Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Annonces    Femmes    Nécrologie    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article
Politique

Alpha Barry : «Au Sahel, le terrorisme gagne du terrain et la gangrène s’installe»

Publié le samedi 23 novembre 2019  |  NetAfrique.Net
G5
© Présidence par DR
G5 Sahel : le Burkina Faso appelle à une coalition internationale contre le terrorisme
Yokohama, 28 août 2019: Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Alpha Barry, a représenté ce matin à Yokohama au Japon, le président du Faso, président en exercice du G5 Sahel, à une réunion spéciale sur la paix et la stabilité dans la région du Sahel.
Comment


Le 6 novembre, un attentat contre un convoi minier a fait 40 morts dans l’est du Burkina Faso. Et le 18 novembre, 24 soldats ont été tués dans l’est du Mali lors de combats contre des djihadistes. Des attaques qui se succèdent et rappellent que la menace terroriste au Sahel peine à être endiguée malgré le déploiement dans la région de l’opération française « Barkhane », en 2014, et le lancement de la force conjointe du G5 Sahel, en 2017, qui regroupe les armées de cinq pays : la Mauritanie, le Mali, le Burkina, le Niger et le Tchad. Alors que le Burkina assure actuellement la présidence tournante du G5 Sahel, son ministre des affaires étrangères, Alpha Barry, confie ses inquiétudes au Monde Afrique.

Les attaques ne cessent de se multiplier, en particulier au Mali et au Burkina Faso, et les forces de défense semblent impuissantes à enrayer les violences. La situation est-elle hors de contrôle ?

Si la situation est plus dramatique qu’il y a six mois, on ne peut pas dire pour autant qu’elle est hors de contrôle. Certaines attaques ont été des coups sérieux, les armées des cinq pays du G5 Sahel ont compris que l’ambition des terroristes, qu’il s’agisse d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, de l’Etat islamique ou de groupes locaux comme Ansarul Islam et le Front de libération du Macina, était d’étendre leur zone d’influence. Pour le Burkina, c’est un conflit qui est nouveau, car nous n’avions pas connu jusqu’ici d’affrontements intérieurs. Le président Roch Marc Christian Kaboré a prévenu les Burkinabés que cela allait être une lutte de longue haleine pour en venir à bout.

On dit qu’un tiers du territoire burkinabé serait aux mains des terroristes…

Non, pas un tiers. L’armée sillonne le pays, parfois en collaboration avec la force « Barkhane », mais la population quitte les zones rurales, se replie vers les grands centres, à cause de la psychose créée par les terroristes, qui menacent, tuent. L’Etat fait la même chose et ça laisse des espaces totalement vides. Le territoire est sous contrôle, mais il y a des poches, par-ci par-là, où il n’y a pas de permanence de l’administration.

L’attaque du convoi des mineurs de Boungou a-t-elle eu un impact sur l’économie du Burkina Faso ?

Un travail de sécurisation des mines est en cours, l’impact n’est pas énorme : faire fonctionner une mine est assez lourd, donc on ne peut pas les fermer facilement. Le gouvernement apportera des réponses, mais cela se fera aussi avec l’effort des miniers eux-mêmes.

Les membres du Conseil de sécurité se sont félicités des dernières opérations du G5 Sahel, et vous-même avez décrit devant eux une « montée en puissance » de la force. Comment évaluez-vous la progression entre les huit opérations du début de l’année et les trois du dernier trimestre ?

Nous venons de mener plusieurs opérations combinées, soit en bilatéral, comme pour le Niger et le Mali, soit en multilatéral, entre le Burkina, le Niger, le Mali et la force « Barkhane ». On est dans une phase d’apprentissage, tout n’est pas idéal entre les Etats du G5 Sahel. Il est essentiel de maîtriser les bandes frontalières et de mieux coordonner les organisations de chacune des armées.

La France a récemment annoncé l’arrivée prochaine de soldats tchadiens dans la zone dite « des trois frontières », à la jonction du Mali, du Niger et du Burkina Faso. Qu’en pensez-vous, alors que les méthodes de l’armée tchadienne sont parfois expéditives ?

L’envoi de Tchadiens a été évoqué lors de la réunion ministérielle du G5 Sahel début novembre à Ouagadougou, c’est à l’étude. Cela ne poserait pas de problème, puisque le Tchad est membre du groupe. Les soldats tchadiens ont été applaudis au Mali car ils ont été très efficaces. Ils ont une réputation de grands guerriers, ils ont l’habitude de ce genre de lutte armée – contrairement à nous, au Burkina, où nous y faisons face pour la première fois.

Qu’est-ce que les pays du G5 Sahel ont envie de dire à la communauté internationale ?

En termes sécuritaires, la situation est encore plus dramatique qu’il y a six mois, mais aussi au niveau humanitaire, avec des centaines de milliers de déplacés dans nos différents pays. C’est un coup pour le développement ; le terrorisme gagne du terrain et la gangrène s’installe. Il y a urgence à agir plus vite, une urgence sécuritaire, c’est-à-dire qu’il faut être opérationnel tout de suite pour intervenir donc non seulement doter la force conjointe du G5 Sahel de moyens conséquents, mais aussi renforcer les capacités des armées nationales pour qu’elles puissent soutenir les différentes forces de coalition sur le terrain.

Vous réclamez plus de moyens, mais où en est-on des fonds débloqués depuis la constitution de la force en février 2018 ?

Le G5 Sahel a reçu 10 millions de dollars des Emirats arabes unis et, surtout, les pays de la Cédéao [Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest] ont pris leurs responsabilités et ont décidé de consacrer 1 milliard de dollars à la lutte antiterroriste. Les fonds pourraient être alloués avant la fin de l’année. Du côté de la communauté internationale, la Minusma [la mission de l’ONU au Mali] est dotée de 1 milliard de dollars ; le G5 Sahel aurait pu être plus efficace s’il avait eu la moitié des moyens de la Minusma.

En février 2018, 414 millions de dollars ont été promis par Bruxelles pour monter et faire fonctionner la force conjointe la première année. Mais cet argent n’est jamais arrivé dans les caisses du G5 Sahel. A la place, un « arrangement technique » a été mis en place avec l’Union européenne pour doter la force conjointe en équipement. Elle fournit les gilets pare-balles, un soutien logistique et le ravitaillement, comme le carburant ou les rations alimentaires des soldats en opérations. Ensuite, vous avez également du matériel lourd, qui commence seulement à arriver.

La force conjointe sera peut-être opérationnelle d’ici quelques mois, mais pour le moment ce n’est pas le cas. Tant que pas grand-chose n’est fait en termes de dotation, ce sera un échec. Et cela permettra aux terroristes de gagner du temps et du terrain.
Carrie Nooten (New York, Nations unies, correspondante)

Le Monde
Commentaires