La célébration de la journée du 3 mai 2020, « Journée mondiale de la liberté de la presse », me donne l’occasion de m’adresser aux acteurs des médias, pour reconnaître l’engagement, la résilience, la responsabilité et le professionnalisme qui ont prévalu dans la gestion de l’information sur les faits majeurs de la vie nationale : le terrorisme, l’extrémisme violent, les personnes déplacées internes et la maladie à Covid-19.
Votre détermination a été d’assurer votre mission de service public, au risque de vos vies, tout en veillant à votre devoir de sentinelle, sans complaisance. Je vous en félicite et vous en remercie, au nom du gouvernement.
Je voudrais, à l’occasion de cette journée, avoir une pensée pour tous les professionnels des médias qui nous ont quittés durant cette année et rendre un hommage mérité à Moustapha Laabli Thiombiano, Président-Directeur Général des chaînes de radio Horizon FM et de TVZ Africa, pour toute son œuvre de promotion de la liberté de la presse.
Indéniablement, l’édition 2020 de la Journée mondiale de la liberté de la presse se déroule dans un contexte particulièrement éprouvant, du fait des pertes significatives en vies humaines dues à la crise sécuritaire et à la situation socio-sanitaire, du fait des mesures barrières qui ont dû être prises par l’Etat, contre la propagation du COVID-19.
Les conséquences de la pandémie de la maladie à coronavirus sur la structure économique des entreprises de presse sont importantes et préjudiciables à leur survie.
Conscient de la responsabilité de l’Etat dans l’accompagnement et le développement structurant des entreprises de presse et des médias, dans leur ensemble, le Président du Faso, Son Excellence Roch Marc Christian Kaboré a, lors de son message à la Nation du 02 avril 2020, décidé de l’utilisation de la subvention de l’Etat à la presse privée au titre de l’année 2020 et des crédits disponibles au titre du Fonds d’appui à la presse privée pour faire face aux difficultés exceptionnelles que connait le secteur.
Il a également décidé de la réduction de 50%, au titre de l’année 2020, du paiement de la redevance TNT pour les télévisions et des redevances ARCEP pour les organes de presse de radiodiffusion.
Ces mesures spécifiques s’ajoutent à celles communes à tous les acteurs socioéconomiques.
Chères consœurs, chers confrères,
Cette année, l’Organisation des Nations Unies a placé la commémoration 2020 sous le thème : « Le journalisme sans crainte ni complaisance ». Le thème national choisi par les organisations professionnelles des médias est : « Médias, élections et insécurité : faire du journalisme sans crainte ni complaisance ». Cette thématique vient rappeler, à juste titre, que le Burkina Faso traverse les moments les plus difficiles de son histoire, lesquels fondent la problématique de l’exercice du journalisme sans crainte et sans complaisance.
Nous nous accordons sur un fait : l’on ne saurait prétendre que le droit d’informer est pleinement exercé, sans crainte et sans complaisance, quand la survie des acteurs, des entreprises de presse se trouve menacée par les fléaux nationaux et internationaux et leurs corollaires.
Chères consœurs, chers confrères,
Ce 3 mai, 27ème célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse, il est inconcevable et inimaginable que la commémoration n’insiste pas sur la promotion des principes fondamentaux de liberté d’expression, d’information, sur la rigueur recommandée en termes de préservation de l’indépendance, de la sécurité et de la quiétude des médias, celle du journaliste chargé de collecter l’information, de la traiter et de la diffuser.
Parce que, comme l’écrit Pierre André LINARD, in « Chronique de déontologie » de Pierre Ganz : « Le journalisme a pour fonction sociale d’exercer un contre-pouvoir.
On imagine aisément les risques de le voir contrôlé par les pouvoirs, qu’ils soient politiques, économiques, judiciaires». En d’autres termes, il est essentiel d’assurer à la presse un dispositif de sécurité et d’indépendance, en toute circonstance.
Un dispositif à même de juguler les contraintes liées au devoir d’informer, de renforcer les valeurs de probité, d’impartialité et d’équilibre, à l’approche des échéances électorales de 2020. C’est à ce prix que les médias pourront accompagner la consolidation de la démocratie au Burkina.
Chers consœurs et confrères, selon le classement mondial de Reporters sans Frontières (RSF), édition 2020, rendu public, le lundi 20 avril 2020, le Burkina Faso se classe à la 38e place, sur un total de 180 pays au monde et à la 5e place africaine.
Notre pays perd 2 places par rapport à 2019, mais reste classé « parmi les réussites du continent africain en matière de liberté de la presse, avec un paysage médiatique dynamique, professionnel et pluraliste », selon RSF.
Le recul, selon le rapport de Reporters sans Frontières, est lié à l’adoption par « l’Assemblée nationale en 2019, d’un amendement du code pénal qui sanctionne lourdement les infractions de «fausses informations » et certaines publications sur les forces de sécurité.
En plus de permettre à l’État d’exercer un contrôle très strict sur l’information, cet amendement introduit des restrictions extrêmement graves à la liberté d’informer, car il permet d’imposer de fortes amendes à des médias qui couvrent, de façon critique et objective, la lutte contre le terrorisme par les forces armées nationales, qui demeure un exercice périlleux ».
Cette perception peut être atténuée par la réalité des faits sur le terrain où aucun média ne s’est vu sanctionné pour les infractions de « fausses informations » ou de publications sur les forces de sécurité.
Il faut reconnaître que les lois sur la presse adoptées en 2015, même si elles consacrent la fin des peines privatives de liberté, dans le cas des délits de presse, ont prévu des amendes pécuniaires qui peuvent mettre en péril l’existence des médias.
Un travail, en collaboration avec les faîtières des médias, est en cours sur ces questions afin d’apporter les amendements utiles pour préserver la liberté de presse et renforcer l’indépendance des médias.
Au demeurant, ce positionnement et cette appréciation dans le classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans Frontières demeurent la traduction des efforts constants des hommes et des femmes de presse, de même que de la volonté affichée des plus hautes autorités de notre pays de travailler constamment à renforcer la liberté de presse, d’expression et d’opinion.
Reporters sans Frontières tire la sonnette d’alarme car « Les dix prochaines années seront sans doute « une décennie décisive » pour la liberté de la presse en raison de crises (géopolitique, technologique, démocratique, de confiance et économique) qui affectent l’avenir du journalisme». Cela appelle à plus de vigilance de part et d’autre pour préserver les acquis engrangés.
Chers confrères, chères consœurs,
Le principe de « Faire du journalisme sans crainte ni complaisance » requiert un accompagnement conséquent pour les entreprises de presse privée comme publique afin qu’elles exercent dans des conditions économiques favorables à leur développement structurant et à leur indépendance.
Le challenge demeure immense, en termes d’instauration et de maintien d’un climat adéquat pour les activités journalistiques.
C’est pour faire face à ce challenge que le ministère de la Communication et des relations avec le Parlement a, entre autres, mis en chantier une étude sur l’application effective de la convention collective, en vue de contribuer à l’amélioration des conditions de travail des personnels des médias privés et par-delà, assainir le secteur.
Concernant la mise en œuvre du statut portant dérogation aux règles de la comptabilité publique au profit de la RTB et des Editions Sidwaya, on peut noter des avancées majeures. Je voudrais rassurer les partenaires sociaux quant au parachèvement du processus de dialogue et la mise en œuvre des dispositions prévues dans les textes. C’est ensemble, par le dialogue, la conciliation, que nous devons nous attaquer aux nombreux chantiers, afin d’atteindre nos objectifs.
Chères consœurs, chers confrères,
Je renouvelle l’engagement du gouvernement à œuvrer pour que les hommes et les femmes de presse puissent agir dans les conditions de sécurité requises, les conditions de liberté et d’impartialité, en toute indépendance, afin que leurs productions répondent véritablement à la diversité et à la pluralité des opinions, au besoin de paix et de cohésion sociale des populations.
Vive la liberté de la presse !
Vive le Burkina Faso !
Bonne célébration à toutes et à tous !
Je vous remercie !