Le tourisme et l’hôtellerie, à l’instar d’autres secteurs vitaux, connaissent un ralentissement d’activité, en raison de la crise sanitaire due au coronavirus.
Plusieurs hôtels de Ouagadougou, pour ne pas mettre la clé sous la porte, assurent, depuis l’apparition de la pandémie du coronavirus, un
service minimum. En raison de cette maladie et de ses effets collatéraux (fermeture des frontières, quarantaine, couvre-feu, etc.), le taux de fréquentation de l’hôtel Sofitel Silmandé fond de jour en jour comme du beurre au soleil, au grand désespoir des responsables des lieux, notamment, la directrice commerciale marketing, Aminata Ouédraogo et le chef du capital humain, Ibrahim Zagré.
Le parking, autrefois grouillant de véhicules, est désert. Les dix salles de réunion de l’établissement, bondées quotidiennement, subissent le même sort. «Lorsque, nous tournions à plein régime, il nous arrivait de nous tirer les cheveux pour garer les voitures», se souvient M. Zagré. Mme Ouédraogo, elle, explique que depuis la survenue du COVID-19, les activités à Silmandé ont pris un coup dur.
« Nous avons assisté avec impuissance à la suspension de nos réservations au niveau de l’hébergement et de la salle de réunion », se lamente-t-elle. A ses dires, “les pertes sont vraiment énormes”. Actuellement, nous fonctionnons, confie-t-elle, avec seulement le premier étage, qui abrite en ce moment moins de trois clients.
Crise sanitaire et économique oblige, le personnel, d’un effectif de 140 employés, révèle M. Zagré, a été réduit aujourd’hui à 40. Même galère à l’hôtel international et d’affaires Laïco. Tout comme à Silmandé, la grande majorité des travailleurs sont en congé. Selon laresponsable commerciale et marketing, Carine Ouoba, Laïco compte 8 clients (en majorité des expatriés), sur une capacité d’accueil de 231 chambres.
«La psychose a fait fuir la majeure partie de notre clientèle. Avec cette crise sanitaire, il n’y a plus de rencontres internationales et nationales », se désole Mme Ouoba. De plusieurs centaines de clients, en moyenne, l’hôtel Laïco, ajoute-t-elle, est passé aujourd’hui à quelques dizaines de clients. Or, l’établissement réalise habituellement à cette période, affirme-t-elle, un important chiffre d’affaires.
Les salles de réunion de 600m2, assure dame Ouoba, affichaient complet pendant, pratiquement, deux ou trois semaines. «Nos traditionnels clients qui réservaient ces salles pour leurs différents manifestations, séminaires ou ateliers se sont évanouis dans lanature», désespère-t-elle.
Des emplois menacés
Situé à quelques mètres de l’avenue Kwamé Nkrumah au centre-ville de Ouagadougou, Bravia Hôtel compte une trentaine de clients sur les 107 chambres. Le COVID-19 a conduit, souligne le directeur commercial et marketing de l’hôtel, Michael Mensah, à une réduction d’effectif du personnel, et à la suspension d’un certain nombre de prestations. «Certains employés jouissent de leur congé annuel, et les autres sont en congé anticipé», précise M. Mensah. Pour le directeur de l’Observatoire national du tourisme (ONT), Bassirou Balboné, la pandémie du coronavirus a “sérieusement plombé” les activités touristiques et hôtelières.
“Le covid-19 est venu enfoncer davantage le secteur du tourisme et de l’hôtellerie, déjà éprouvé par la crise sécuritaire. Nos touristes sont essentiellement des expatriés. Or, face à l’hydre terroriste, de nombreux pays occidentaux ont déconseillé à leurs ressortissants la destination Burkina Faso”, explique M. Balboné. A son avis, les consignes sanitaires ont tout simplement porté le coup de grâce au tourisme et à l’hôtellerie burkinabè.
« Tout le monde est en confinement et personne ne peut voyager. Si les gens n’arrivent plus à voyager, cela signifie que les hôtels seront vides ainsi que les agences de voyageet les services de restauration », estime-t-il. Mme Ouédraogo de Sofitel Silmandé espère, pour sa part, que les activités vont reprendre de plus belle. Car, avoue-t-elle, de nombreux emplois sont menacés. «Nous nous demandons pendant combien de temps les employeurs pourront continuer à payer les salaires.
Car, il sera difficile, à cette allure, de tenir sur la durée», s’inquiète Mme Ouoba de l’Hotêl Laïco. Même son de cloche à Bravia hôtel. M. Mensah dit, en effet, se soucier du gagne-pain de ses collaborateurs. Pour lui, tout doit être mis en œuvre pour éviter à de nombreuses familles d’être dans la détresse.
« Présentement, nous n’avons pas assez de moyens pour faire face aux charges du personnel », confie-t-il. Toutefois, il déplore que les hôtels, qui sont en deuxième ligne après les compagnies aériennes, soient livrés à eux-mêmes. Selon lui, les pertes dues à l’impact négatif du coronavirus sur le secteur du tourisme et de l’hôtellerie, pourraient être évaluées à 16 milliards FCFA, si la pandémie perdure.
Initier des actions rigoureuses
Toute chose qui, aux dires du directeur de l’ONT, pourrait nettement représenter une baisse de 30% des recettes au niveau de l’hôtellerie.« Quant aux agences de voyage, elles perdent à peu près 4 milliards F CFA », estime-t-il. M. Balboné soutient qu’il y aura en moyenne, entre mars et juin, une perte de 75 000 arrivées de touristes.
Ce qui représenterait une forte baisse de 30% à 32% des arrivées au niveau national par rapport à 2019. « Face cette crise sanitaire mondiale, l’hôtel Silmandé en février 2020 a enregistré un retard de -27,6% par rapport à 2019. En mars, une perte de – 56, 4% par rapport à mars 2019 et au mois d’avril, une baisse à -99,8% », révèle M. Zagré. Pour les prochains mois, il prévoit une « situation difficile », puisque la plupart des rendez-vous d’affaires sont annulés.
Si certains saluent à juste titre les mesures gouvernementales en vue de soutenir le secteur, d’autres acteurs de l’hôtellerie se montrent sceptiques. Pour la grande majorité d’entre eux, c’est plutôt le désarroi et l’insatisfaction qui se dégagent. « Nous nous retrouvons dans les mesures du président du Faso.
Mais, nous aurions souhaité encore plus d’initiatives », commente M. Zagré. A son avis, l’on ne peut pas parler de réduction ou d’allègement de TVA, s’il n’y a pas d’activités. Or, la TVA, poursuit-t-il, est payée sur la base des recettes. Pour le directeur du capital humain de Silmandé, la promesse du chef de l’Etat a été faite pour soutenir de manière globale le tourisme et l’hôtellerie. D’autres actions vigoureuses, espère-t-il, doivent être initiées en vue de permettre aux entreprises hôtelières de “souffler” et de sauver les emplois.
« Nous avons 140 employés, si la crise perdure, nul ne peut mesurer l’issue. Avec les mesures prises à l’interne, 101 personnes sont en congé. Et elles perçoivent l’allocation de congé en bonne et due forme. 40 seulement ont été maintenues en activité pour assurer la continuité des services », soutient Ibrahim Zagré.
La directrice marketing de l’hôtel Laïco fait remarquer que la mesure qui les concerne est relative à la patente. Elle confie que leur plus importante préoccupation est la reprise des activités hôtelières. « Ce sont des discours politiques qui sont faits.
L’hôtellerie et le tourisme font partie des secteurs les plus touchés par le COVID-19 après les compagnies aériennes.
Mais dans la réalité parfois, nous attendons plusieurs mois avant que cela se réalise »,argue de son côté M.Mensah. Il souhaite, de ce fait, une mise en œuvre rapide de ces mesures afin de permettre une éventuelle relance des activités du secteur.
Une sortie de crise espérée
Le directeur de l’ONT indique que les mesures du chef de l’Etat vont contribuer à relancer l’économie touristique. Avant de parler de relance, suggère-t-il, il faut d’abord une sortie de crise. L’idée de prendre des hôtels pour confiner des malades peut permettre de conserver des emplois, avance-t-il. Cependant, il doute fort que les acteurs feront des bénéfices sur le confinement.
« Cela permet tout de même le fonctionnement minimum », relativise M. Balboné. Mieux, la réduction de 25% de la patente et 10% de TVA du secteur des transports, du tourisme et de l’hôtellerie permet, tout de même, à ses dires, de remettre ces secteurs sur les rails. Pour lui, même si la crise s’amorce à la fin du mois d’avril, pour la relance des activités, il y aura à “coup sûr” une période morose.