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Polémique autour de l’Eco « Il y a une bataille de leadershisp », dixit Pr Ousseni Illy

Publié le lundi 20 janvier 2020  |  Sidwaya
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© Autre presse par DR
Le Professeur Ousseni Illy, enseignant chercheur en droit monétaire et financier international
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L’actualité du week-end écoulé reste marquée par la dénonciation par la Guinée et les pays anglophones de la CEDEAO de la monnaie commune, Eco, telle qu’elle est entreprise par les pays de l’UEMOA. L’Eco a-t-il encore un avenir ? Et à quelle condition ? Le Professeur Ousseni Illy, enseignant chercheur en droit monétaire et financier international répond.

Sidwaya (S) : Le 16 janvier 2020, la Guinée et les pays anglophones de la CEDEAO ont dénoncé la marche vers la monnaie commune Eco entreprise par les pays de l’UEMOA. Ce clash était-il prévisible ?
Pr Ousseni Illy (O.I) : Ce clash était prévisible dans la mesure où ce qui s’est passé en Côte-d’Ivoire, le 21 décembre dernier, n’était pas prévu dans le cadre de la CEDEAO. La création de la monnaie unique, Eco, est une initiative de la CEDEAO depuis les années 1980, qui a piétiné certes, mais elle a une feuille de route. Les pays de l’UEMOA sont sortis de la feuille de route et du processus définis par la CEDEAO sans en informer les autres pays membres de l’organisation. Ils ont procédé au lancement de l’Eco qui est un changement de nom du franc CFA, en usurpant le nom qui est prévu par la CEDEAO. Cette démarche ne pouvait pas prospérer car elle devrait se faire en concertation avec les autres pays de la CEDEAO.S : En quoi la démarche des pays de l’UEMOA trahit le processus défini par la CEDEAO pour la création de la monnaie commune ?
O.I. : Dans le processus de mise en œuvre de la monnaie commune destinée à remplacer le franc CFA et les autres monnaies nationales, la feuille de route avait effectivement prévu que l’opérationnalisation de l’Eco se fera à partir de 2020. Mais il y avait aussi des modalités relatives aux critères de convergence que tout le monde devrait respecter avant qu’on ne lance la monnaie. Il s’agit principalement du déficit budgétaire, qui devait être contenu dans les 3% du PIB, de la dette publique qui doit être inférieure à 70% du PIB et de l’inflation qui doit être inférieure à 10%. Hormis le Togo, aucun pays de la CEDEAO ne respecte intégralement ces critères. Il avait été décidé au niveau de la CEDEAO que l’on aille par étape, de sorte que ceux qui respectent ces critères commencent avec l’Eco et que les autres pays les rejoignent au fur et à mesure qu’ils rempliront les critères. Mais la décision d’Alassane Ouattara et d’Emmanuel Macron sort totalement de ce cadre. C’est une décision unilatérale, sans concertation avec les autres membres de la CEDEAO. Qui plus est, l’Eco annoncé à Abidjan ne respecte pas les critères définis par la CEDEAO, notamment l’indépendance et la flexibilité, tout en usurpant son nom.

S : Comment expliquer cette attitude des pays de l’UEMOA ?
O.I. : L’explication est simple. Alassane Ouattara et la France n’ont jamais voulu véritablement de l’Eco de la CEDEAO, pour un certain nombre de raisons. L’existence d’une vraie Eco signifie la mort du CFA, et donc une perte pour la France d’un de ses instruments d’influence en Afrique de l’Ouest, et pour Alassane Ouattara, la perte ou le froissement d’un ami fidèle à qui il doit tout. L’une des stratégies de longue date de la France était d’essayer d’étendre le franc CFA aux autres pays de la CEDEAO, de sorte à étendre son réseau d’influence. Il se rapporte d’ailleurs qu’il y a eu des négociations secrètes dans le temps avec le Ghana pour l’amener à adhérer à la zone Franc. C’est lorsque le Nigéria a eu vent de ces négociations qu’elle a tout fait pour les interrompre. L’annonce d’Abidjan était une sorte de reprise de ce processus, puisqu’immédiatement après, des tentatives ont été faites pour attirer les autres pays. On a même vu circuler un faux communiqué attribué au gouvernement ghanéen qui soutenait le processus.
La stratégie était bien rodée, puisque même si on ne parvenait pas à l’élargissement du CFA, que l’on rebaptise pour la circonstance Eco, on tue la vraie Eco en semant la confusion et la division. Et c’est ce qui est arrivé.
Et cela arrange la France qui va continuer à garder sa principale, voire sa seule zone d’influence au monde, que constitue l’UEMOA ; cela rassure également des présidents comme Alassane Ouattara, qui lui doivent tout. Bien sûr, le grand perdant ce sont nos populations, dont les intérêts sont relégués à l’arrière-plan.S : Avec cette guéguerre, peut-on encore croire en l’avenir de l’Eco ou faut-il parler de sa mort prématurée, après 30 ans d’enfantement difficile ?
O.I. : Le processus devient très compliqué. Les autres ayant dénoncé les choses ouvertement, il reste une chose à faire : que les pays de l’UEMOA, qui ont créé cette fausse Eco, rentrent dans les rangs et rejoignent le processus normal défini par la CEDEAO. Mais, la situation se complique car les pays de l’UEMOA ont déjà signé des accords avec la France, comme on l’a vu à Abidjan, qui maintiennent la parité fixe et la France comme garant. Il faut donc dénoncer ces accords, ce qui devient une autre bataille. Et je ne suis pas sûr que les pays de l’UEMOA vont le faire ; en tout cas pas dans le court terme Et s’ils ne le font pas, c’est la mort de l’Eco, puisque les pays anglophones ne vont jamais les rejoindre. Vu les rapports de nos pays avec la France, et avec la situation sécuritaire qui fait que la France devient quasiment incontournable dans notre région, on se demande si nos pays peuvent encore dire non à ce pays. C’est une très bonne initiative qui allait prendre le temps qu’il fallait mais, elle comporte énormément d’avantages. Mais la France voit en cette monnaie, une menace pour son influence sur nos pays. Malheureusement, on a des pays à l’intérieur qui ne croient qu’à l’influence française.

S : On voit qu’avec les dirigeants, les choses semblent bouger difficilement. Est-ce que l’espoir peut venir des populations ?
O.I. : La monnaie est une question technique et non une question populaire. La société civile a pris le problème à- bras- le corps. Il est vrai que son action est visible, mais je ne sais pas si elle peut exercer une pression qui puisse faire bouger les dirigeants. A quinze, nous serions certainement plus forts et n’aurions pas besoin de la garantie d’une quelconque puissance.

S : Peut-on y voir une bataille pour le leadership dans la conduite de cette monnaie ?
O.I. : Il y a une bataille de leadership entre le Nigéria et la Côte d’Ivoire. Mais elle n’a pas de raison d’être. Le Nigéria à lui seul, représente 70% du PIB de la CEDEAO. Il n’y a pas commune mesure avec la Côte d’Ivoire.
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