Les derniers développements de la crise syrienne ont mis en évidence un fait indéniable : les opinions publiques occidentales sont majoritairement opposées à une intervention militaire en Syrie. De Paris à Washington, en passant par Londres, c’est une levée de boucliers contre les préparatifs de guerre dont les Etats-Unis sont la figure de proue. Même le pape François s’ est mis dans la résistance contre l’ingérence en Syrie. Peuples pacifistes et dirigeants guerriers, voilà la situation à laquelle l’on assiste en Occident, quant aux méthodes à utiliser pour régler la question syrienne. Les dirigeants ne peuvent ignorer ce décalage avec l’opinion. Ils ont été élus par ces mêmes populations et leur sont donc redevables dans tous les actes qu’ils posent. C’est une contrainte incontournable en démocratie. Voilà pourquoi les protestations généralisées contre des frappes en Syrie ont eu pour effet de réfréner les ardeurs guerrières des dirigeants occidentaux dont le chef de file est le locataire de la Maison-Blanche. Hollande, Cameron et Obama ont dû mettre la pédale douce en faisant recours à leurs parlements respectifs. David Cameron, lui, a été carrément recalé par ses députés qui ont opposé leur veto à la participation de la Grande-Bretagne à toute opération militaire en Syrie. En bon démocrate, le Premier ministre britannique en a pris acte et s’est soumis au verdict du pouvoir législatif. Il ne lui reste que la voie diplomatique comme mode d’action dans le dossier syrien. La Constitution française, elle, ne fait pas obligation au président de passer par un vote du parlement. Mais, il y a eu des débats houleux dans l’hémicycle qui vont laisser des traces. Par ailleurs, les sondages montrent qu’une majorité des Français est hostile à l’option de la force. Aux Etats-Unis, le président a voulu aussi se montrer à l’écoute de son peuple en soumettant la question des frappes contre la Syrie au Congrès. Quelle que soit l’issue de ce vote, on note une constante chez l’ensemble des pays occidentaux, y compris chez la superpuissance américaine : il n’y aura pas de passage en force.
Ce sens de l’écoute de son opinion publique est une qualité que l’on trouve par contre rarement chez les dirigeants africains. Ils n’en font qu’à leur tête, même sur des questions d’intérêt national ou susceptibles de diviser le pays. Ils sont prêts à marcher sur des cadavres pour assouvir leurs desseins. Il est évident que cette façon inique de gouverner porte en elle les germes de crises internes diverses dont l’Afrique n’arrive pas à se départir. Beaucoup de troubles sociaux, politiques, voire armés, auraient pu être évités si les dirigeants étaient moins nombrilistes. Ils n’ont d’yeux que pour leurs intérêts et ceux de leurs clans, quitte à plonger le pays dans le chaos. Les plus graves crises survenues ces dernières années sur le continent sont généralement le fait d’un ego surdimensionné des tenants du pouvoir. Kenya, Côte d’Ivoire, Libye, Centrafrique… la liste est longue de pays qui ont basculé dans la violence parce qu’on a manqué de sens d’écoute. Pour ne rien arranger, d’autres sont dans l’antichambre de la violence, parce que leurs dirigeants refusent d’entendre raison. C’est pourquoi la gestion que les Occidentaux font de la crise syrienne, en rapport avec les aspirations de leurs peuples, devrait inspirer l’Afrique. Au-delà des enjeux géopolitiques, c’est la capacité des dirigeants à s’aligner sur la volonté de leurs peuples qui est ici en jeu. Et même s’il arrivait qu’Américains et Français décident d’agir contre la Syrie, ils le feraient en tenant compte forcément des réticences de leurs opinions publiques. On est loin des interventions en Irak, en Afghanistan ou en Libye, qui n’avaient pas fait l’objet d’un tel rejet massif, mais qui se sont révélées par la suite désastreuses. A l’heure du bilan en effet, on se demande bien quels progrès les peuples de ces pays ont obtenus du fait de la guerre .