Au moment où le débat de chiffonniers faisait rage, qu’ils devenaient de plus en plus nombreux à prendre la plume pour se montrer en détenteurs de la science infuse sur la mise en place ou non de la deuxième Chambre, le Président du Faso a su, lui, se mettre au dessus de la mêlée. En invitant le Comité de suivi et d’évaluation (CSE) a revisiter l’opération de ladite chambre dans le sens de privilégier plus fortement le consensus, il prouve une fois encore son attachement aux questions d’intérêts général.
La médiation, c’est également instruire une structure non partisane pour intercéder entre les tenants du débat partisan. Le Président du Faso a été d’autant plus inspiré que ce débat censé être républicain, prenait une allure excessivement manichéenne. Comme toujours, il y avait les bons défenseurs des intérêts du peuple et les mauvais, ayant en aversion tout ce qui s’apparente aux « gens d’en bas ».
Par la commission du Comité de suivi et d’évaluation de la mise en œuvre des réformes politiques consensuelles, le président Blaise Compaoré élargissait à tous le champ du consensus. De l’opposition pure et dure, serait-on tenté de la qualifier, aux intellos, retranchés derrière leur ligne Maginot du Sénat budgétivore, tout le monde a été pris en compte dans le rapport d’étape circonstancié livré au chef de l’Etat vendredi dernier au Palais de Kosyam.
Avant la boulimie du Sénat
Il semble que ce qui fâche au Burkina, ce sont les questions de gros sous ! Pardon d’argent. Il n’y a pas à dire, élargir « la race des profiteurs de la république », ça ne plait pas trop, sinon que ça ne plait pas du tout.
Le Comité de suivi et d’évacuation sur cet immense et gigantissime point querellé, a eu le nez creux. En optant de réduire le nombre de sénateurs de 89 (déjà loin des 127 députés) à 71, c’est autant de salaires glanés par les caisses du sieur Moumounou Gnakambary.
La revue à la baisse de la population des sénateurs impliquera aussi celle à la réduction du personnel d’appui, la réduction du budget de dotation en moyens logistiques et des biens meubles et immeubles. De quoi donc satisfaire tous ceux qui criaient haro sur une institution budgétivore, quand bien même, on nageait tous dans la spéculation gratuite.
En plaidant aussi en faveur d’une étude sur le budget du parlement, étude qui a pour finalité d’y opérer des coupes claires, on peut subodorer que nos fameux sénateurs ne rouleront pas carrosse et certainement pas sur l’or ; d’autant qu’ils en ait même, des Burkinabè à proposer un mandat « cado ». Pour ceux qui n’ont pas bien saisi, que nos sénateurs fassent du bénévolat.
La démocratie consensuelle a donc du bon, si tant est qu’on puisse prendre en compte toutes les opinions émises, des plus réfléchies aux plus saugrenues. En tout cas, avec la littérature abondante ayant envahi les journaux « populaires », le comité a le mérite d’avoir entendu le gros du lot, des libres penseurs aux penseurs libres.
Le célébrissime article 37
Le comité de suivi et d’évaluation a fait fort. Il a ainsi tenu à « rappeler à l’opinion publique que le maintien en l’état ou la modification de l’article 37 de la constitution a fait l’objet au cours du CCRP et des Assises nationales, des débats qui n’ont donné lieu à aucun consensus. Par conséquent, la mise en place du Sénat n’a pas pour but de modifier cette disposition constitutionnelle ».
C’est vrai que lorsque l’opposition tient un sujet porteur, elle n’est pas disposée à la lâcher. Mais de lier avec autant d’acharnement son sort et son avenir à un article, c’est avouer sa défiance vis-à-vis du peuple. C’est surtout nier sa capacité au discernement et à opérer un autre choix.
Toutes choses paradoxales, quand il est chanté à longueur de journées, la complainte des tares du régime actuel, de son impopularité et du fait qu’il n’a qu’une majorité fictive. La défaite est donc programmée en 2015, surtout avec Blaise Compaoré devant.
Qu’à cela ne tienne, peut-être qu’elle ne croit pas cette opposition à ses affirmations multipliées sur la proximité du changement. Sinon cet argument de Sénat, cheval de troie pour la modification de l’article 37 est un peu tiré par les cheveux.
Voilà, une idée du bicaméralisme remontant à 2009 comme vient de le rappeler si gentiment maître Bénéwendé Sankara. Puis, inscrite noir sur blanc dans le programme politique de 2010 qui a permis au Président du Faso de bénéficier très majoritairement de la confiance de ses concitoyens.
C’est donc au moins deux ans avant la tenue des élections couplées de 2012. Il eut, de ce fait, fallu à Blaise Compaoré, un don de voyance aigu pour deviner que la première chambre ne lui rapporterait que 70 élus, soit un nombre non qualifié pour réaliser son agenda caché (sic).
Ce qui est sûr, les « sages » du comité de suivi et d’évaluation ont livré un message essentiel que le Sénat n’est pas une trouvaille nourrissant un dessein inavoué. Mais, ils n’empêcheront pas ceux qui ont des talents d’imagination, même pour un son de continuer à courir les rédactions. Ça peut toujours aider pour la quête du consensus.