Les scènes de ménage sont-elles finies entre le pouvoir et l’ADF/RDA ? En tout cas, le retour annoncé de l’éléphant dans le processus de mise en place du Sénat met fin à une période de désamour dans le couple. Depuis l’avènement du troisième gouvernement de Luc Adolphe Tiao en janvier 2013, le parti de Me Gilbert Noel Ouédraogo avait pris ses distances d’avec le pouvoir. Aucune raison officielle n’avait été avancée pour justifier cette séparation. Mais on peut imaginer que la position très hostile de l’ADF/RDA par rapport à toute révision de l’article 37, n’a pas été du goût des tenants du pouvoir. Pour ne rien arranger, l’histoire du Sénat est venue davantage fragiliser un couple déjà vacillant. Mais voilà, les deux partenaires ont sans doute constaté que le temps du divorce total n’était pas encore arrivé et qu’il était de leurs intérêts réciproques de se retrouver. En repêchant l’ADF/RDA, la majorité présidentielle se fait en effet un ennemi, et non des moindres, de moins. Même si elle ne participait pas aux marches organisées par l’opposition, elle a pesé d’un poids certain dans la balance des anti- Sénat, pour avoir boycotté l’élection des sénateurs au titre des collectivités territoriales. Avec ses 18 députés et 1736 conseillers municipaux, le parti de l’éléphant est donc une force politique qu’il est préférable d’avoir avec soi que contre soi. Par réalisme politique, la mouvance présidentielle ne pouvait donc se mettre à dos un acteur aussi important de la scène politique qu’est l’ADF/RDA. Si le ralliement de Me Gilbert Noel Ouédraogo se confirme, le pouvoir n’a désormais en face de lui qu’un seul adversaire politique clairement identifié, à savoir l’opposition réunie au sein du chef de file.
De son côté, l’ADF/RDA qui a longtemps participé au système Compaoré, en est devenue un otage. Elle est comptable de la gestion du régime depuis qu’elle est au gouvernement. Elle est donc tenue par la barbichette en termes de gestion des minis-tères qui lui ont été confiés. Le bilan de l’action de l’ADF/RDA au sein des différents gouvernements n’a jamais été fait. On en ignore donc les acquis et les insuffisances. On sait seulement que la réhabilitation de l’aéroport de Ouagadougou, un projet majeur, dont le président du parti lui-même avait la charge, en tant que ministre des Transports, a été très chaotique. Cette collaboration avec le régime Compaoré participe aussi d’une stratégie de conquête du pouvoir pour l’ADF/RDA. Comme l’a fait Abdoulaye Wade au Sénégal, Me Gilbert Noel Ouédraogo attend son heure, en profitant des gains que procure l’appartenance à l’appareil d’Etat. Outre les divers avantages, en termes de positionnement de ses cadres dans les sphères du pouvoir, de constitution d’un trésor de guerre, il y a surtout l’apprentissage de la gestion du pouvoir. Plutôt que l’opposition, l’ADF/RDA a donc choisi la collaboration avec le régime comme mode d’accession au pouvoir. Somme toute, ces retrouvailles entre Me Gilbert Noel Ouédraogo et Blaise Compaoré ne sont pas surprenantes.
Mais comme on l’a vu par le passé, si cette participation au pouvoir offre certains privilèges (postes ministériels, influence sur les décisions de l’Etat, etc.), elle n’en demeure pas moins périlleuse. Car bien des militants, qui ne profitent pas directement des retombées de ce partenariat, se posent des questions sur son utilité. Ils pourraient se dire qu’il s’agit tout simplement d’une course à la soupe pour les dirigeants du parti, qui préfèrent le confort du pouvoir aux rigueurs de l’opposition. Sans compter que le mouvement social et politique contre le Sénat, est si prégnant que le parti prend le risque d’être mal compris par certains de ses militants. Après les législatives dont elle est sortie 3e force politique, perdant ainsi son 2e rang, ce ralliement au Sénat ne va-t-il pas le fragiliser davantage ? Il semble cependant que le fléchissement de la position de l’ADF/RDA vis-à-vis du Sénat est un moindre mal ; on l’attend surtout sur la question de l’article 37. Le parti continuera-t-il de maintenir son refus de voir la Constitution révisée pour permettre une candidature de Blaise Compaoré en 2015 ? Ou bien du fait du nouveau pacte, il remettra à plus tard (au-delà de 2015) ses ambitions légitimes de briguer la magistrature suprême ? C’est là toute l’ambiguïté de la politique de cohabitation de l’ADF/RDA avec le système Compaoré .