Entretien avec l'analyste Mathieu Pellerin sur la guerre contre les jihadistes en Afrique de l'Ouest. Un regard en deux volets sur le phénomène jihadiste et son expansion dans la région. Deuxième partie.
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RFI : Depuis plusieurs années, le Burkina Faso est devenu, à la suite des pays sahariens, le théâtre d’attaques régulières de groupes armés terroristes. Comment expliquez-vous le déplacement de cet embrasement plus au sud ?
Mathieu Pellerin : Ces attaques sont avant tout l’expression de la maturation d’insurrections rurales qui avaient progressivement muri depuis de longues années, mais que le système mis en place par Blaise Compaoré avait réussi à étouffer par une politique qui alternait entre répression et cooptation. Mais les tensions locales à base communautaire grandissaient. Un document officiel du ministère de la Justice burnikabè, datant de 2015, le soutient à partir de données chiffrées sur le nombre croissant de conflits à base communautaire. À la faveur de l’insurrection de 2014, l’autorité étatique a été désacralisée, les institutions qui assuraient ce contrôle ont été fragilisées et les tensions politiques ont profondément divisé les campagnes. Cela fut tout à fait observable lors des élections municipales de 2016. Le développement de nouveaux groupes d’autodéfense, les Koglweogo, est également l’expression de cette défiance à l’égard des institutions étatiques. Dès 2014, dans la région du Sahel burkinabè, ils ont contribué à exacerber les conflits autour des questions foncières ou minières. Le contexte était donc mûr pour que des groupes jihadistes venus du Mali – mais déjà largement composés de Burkinabè – l’exploitent et s’enracinent dans le pays. Le développement continu des groupes jihadistes dans les autres régions du pays se fait en exploitant de multiples foyers locaux d’insurrections rurales, eux-mêmes alimentés par les violences à base communautaire et les réponses disproportionnées de l’armée burkinabè. C’est ainsi que le Centre-Nord s’est littéralement embrasé début 2019. Notre rapport sur le Burkina, bientôt publié par International Crisis Group, s’attarde sur les raisons de cette propagation.... suite de l'article sur RFI