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Enrôlement des électeurs : La ruse du MPP pour ne pas tenir des élections à bonne date

Publié le mercredi 29 janvier 2020  |  NetAfrique.Net
Municipales
© aOuaga.com par A.O
Municipales partielles du 28 mai : déroulement du scrutin à l`arrondissement 4 de Ouaga
Dimanche 28 mai 2017. Ouagadougou. Les électeurs de l`arrondissement 4 se sont rendus dans les isoloirs pour accomplir leur devoir civique dans le cadre des élections municipales partielles
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L’opération d’enrôlement des électeurs, qui a commencé par celle de la diaspora, cache un enjeu crucial dans la réussite du processus électoral au Burkina Faso. Cette étape est prise en otage par une classe dirigeante multipliant les ruses et les astuces pour saper la bonne marche des consultations à venir. Un gouvernement d’union nationale pourrait même servir de parade pour prolonger le mandat de l’actuel locataire de Kosyam.

L’opération d’enrôlement des électeurs à l’étranger sent déjà le roussi. La Commission électorale nationale indépendante (CENI) et le gouvernement viennent d’essuyer un cinglant revers dans leur entêtement. « Au 17ème jour, nous enregistrons 14 185 enrôlés sur l’ensemble de nos 22 ambassades contre 1,5 million à 2 millions attendus ». Cet aveu d’échec du président de la CENI, Newton Ahmed Barry, est loin de traduire un simple camouflet. C’est le début d’un imbroglio qui pourrait mettre en péril le processus électoral en cours au Burkina Faso avec des répercussions sociopolitiques très regrettables. Une sorte de ping-pong entre la CENI et le gouvernement est même susceptible de tout remettre en cause. Tout semble avoir été mis en œuvre pour retarder au maximum l’opération d’enrôlement afin que les élections couplées Présidentielle/Législatives de novembre 2020 ne se tiennent pas à bonne date.

La ruse du parti au pouvoir a consisté à des déclarations telles celle tenue à Koudougou par le Président de l’Assemblée nationale, Alassane Balla Sakandé : « Sachez que si l’insécurité, les attaques ne régressent pas, ne perdent pas du terrain, sachez au nom de Dieu qu’il n’y aura pas d’élections ». Ces ballons d’essai ont été planifiés même si certains caciques, à l’image de Simon Compaoré ou Clément Sawadogo, sont montés au créneau pour prendre le contre-pied du Chef du Parlement. « Si les élections n’ont pas lieu à bonne date, au nom du même Dieu, la majorité qui nous gouverne, ne sera plus légitime à diriger le pays », a aussitôt prévenu, Eddie Komboïgo, président du CDP. Comble de malheur, le séjour au Burkina Faso de la Sous-secrétaire des Nations unies en charge de la paix est venu troubler leurs initiatives malsaines pour empêcher les échéances électorales de novembre prochain. Après avoir rencontré Opposition, Majorité, OSC, l’émissaire de Antonio Guterres n’est pas passée par quatre chemins pour signifier que les Nations unies tiennent à ce que les élections aient effectivement lieu à bonne date, c’est-à-dire en novembre 2020. Un message sans équivoque auquel les ambassades d’Allemagne, des Etats-Unis, de France ainsi que la Délégation de l’Union européenne ont aussitôt adhéré.

En effet, en 2018, le gouvernement amène l’Assemblée nationale à voter au forceps une loi portant Code électorale dont l’une des dispositions stipule que « la diaspora ne votera que dans les ambassades et les consulats ». Sous la pression de l’opposition politique et de l’opinion internationale, le Président du Faso initie un dialogue politique contre le gré de son parti, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Cette conclave se penche, entre autres, sur les questions de sécurité, de gouvernance et de l’organisation des élections en 2020. La tentative de la Majorité d’organiser uniquement la présidentielle en 2020 et de coupler Législatives et Municipales en 2021 se heurte à un refus catégorique de l’Opposition qui réclame la tenue des élections à bonne date en couplant Présidentielle/Législatives en 2020 et les Municipales en 2021. Quant au Référendum pour adopter la nouvelle Constitution, libre au Président du Faso de choisir la date qui lui convient sans toutefois coupler ce scrutin avec aucun autre. Ainsi, le Référendum se révèle une consultation mort-né étant donné que le gouvernement ne dispose ni de temps ni de moyens financiers pour organiser un tel scrutin avant la fin du mandat en cours du Président du Faso.

Le MPP donne dos à ses engagements lors du Dialogue politique

L’Opposition a également suggéré qu’en plus des ambassades et des consulats, la diaspora puisse voter dans d’autres lieux en accord avec les pays hôtes. Une requête à laquelle la Majorité à accédé sans toutefois accepter l’usage de la carte consulaire comme document de votation. Dès lors, nombreux sont les observateurs de la scène politique qui ont prédit un échec de l’opération d’enrôlement de la diaspora. Car il est indéniable que l’Office national d’identification (ONI) ne dispose ni de moyens ni de personnels pour mettre à la disposition de tous les membres de la diaspora en âge de voter, estimés à environ quatre millions par la CENI, la Carte nationale d’identité burkinabè (CNIB) ou le passeport. L’on se rappelle aussi qu’en lieu et place de récépissé proposé par la CENI, l’Opposition a préconisé la délivrance de Carte d’électeur afin de garantir la transparence et éviter le faux.

Face à ces différents scénari recommandés pour permettre la réussite du processus électoral, une délégation du MPP s’en prend à son président par intérim, Simon Compaoré et au Président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, les accusant d’avoir cédés aux exigences de l’Opposition. Dès lors, un laboratoire occulte issu du parti au pouvoir va rentrer en scène pour brandir une proposition difficilement tenable avec le dessein cynique.

Son plan consiste à tout mettre en œuvre pour retarder au maximum la commande de nouveaux matériels numériques devant servir à l’enrôlement, estimés à trois mille (3 000) et à la mise à jour du logiciel des anciens kits évalués à mille cent (1 100). Suivant cette directive malicieuse de la Majorité, le gouvernement autorise la CENI à passer les commandes en question.

Ce qui va être fait auprès d’une société française, THALES DIS FRANCE SA à hauteur de plus de dix-huit (18) milliards F CFA. La commande est appelée à être honorée 6 semaines plus tard après la signature du contrat en 2019 et contre le paiement de 40% du montant. Il sied de rappeler que les deux parties ont convenu du règlement des dix-huit (18) milliards F CFA en trois (3) tranches : 40% en 2019 à la signature du contrat, 40% en 2020 et 20% en 2021.

Après la rédaction dudit contrat, TALES exige une caution du gouvernement burkinabè pour le paiement des différents montants alloués au marché. Sur ce, le gouvernement se rétracte arguant que la CENI est indépendante. Avant de mettre sciemment du temps pour accéder aux exigences de THALES DIS FRANCE SA au dernier conseil des ministres du mercredi 22 janvier 2020. L’exécutif burkinabè va alors expliquer qu’il lui faut reprendre le marché par le biais du ministère en charge des Finances et de l’adopter en Conseil des ministres afin de conclure un contrat en bonne et due forme entre le gouvernement et THALES DIS FRANCE SA.

Devant cette nouvelle donne, la CENI monte le marché et le soumet au ministère en charge des Finances depuis septembre 2019. Il appartient alors à ce département d’amender le dossier et l’introduire en Conseil des ministres. Mais jusqu’en fin décembre 2019, le marché portant « Commande de matériels d’enrôlement » n’est pas parvenu sur la table du Conseil des ministres alors que l’enrôlement de la diaspora devrait commencer en janvier 2020. Conscient du retard accusé, le Président de la CENI se présente au ministère en charge des Finances pour s’enquérir de la suite de son dossier.

Après quarante-huit (48) heures de fouille, le dossier est introuvable. Il est encore demandé à la CENI de reconstituer le dossier pour le soumettre à nouveau. Ce qui a été fait dès les premiers jours du mois de janvier. A la vérité, le dossier n’a point disparu du ministère en charge des Finances. Le gouvernement, prétextant le montant des dix-huit (18) milliards trop élevé, fait courir les bruits de probables deals louches entre la CENI et THALES DIS FRANCE SA.

Il ralentit la procédure de passation du marché pour de soit-disantes vérifications. Ensuite il fait croire à la CENI qu’un tel marché créera une réaction négative de l’opinion publique et surtout des OSC. Il décide de retarder la passation du marché. Mais la vraie raison c’est que la majorité présidentielle ne veut pas recevoir les nouveaux kits à temps dans l’unique but de retarder l’enrôlement. Mis devant le fait, la CENI s’est résolu à s’appuyer sur les moyens de bords c’est-à-dire les trois cents (300) kits disponibles dont cent-cinquante (150) seulement sont rendus opérationnels par un opérateur local, pour se déployer dans les pays concernés afin de procéder à l’enrôlement de la diaspora.

Le piège d’un gouvernement d’union nationale

Par ailleurs, le 27 décembre 2019, le Comité de suivi de la mise en œuvre des recommandations du Dialogue politique se réunit au ministère de l’Administration territoriale et constate que l’enrôlement des électeurs ne peut se faire que sur la base de la nouvelle loi portant Code électoral issue de la Conclave entre les acteurs politiques et qui n’a pas été votée, jusque-là par l’Assemblée nationale. Cette instance demande alors à la CENI de sursoir à l’opération d’enrôlement prévu pour début janvier 2020. A l’issue de la réunion, le ministre en charge de l’Administration territoriale fournit un rapport à cet effet au Premier ministre qui, à son tour, enjoint la CENI de suspendre l’opération d’enrôlement hors du pays.

A la demande du Chef du gouvernement, la CENI rétorque qu’elle a déjà planifié l’opération et qu’elle ne peut la sursoir car elle mène ses actions sur la base d’un Décret présidentiel qui ne saurait être remis en cause par une simple lettre, même issue d’un Premier ministre.

A dire vrai, le laboratoire occulte du MPP a tout mis en œuvre pour éviter l’adoption de la nouvelle loi portant Code électoral par l’Assemble nationale dans le but d’empêcher la CENI d’entreprendre l’enrôlement sur la base des nouvelles dispositions. Vu l’entêtement de la CENI à tenir sa feuille de route, le ministre de l’Administration territoriale exige que l’enrôlement s’effectue dans les ambassades et les consulats conformément au Code électoral adopté aux forceps en 2018. Au regard de l’insuffisance des équipements due à la non commande de nouveaux matériels auprès de TALES, un consensus a été trouvé entre le président de la CENI et le ministre de l’Administration territoriale.

Ainsi, Siméon Sawadogo, qui a présidé la réunion du comité de suivi de la mise en œuvre des recommandations du Dialogue politique et demandé l’annulation de l’opération, se propose de prendre part au lancement de l’opération à Abidjan en Côte d’Ivoire pour, dit-il, s’assurer que cela se passera effectivement dans les ambassades et les consulats conformément à la loi portant code électoral de 2018. Ce dont le ministre Siméon Sawadogo ne s’en soucie pas, c’est que la même loi dit qu’il faut éditer des recipissés au lieu des cartes électorales. La loi a donc été violée.

Dès lors, le MPP à la manœuvre depuis le début, était conscient de l’échec cuisant qui attendait l’opération d’enrôlement de la diaspora. Surtout que le coût de transport, pour rallier ambassade ou consulat dans certains pays, est très exorbitant et au-delà des capacités financières de la quasi-totalité des Burkinabè vivant à l’Etranger. « Il faut débourser 850 dollars soit 450 000 F CFA comme déplacement de Toronto ou Edmonton à Ottawa pour établir une carte d’électeur », souligne Hamado Ouédraogo vivant au Canada.

La CENI et l’Opposition se sont retrouvées dans un piège savamment tendu par la Majorité pour servir des desseins inavoués. L’éventualité d’une prorogation de l’enrôlement de la diaspora va buter sur le calendrier de l’opération concernant les électeurs à l’intérieur du pays qui débute le 03 février prochain et prend fin le 27 mars.

En l’absence de nouveaux matériels d’enrôlement, la CENI se voit dans l’obligation de procéder à l’enrôlement en trois phases en divisant le territoire national en trois zones. Alors qu’elle aurait disposé d’assez de temps pour mener à bien le processus si les équipements étaient en nombre suffisant. Jusque-là, aucun kit d’enrôlement neuf n’a été livré.

Le Conseil des ministres, en sa session du mercredi 22 janvier 2020 a autorisé, par la procédure d’entente directe, deux marchés relatifs à l’opération d’enrôlement s’étalant chacun sur un délai de sept (7) mois dont l’un avec Groupement d’entreprises THALES DIS FRANCE SA portant sur « livraison d’équipements et transfert de technologies » pour un montant de 14,588 milliards F CFA et l’autre avec Groupement d’entreprises THALES DIS FRANCE SA et l’Entreprise Information Concept (I. Concept) portant sur « prestation de services (installation de logiciel, licences, la formation du personnel de la CENI, des superviseurs et des opérateurs de kits, l’assistance de la CENI sur le terrain, … ») pour un montant de 3,933 milliards F CFA.

L’issue de l’opération d’enrôlement des électeurs pourrait se solder par un embrouillamini sans précédent. L’enrôlement de la diaspora s’est effectué avec l’ancien matériel. A quel moment, le matériel neuf sera livré pour que l’enrôlement à l’intérieur du pays puisse effectivement débuter le 03 février comme annoncé et sur la base du nouveau Code électoral ? Le temps presse et beaucoup d’interrogations persistent. D’autant que la loi prévoit que la liste définitive des électeurs et celle des candidats soient connues au moins soixante-dix (70) jours avant le scrutin. Le MPP se trouve maintenant dos au mur dans son ambition sordide. L’adoption de la nouvelle loi portant Code électoral, le 23 janvier dernier, vient poser une équation juridique que seul le Conseil Constitutionnel pourrait résoudre pour ne pas envenimer la situation.

En fait, le laboratoire du MPP veut susciter à dessein une action judiciaire pour briser l’élan de l’enrôlement. En effet, il va falloir trancher si les nouvelles dispositions sont rétroactives ou pas dans la mesure où l’enrôlement de la diaspora s’est fait sur la base des textes issus de la loi de 2018. Cette guéguerre judiciaire va encore donner du temps au gouvernement.

A cela s’ajoute le vote de la loi instaurant l’Etat d’urgence sur dix-huit (18) nouveaux mois soit au-delà du mandat en cours du Président du Faso alors que le texte aurait pu être prorogé sur six (6) mois renouvelables. Une astuce de plus pour garder les zones concernées sous haute surveillance au cas où les élections n’auraient pas lieu.

Le laboratoire du MPP est toujours actif plus que jamais. Il s’appuie, ces derniers temps, sur l’une de ses vieilles cartouches.

S’arrogeant une mission de réconciliation nationale, la tonitruante Safiatou Lopez/Zongo aurait renoué le contact avec son mentor, Roch Marc Christian Kaboré, afin que des ressources financières et matérielles conséquentes lui soient allouées pour, une fois encore, divertir l’opinion et couper l’herbe sous le pied de sa « rivale » Saran Sérémé qui rêve d’un poste de Premier ministre dans le cadre de la mise en place d’un gouvernement d’union nationale pour lequel la Majorité fait une cour assidue à l’Opposition insurgée pour obtenir sa participation active.

Le laboratoire du MPP aurait même expressément proposé le Chef de file de L’opération politique (CFOP), Zéphirin Diabré, pour prendre la tête de ce gouvernement d’union nationale en lieu et place de Saran Sérémé qu’il trouve « légère et peu cultivée ».

Nul doute que cette stratégie vise à diviser l’Opposition. A quoi pourrait bien servir la formation d’un gouvernement d’union nationale sur une durée de huit à neuf mois si ce n’est une volonté de la Majorité d’emballer une partie de l’Opposition dans le but de reporter les élections? Zéphirin Diabré accepterait-il de brader ainsi son avenir politique et l’espoir de toute l’Opposition en acceptant un tel poste pour quelques mois seulement?

S’il accède à une si grossière ruse du MPP, c’est qu’il adhère lui aussi au cynique projet de prorogation du mandat de Roch Marc Christian Kaboré pour se maintenir. Dans ce cas, le laboratoire du MPP aurait bien atteint son objectif au détriment des aspirations démocratiques du peuple burkinabè.

D’ores et déjà, dans cette dynamique, Safiatou Lopez/Zongo fait la ronde des cours royales, entourée de journalistes et de leaders d’OSC qu’elle rétribue à coups de billets craquants, pour faire aboutir l’agenda caché de son mentor. Affaire à suivre !

Donatien FOFANA,
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