L’heure est à l’allègement tous azimuts des mesures contre le Covid-19 au Burkina. En effet, le coup d’envoi de ces allègements en cascade, a concerné le couvre-feu d’abord. Initialement prévu pour être observé de 19h à 5h, il a été allégé de 21 h à 4 h. La deuxième mesure d’allègement significative prise a été la réouverture du grand marché de Ouagadougou. Celle-ci a été suivie de la réouverture des autres marchés et yaars de la capitale puis ceux de l’intérieur du pays. Le 2 mai dernier, c’était les mosquées qui étaient autorisées à rouvrir. Et la probabilité est grande que les maquis et bars et le transport interurbain leur emboîtent le pas très prochainement. Bref, un véritable vent d’allègement tous azimuts des mesures contre le Covid-19, souffle sur le Burkina. L’on aurait voulu que ces allègements fussent la conséquence directe de l’éradication totale du Covid-19 au pays des Hommes intègres, mais force est de reconnaître que c’est loin d’être le cas.
Tout laisse croire que le gouvernement redoute beaucoup plus la colère des populations que les ravages du Covid-19
Il s’agit beaucoup plus de mesures d’allègements dictées par des velléités de soulèvement des populations lasses de supporter le poids du Covid-19 que par le recul significatif de la pandémie. En tout cas, tout laisse croire que le gouvernement, déjà affaibli par la grogne sociale, l’incivisme pratiquement généralisé des populations et la perte notoire de l’autorité de l’Etat, redoute beaucoup plus la colère des populations que les ravages du Covid-19. On peut donc avoir l’impression que c’est pratiquement avec le couteau sur la gorge que le gouvernement, au quotidien, est en train de reculer, face aux injonctions et autres pressions de certains Burkinabè, partisans de l’abandon hic et nunc des mesures barrières. Et pour ces Burkinabè qui sont vent debout contre les mesures prises dans le cadre de la lutte contre la pandémie, il y en a qui ne croient même pas à la réalité du Covid-19 au Burkina. Cette idée, malheureusement, est en train de faire des émules au sein des populations. Il y a même des intellectuels ou prétendus tels qui, au fil des jours, commencent à grossir les rangs de ceux que l’on pourrait qualifier de « coronasceptiques ». Pour bien des Burkinabè donc, le Covid-19 relève de la mythomanie. Par voie de fait, les chiffres communiqués par le gouvernement sur la pandémie, ne sont, selon eux, ni plus ni moins que du faux. L’objectif poursuivi, pour eux, par le gouvernement, est de mentir pour pouvoir bénéficier de la générosité de la communauté internationale. Cette thèse est en passe de se transformer en vérité absolue au Burkina. Et pour peu que l’on tente de la déconstruire, l’on court le risque d’être perçu comme un complice du gouvernement. Il faut dire que les messieurs et dames qui croient, dur comme fer, que le Covid-19 n’est que du vent, sont aidés dans leur tâche de désinformation par les turpitudes du gouvernement, relatives à sa gestion du Covid-19. Une de ces turpitudes est liée véritablement à sa mauvaise communication sur la pandémie. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette communication a beaucoup péché à certains endroits. Et cela constitue du pain bénit pour les activistes des réseaux sociaux en général et pour l’opposition et autres associations de la société civile en particulier.
Il faut craindre que l’allégement tous azimuts des mesures contre le Covid-19, n’ouvre un boulevard à la propagation de la pandémie
Pour autant, doit-on plaindre le gouvernement puisque souvent, c’est lui qui donne des verges à ses détracteurs pour se faire fouetter ? Aujourd’hui, par exemple, la polémique qui traverse et secoue le pays est celle liée à l’affaire « décès de la députée Compaoré ». En rappel, cette dame, membre de l’opposition burkinabè, est décédée dans la nuit du 17 au 18 mars 2020. Officiellement, elle a été emportée par le Covid-19. Ce que nie sa famille. L’on soutient dans un premier temps que le domicile de la défunte a été désinfecté. Cela s’est révélé inexact par la suite. Les détracteurs du gouvernement jubilent. Tous exigent la tête de la ministre de la Santé. Les plus extrémistes réclament la démission du président. Les coronasceptiques en profitent pour conforter leur position. Des propos du genre, « même le gouvernement a reconnu qu’il a menti », fusent. C’est dans ce contexte qu’intervient l’allègement tous azimuts des mesures qui avaient été prises pour contrer le Covid-19 au Burkina. Quelque part, l’on peut avoir l’impression d’assister à la victoire de tous ceux qui, à propos du Covid-19, se comportent comme Saint Thomas, c’est-à-dire ceux qui ne croient pas à la réalité de la pandémie au Burkina et qui attendent de voir des cas concrets pour croire. Depuis le début de la maladie d’ailleurs, les Saint Thomas s’étaient déjà signalés. Aujourd’hui, leur nombre se renforce du fait en partie de la gestion de la question du Covid-19 par le gouvernement. Dans ces conditions, il faut craindre que l’allégement tous azimuts des mesures contre le Covid-19, n’ouvre un boulevard à la propagation de la pandémie. Le scénario est d’autant plus à redouter que le Burkina souffre déjà de deux grands maux. Le premier est le manque de confiance entre gouvernés et gouvernants. Le deuxième est la perte de l’autorité de l’Etat. Si l’on y ajoute la grogne sociale permanente et le fait que les Burkinabè se regardent, au plan politique, en chiens de faïence, l’on a des raisons d’être pessimiste pour le pays. En tout cas, il n’est pas armé pour survivre au Covid-19 au cas où la pandémie s’installait davantage dans la cité. Et dans cette atmosphère de « A nous aller », il est impératif que chaque Burkinabè, pris individuellement, fasse l’effort pour ne pas servir d’auxiliaire au Covid-19. Car, tout le monde peut faire le constat que toutes les mesures communautaires prises pour contrer le mal, sont en train de s’effondrer les unes après les autres et cela, sous la pression des populations. Et face à cette situation, l’on peut dire que le pire est devant nous et que le danger de mort est au pays de Saint Thomas. Et si l’on n’y prend garde, on risque de donner raison à ceux qui avaient pronostiqué le pire pour l’Afrique. En tout cas, le Burkina est sur la bonne voie. Mais jusqu’à quand ?