L’un est considéré comme l’ex-homme de main de l’ex-Blaise Compaoré tandis que l’autre a été chef de la garde rapprochée du même Blaise. À un moment donné de l’histoire, le torchon brûlait entre les deux « chefs ». Diendéré, le grand chef et Kafando appelé « chef Kaf ». Accusé de tentative de coup d’État en octobre 1996 (alors qu’il était en stage au Maroc), l’adjudant-chef Hyacinthe avait disparu des écrans radar de l’armée burkinabè. Puis à un moment donné cet homme originaire du Namentenga a refait surface. Le samedi 14 avril 2001, il a en effet regagné son Faso natal. En 2007, il a réussi la prouesse de refaire sa virginité et est allé jusqu’àse faire élire député du CDP, le parti présidentiel d’alors. Après l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 et à la faveur de la réouverture du dossier Thomas Sankara, Hyacinthe Kafando a de nouveau disparu. Il passe en effet pour être le chef du commando qui a commis le massacre du 15 octobre 1987. Un mandat est lancé contre lui, tout comme Diendéré est impliqué dans le coup. De sa cachette, Hyacinthe suit l’évolution de la vie politique de son pays. Il a même réussi à joindre son chef d’hier au téléphone, à en croire le rêve que j’ai fait la nuit dernière.
HYACINTHE : Salut, mon général prisonnier. Comment tu vas ?
DIENDÉRÉ : De quel général parles-tu ? Nous sommes deux dans la situation.
HYACINTHE : Chef, tu sais que s’il y a général à appeler, ce n’est pas Bassolé mais c’est toi… Je veux juste avoir de tes nouvelles.
DIENDÉRÉ : Hé, mon Dieu… Si ce n’est pas parce que plus rien n’est comme avant au Faso Sinon, comment quelqu’un comme toi oserait s’adresser à ma personne de cette manière ?Je sais qui tu me le dis avec ironie. Mais ce n’est pas grave. Dieu est grand…
HYACINTHE : C’est quand on est en difficulté qu’on perçoit bien la présence de Dieu. Sinon, au temps où tu étais tout puissant, tu n’allais pas t’exprimer ainsi. Dis-moi, mon général, comment voyez-vous l’avenir du pays ?
DIENDÉRÉ : L’avenir du pays est entre les mains de ceux qui sont libres, qui sont à l’air libre comme toi.
HYACINTHE : Mais je ne suis pas libre. Je suis caché quelque part aussi. Parce que si je rentre au pays, je me retrouverai à la MACA comme toi. Tu penses qu’on peut cohabiter, toi et moi ?
DIENDÉRÉ : Pourquoi pas ? L’heure est aujourd’hui à la recherche de la paix, du vivre ensemble. Tu peux rentrer.
HYACINTHE : Je crains fort qu’on nous soupçonne de reconstituer le RSP.
DIENDÉRÉ : Pour qui ? Blaise n’est plus là. Les hommes forts que nous étions, sont en prison. Zida qui nous a trahis est au Canada. Même s’il y avait à reconstituer le RSP, je doute fort qu’il ait la puissance d’alors. Notre armement de Naba-Koom II a été redéployé dans les différentes unités du pays. Comme reconstituer tout cela ? Et puis, nous ne serons plus soudés. Tu as vu lors du coup d’État dont on m’attribue la paternité… Quand une jarre de brise, difficile d’en recoller les morceaux.
HYACINTHE : Oui. Mais entre toi et moi, penses-tu qu’une réconciliation soit possible ? N’as-tu pas gardé une dent longue comme un couteau contre moi ?
DIENDÉRÉ : Adjudant-chef Kafando, tu peux compter sur moi. Le passé appartient au passé. La MACA m’a donné beaucoup de leçons. Je suis devenu une autre personne. Seulement, qui peut le savoir, qui peut me croire ? Quand on dit Diendéré, les Burkinabè ne voient que les pages sombres du régime de Blaise. Pourtant…
HYACINTHE : Peut-être que nos compatriotes n’ont pas tort. On dit qu’un chat qui va à la Mecque demeure un chat, et que le chien ne peut changer sa manière de s’assoir. Sinon que moi Hyacinthe, je peux t’accorder une dose de crédibilité. Le rasta de la lagune Ebrié a chanté que seuls les imbéciles ne changent pas. Or toi et moi nous sous sommes loin d’être des imbéciles. Si je rentre et que nos hommes constatent que nous nous sommes réconciliés, ce sera un exemple pour eux. En attendant, trouve le moyen de prouver à ce Roch et à son régime que malgré ton incarcération, tu demeures solide comme un roc et que tu peux toujours être utile au Faso.
DIENDÉRÉ : Je n’aurais pas imaginé un Hyacinthe Kafando compatir à mon sort et m’exhorter à ne faillir à mon patriotisme. Ne crains-tu pas que nous soyons sur écoute téléphonique ? Djibril Bassolé et son ami Guillaume Soro en savent quelque chose… Pendant qu’on empêche le mari de Rosalie d’aller se soigner à l’extérieur, c’est Soro qui a cette liberté d’aller où il veut et où il peut, sauf dans son propre pays.
HYACINTHE : À propos de Soro, j’ai de la peine à comprendre ce vieux jula de Alassane. Guillaume le chef rebelle l’a aidé à déposer Gbagbo. Devenu président, cet Alassane consomme deux mandats.Avant de renoncer à un linga auquel il aspirait, il lance un mandat d’arrêt contre son bienfaiteur d’hier pendant qu’il abrite Blaise qui est sous un mandat d’arrêt international lancé par le Burkina. Manque de sagesse ? Toi qui étais le bras droit de Blaise, dis-moi : le pouvoir d’État est-il comme une drogue ? Est-ce du viagra politique ?…
Ding ! dong ! ding !dong ! Il est déjà 5 heures 30 minutes. L’alarme de mon vieux portable me réveille au moment où il fait très bon dormir sous ma vieille couverture en ces temps de froid sibérien.