Aujourd’hui, 13 décembre 2019, les organisations de journalistes commémorent le 21e anniversaire de l’assassinat du journaliste d’investigation, Norbert Zongo. Dans cet entretien, le président du comité de pilotage du Centre national de presse Norbert-Zongo, Abdoulaye Diallo, donne les grandes lignes de la manifestation. Il invite, par ailleurs, la justice burkinabè à œuvrer afin que le droit soit dit dans ce dossier.
Sidwaya (S) : Cela fait 21 ans que le journaliste Norbert Zongo a été assassiné. Pour cette commémoration, quelles sont les activités inscrites au programme ?
Abdoulaye Diallo (A.D.) : Plusieurs activités sont prévues pour la commémoration des 21 ans de l’assassinat de Norbert Zongo. Le collectif des organisations démocratiques de masses et des partis politiques prévoit un recueillement à 7h au cimetière de Gounghin. Un meeting est également programmé à la bourse du travail. A 18h, il y aura une projection de film au Rond-point de la Patte d’oie. Au centre national de presse Norbert-Zongo, nous prévoyons à 15 h, la remise de l’appel des journalistes africains aux autorités françaises pour l’extradition de François Compaoré. Cet appel sera remis à l’ambassadeur de France au Burkina Faso. Ciné droit libre projette également, un film appelé ‘’la voix des sans voix’’ sur le cas d’un autre journaliste burundais qui était obligé de s’exiler. Ce film pose la question de la liberté de la presse. Une déclaration des organisations professionnelles de médias est publiée dans la presse.
S : Qu’en est-il de l’appel qui sera remis à l’ambassadeur de France ?
A. D. : Lors du dernier Festival pour la liberté d’expression et de presse (FILEP), l’ensemble des journalistes africains avaient formulé un appel. Le Centre national de presse Norbert Zongo était chargé de remettre cet appel aux autorités françaises. Nous pensons que le 13 décembre est une date symbolique pour transmettre cet appel à l’ambassadeur de France. Il s’agit de rappeler que la justice française a fait son travail depuis le 4 juin 2019. Il reste au gouvernement français de prendre un décret qui autorise l’extradition de François Compaoré.
S : Les supposées tensions entre le Burkina Faso et la France liées à la lutte contre le terrorisme ne peuvent-elles pas compromettre cette extradition?
A.D. : On n’en sait rien. Seulement, nous sommes inquiets de la lenteur observée par les autorités françaises. C’est pour cette raison, que nous avons décidé de faire ce coup de gueule à leur endroit.
S : L’affaire ne peut-elle pas être jugée en l’absence de François Compaoré ?
A.D. : Oui. En même temps que nous réclamons François Compaoré au gouvernement français, nous interpelons également la justice burkinabè à faire son travail. Que ce dernier soit extradé ou non, le procès peut se tenir. C’est important, il ne faut pas que l’on lie le dossier à l’extradition de François Compaoré.
S : Comment évolue le dossier Norbert Zongo dans son fonds?
A.D. : Depuis les 20 ans, nous n’avons pas eu un acte concernant le dossier, sauf la justice française qui a vidé le dossier. C’est l’acte le plus important qui est posé. C’est le seul élément nouveau. Sinon, en dehors de ceux qui ont été inculpés et détenus en prison, il n’y a rien d’autre.
S : Quel est votre regard sur le nouveau Code pénal, qui, selon certains professionnels, remet en cause la liberté de la presse au Burkina Faso ?
A.D. : Nous avons mené le débat lors du dernier FILEP. Nous avons démontré que c’est un code liberticide. Le ministère de la Justice ainsi que certains professionnels ont dit le contraire. Pour ces derniers, la presse est régie par des lois et pour cela, on ne saurait utiliser le code pénal pour sanctionner les journalistes. Nous continuons à demander que ce code soit revu pour nous rassurer. En attendant, les lois sur la presse ne traitent pas des questions de terrorisme. Le seul texte de lois qui parle du terrorisme, c’est le Code pénal. Nous nous sentons donc visés. Il faut une dérogation, comme « exception faite aux hommes de médias et chercheurs ». Ce qui voudrait dire que le code pénal ne les concerne pas.
S : Pourquoi, est-il nécessaire de miser sur les médias nationaux pour soigner l’image de l’Afrique, comme nous le rappelle le thème des dernières Universités africaines de la communication (UACO) ?
A.D. : C’est une bonne initiative ; mais est-ce que cela va fonctionner ? La plupart de nos dirigeants accordent une importance aux médias internationaux. Très souvent, les médias locaux leur font plus mal parce que les vrais faits y sont relatés. On espère que l’appel des UACO va être entendu mais cela ne sera pas pour demain. Car, les dirigeants vont continuer à donner la primeur à Jeune Afrique, Rfi, France 24… Ce sont des médias dominants, et nos dirigeants veulent se faire voir. C’est un combat à mener. Dans le monde entier, il faut changer le contenu des médias, car ils aiment ce qui est négatif. Pourtant, il faut mettre l’accent sur le positif, des choses qui marchent. Cela aide les esprits à être en paix.
S : Votre appel aux autorités et à la population ?
L’affaire Norbert Zongo est une affaire du Burkina. Le pays doit avoir le courage de la régler pour une bonne fois. Le peuple veut la justice. Tout régime qui va jouer avec cette affaire, récoltera les conséquences. J’appelle enfin à la tenue de ce procès, afin que les assassins soient jugés et punis.