales. Des défaillances structurelles qui existaient déjà ont été aggravées par le coronavirus.

Au début de la pandémie de Covid-19 au Burkina Faso, seul un laboratoire situé à Bobo Dioulasso était capable de faire le test de diagnostic. À cause de la politique de désengagement de l’État vis-à-vis du secteur de la santé, le centre de référence du pays qui est le Centre hospitalo-universitaire Yalgado Ouédraogo était incapable de faire le test de diagnostic. Ce n’est qu’au fil de l’évolution de la pandémie que ce centre a été capable de tester les cas.

Notre système de santé est par ailleurs extrêmement dépendant de l’extérieur. Bien que le gouvernement ait décidé d’utiliser l’hydroxychloroquine comme traitement, le pays s’est retrouvé incapable de fabriquer ce médicament par défaut d’intrants. De même, le gouvernement dit avoir commandé 100 respirateurs depuis des mois mais ils ne sont pas encore disponibles.

Gestion de l’épidémie et protection des agents de santé

S’agissant de la gestion proprement dite de la pandémie de Covid-19, elle est surtout marquée par le tâtonnement et l’improvisation au plan stratégique. Le taux de létalité de 6,5 % environ nous semble élevé comparé à ceux d’autres pays africains et interpelle.

Le Covid-19 est survenu dans un contexte national marqué par les coupures abusives et illégales de salaires des agents suite à une grève pour exiger du gouvernement la mise en œuvre des protocoles d’accord signés d’une part entre le Syndicat des travailleurs de la santé humaine et animale (Syntsha) en 2017 et le gouvernement… et d’autre part entre le gouvernement et tous les syndicats de la santé en janvier 2018.

La mise en œuvre par le gouvernement du plan de riposte a mis aux prises le Comité de riposte et ses structures au reste du système de santé classique, excluant de fait la majorité des agents de l’opération. En conséquence, les agents de santé du système classique n’ont pas bénéficié comme il le faut de préparation, d’appui en matériel de travail, encore moins d’équipement de protection. Aussi, plusieurs d’entre eux ont acquis certains matériels de protection par leurs moyens propres. Cela contraste avec les félicitations adressées par les autorités du pays aux agents de santé pour leur dévouement.

Même l’eau courante manque dans beaucoup de formations sanitaires. À titre d’exemple, à Bobo Dioulasso, deuxième ville du pays, les agents de santé du centre médical avec antenne chirurgicale de Do ont dû déclencher un arrêt de travail du 22 avril au 25 avril pour réclamer de l’eau courante. Comment désinfecter son matériel de travail ? Comment gérer les déchets médicaux ? Comment se laver les mains quand on ne dispose pas d’eau ?

Un « monde d’après » lourd de menaces

Le « monde d’après » pour les travailleurs est lourd de menaces en termes d’emploi, de salaire et de libertés, d’avenir tout court. Les politiques néolibérales qui gangrènent l’avenir des populations seront encore plus drastiques et vont imposer des conditions de vie encore plus difficiles.

Déjà, les moratoires et autres annonces médiatiques de solution à la grave crise économique qui frappe le monde et nos pays ne sont que des leurres. L’endettement de notre pays et ses conséquences ne seront pas résolus par l’apparition du Covid-19. En fait, il n’y aura aucun changement fondamental en faveur des populations. Certes, on assistera à quelques réformes de surface mais qui ne règleront pas les questions de fond : les rapports d’exploitation des peuples et des pays africains comme le Burkina par les multinationales tourmentées par une crise profonde seront maintenus et renforcés.gérer les déchets médicaux ? Comment se laver les mains quand on ne dispose pas d’eau ?

Un « monde d’après » lourd de menaces

Le « monde d’après » pour les travailleurs est lourd de menaces en termes d’emploi, de salaire et de libertés, d’avenir tout court. Les politiques néolibérales qui gangrènent l’avenir des populations seront encore plus drastiques et vont imposer des conditions de vie encore plus difficiles.

Déjà, les moratoires et autres annonces médiatiques de solution à la grave crise économique qui frappe le monde et nos pays ne sont que des leurres. L’endettement de notre pays et ses conséquences ne seront pas résolus par l’apparition du Covid-19. En fait, il n’y aura aucun changement fondamental en faveur des populations. Certes, on assistera à quelques réformes de surface mais qui ne règleront pas les questions de fond : les rapports d’exploitation des peuples et des pays africains comme le Burkina par les multinationales tourmentées par une crise profonde seront maintenus et renforcés.
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