Le processus de mise en place du Sénat au Burkina qui semblait imminent pour le mois de septembre 2013, pourrait se projeter sur le moyen ou long terme. Mais aussi, la suppression pure et simple du Sénat est toujours probable si le ratissage d’avis favorables pour son opérationnalisation s’avère infructueux.
Suite aux divergences suscitées sur le projet de mise en place du Sénat au Burkina en Juillet et Août 2013 par des meetings et marches pro et anti sénat, le Chef de l’Etat avait demandé en mi-Août au Comité de suivi des réformes politiques, de lui établir un rapport circonstancié sur l’opérationnalisation du Sénat au plus tard le 30 Août. Ce fut chose faite. Mais, l’opinion publique avait compris que le président Compaoré tendait ainsi vers la suppression pure et simple de la seconde chambre du parlement qu’est le sénat. C’était aller trop vite en besogne en pensant à cette hypothèse. La preuve, après avoir pris connaissance du rapport circonstancié, le président Blaise Compaoré, qui visiblement ne semble pas pressé pour décider du sort définitif du sénat, a sifflé la fin de la mi-temps pour une reprise du match pro et anti sénat. En effet, par un message daté du 06 septembre 2013, le Président du Faso instruit le gouvernement d’élargir les concertations avec toutes les composantes sociales dans l’optique de mieux informer sur le bien-fondé du sénat et d’en dégager par conséquent, un large consensus pour son opérationnalisation. Cela pourrait déboucher sur une seconde mission gouvernementale dans les 13 régions du pays pour tenter de convaincre les indécis, voire même les rebelles. Si de son côté le Chef de file de l’opposition qui se veut intransigeant sur son refus du sénat, investissait aussi villes et campagnes pour rallier les gens à sa cause, l’on risque d’être loin du climat de paix et de consensus recherché pour la mise en place du sénat. Dans ce cas, que fera le Chef de l’Etat ? Va –t-il proposer une troisième solution que certains de ses contempteurs lui suggèrent, à savoir un référendum sur le sénat, les candidatures indépendantes et l’article 37 relatif à la durée du mandat présidentiel?
Pour l’instant, ce que l’on peut retenir du rapport circonstancié qui reste toujours aléatoire, car n’ayant fait l’objet d’aucun décret d’adoption en conseil des ministres, c’est que les propositions y contenues, tendent vers un format compressé du sénat. Il s’agirait :
- de ramener le nombre de sénateurs de 89 à 71 ;
-de diminuer le nombre de sièges de sénateurs à élire dans les collectivités territoriales par région de 3 à 2 ;
-de revoir à la baisse le nombre de sénateurs à nommer par le Chef de l’Etat qui était initialement 29.
-d’ouvrir la compétition aux postes de sénateurs éligibles à tous les citoyens sous la bannière d’un parti politique ;
-de créer une commission mixte pour trancher les points de désaccords entre l’Assemblée nationale et le Sénat et trouver une des chambres qui tranchera en définitive en cas de blocage etc.
Quelques propositions et recommandations du comité de suivi des réformes politiques :
- requérir l’avis du Conseil constitutionnel sur la légalité du fonctionnement et de la législation de l’Assemblée nationale avant la mise en place effective du Sénat et sur la portée de l’absence de dispositions transitoires dans la loi constitutionnelle n°033-2012/AN du 11 juin 2012 ;
-réviser la Constitution dans ses dispositions pertinentes relatives au Sénat ;
-Procéder à la relecture de la loi organique portant organisation et fonctionnement du parlement et du code électoral. Cependant, le Comité de suivi et d’évaluation des réformes politiques souhaite que les avant-projets de loi soient soumis à son appréciation pour s’assurer de leur conformité avec l’esprit du CCRP ;
-mettre en place le Sénat dans son nouveau format obtenu par consensus dès l’adoption de la loi organique modificative de la loi n°18-2003/AN du 21 mai 2013.
Comme on peut le constater, l’on s’achemine vers des actes récurrents et intempestifs de relecture de la Constitution et du Code électoral .Cela fera au moins 4 fois que la Constitution aura été révisée. Ce tripatouillage de la loi fondamentale ne donne pas une bonne image de la fiabilité du système démocratique au Burkina et laisse croire que les relectures sont faites au gré du temps et des intérêts politiques circonstanciels. Puisque le Burkina et plusieurs pays du sud s’inspirent des vieilles démocraties du nord, il est temps qu’ils fassent comme ces états cités en exemples de démocratie, qui verrouillent leurs constitutions et les mettent à l’abri des tripatouillages politiciens.
Par conséquent, il ne sied pas de se précipiter encore pour la prochaine révision de la Constitution au Burkina, juste pour des questions sénatoriales. Il convient d’avoir une vue d’ensemble sur tous les points de la loi fondamentale, objets de polémiques et désaccords pour une relecture qualitative et durable de la Constitution. Réviser une Constitution deux fois dans une année, cela ne fait pas sérieux et donne l’impression qu’il n’existe que des juristes tâcherons au Burkina, payés à la tâche pour réfléchir sur la loi fondamentale.