Le fait est assez rare en Afrique pour être souligné. En effet, environ 800 magistrats marocains ont organisé un sit-in, samedi dernier, devant la Cour de cassation de Rabat. L’objectif d’un tel mouvement d’humeur : protester contre la corruption et l’immixtion de l’exécutif dans les affaires judiciaires. A dire vrai, le corps de la magistrature marocain se montre hardi et téméraire. Car, il est des pays en Afrique où cette action on ne peut plus salutaire,relèvedu domaineonirique. En tout cas, sous les tropiques africains, on entend souvent les hommes en toge grommeler, mais on les a très rarement vus battre le macadam pour revendiquer ce qui leur revient de droit,bien que tout ne soit pas pour le mieux dans le meilleur du milieu judiciaire.
A la vérité, à des degrés divers, les problèmes que vivent les magistrats marocains et qui les ont poussés à la révolte, existent dans bien des pays africains.Mais beaucoup de magistrats, sur le continent noir, préfèrent subir le diktat du pouvoir exécutif, quitte à dévoyer un corps censé mettre tous les citoyens sur le même pied d’égalité devant la loi. Le pouvoir et l’argent restent les seuls moyens qui justifient une telle frilosité du judiciaire vis-à-vis de l’exécutif. Mais comment parler de démocratie et de ses corollaires que sont la paix, la stabilité et le développement si beaucoup de magistrats africains, censés arbitrer les acteurs de la vie sociale, sans prendre parti, refusent de s’assumer comme le font actuellement leurs confrères du Maroc ? Ce qui frustre le citoyen lambda et qui le pousse à la révolte comme on le voit de plus en plus dans bon nombre de pays, c’est bien le deux poids deux mesures appliqué par des juges qui s’acharnent souvent sur le menu fretin mais qui se montrent atones et aphones face aux dossiers des grosses légumes. Or,à la question de savoir si l’on peut bâtir une nation stable et prospère dans la confusion des pouvoirs, la réponse est, sans ambiguïté, négative. Autrement, les concepteurs de l’Etat moderne avec une séparation nette entre le législatif, le judiciaire et l’exécutif, auraient trouvé inutile de mener le combat. Et c’est en cela qu’il faut saluer à sa juste valeur l’attitude des magistrats marocains qui disent non à la corruption et au diktat de l’exécutif. Il faut espérer qu’ils ne soient pas comme des héros solitaires sur un continent où l’appareil judiciaire reste souvent la caisse de résonance du pouvoir exécutif.