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Procès pour les réparations civiles du putsch manqué

Publié le mercredi 23 octobre 2019  |  Le Pays
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© AFP par AHMED OUOBA
Le général Gilbert Diendéré au premier plan (g) à côté de l`ancien ministre des Affaires étrangères Djibrill Bassolé. Ils sont les principaux accusés dans le procès du putsch manqué de septembre 2015.
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Sitôt ouverte, sitôt reportée. Il s’agit de l’audience sur les intérêts civils, du procès du coup d’Etat manqué de septembre 2015 qui, après 18 longs mois de débats, avait abouti à des condamnations plus ou moins lourdes pour certains accusés et à la relaxe pure et simple pour d’autres. Seuls ceux qui avaient écopé de condamnations même avec sursis, étaient donc de retour dans le box des accusés pour écouter les prétentions en termes de réparations des dommages et intérêts de plus de 300 victimes qui se sont constituées en parties civiles. En attendant de voir l’issue de ce procès tout aussi important que le jugement du dossier, l’on peut déjà se féliciter que la logique qui a prévalu depuis le début de cette affaire de putsch manqué et qui est celle de laisser la Justice faire son travail jusqu’au bout, continue de prévaloir. Ce n’est pas rien dans un pays où jusque-là, les affaires de coups d’Etat se réglaient de façon expéditive et le plus souvent par les armes.

C’est un bond qualitatif que le Burkina a fait en matière d’Etat de droit

Certains des pensionnaires aujourd’hui de la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA) sont bien placés pour témoigner de cette ère que l’on espère définitivement révolue où certains de leurs camarades ont été envoyés ad patres après des aveux obtenus au forceps. Et même après ces exécutions sommaires, les familles des victimes ont dû se résigner à de longues traversées du désert, payant pour des fautes qu’elles n’avaient pas commises. C’est donc un bond qualitatif que le Burkina a fait en matière d’Etat de droit. Il appartiendra aux condamnés, s’ils ne sont pas en phase avec les décisions qui sortiront de cette nouvelle phase dans le traitement judiciaire du dossier, de recourir aux voies légales pour faire prévaloir leurs droits. Par ailleurs, l’on peut aussi se féliciter de cette nouvelle étape dans le dossier judiciaire du putsch manqué de septembre 2015, qui fait souffler un vent d’espoir pour les victimes dont certaines traînent encore des balles dans le corps. Au-delà du pansement des blessures morales fait par les condamnations pénales des auteurs du coup d’Etat et de leurs soutiens, c’est donc l’heure, pour les victimes ou leurs ayants droit, d’exprimer leurs attentes en termes financiers et matériels en réparation des préjudices subis lors des manifestations en vue de faire échec au coup de force du général Gilbert Diendéré. Dans un contexte socioéconomique des plus difficiles où bien des familles se sentaient abandonnées à leur sort après avoir payé le prix fort de la résistance au coup d’Etat, cette étape est bien plus que cruciale. Même si la bataille est loin d’être gagnée, l’on peut dire que l’espoir fait vivre. Cela dit, les familles des victimes doivent toutefois savoir raison garder pour ne pas vendanger leur dignité en donnant l’air de monnayer la vie ou les souffrances de leurs enfants qui se sont sacrifiés pour une cause noble ou de disputer comme des charognards les corps de ceux qui sont tombés sur le champ de bataille. Au-delà des victimes directes des évènements malheureux de septembre 2015, l’audience sur les intérêts civils du coup d’Etat manqué, marque le début d’une catharsis sociale pour tout le pays, en franchissant une étape importante dans le processus de réconciliation nationale que d’aucuns n’envisageaient autrement que dans le triptyque « Vérité-Justice-Réconciliation ».


Il faut craindre que l’Etat ne se retrouve à endosser toutes les responsabilités financières de ce coup de force

Cela dit, cette nouvelle phase dans le traitement judiciaire qui tient en haleine les Burkinabè, suscite bien des interrogations. Ceux qui sont reconnus coupables des faits du coup d’Etat et de leurs conséquences, ont-ils la surface financière nécessaire pour répondre aux attentes financières et matérielles des victimes ou de leurs ayants droit ? Si la réponse semble aisée pour ceux qui ont occupé des postes juteux dans l’Administration Compaoré, elle n’est pas évidente pour les soldats du rang condamnés dans cette affaire. Et même dans le cas des nantis, l’Etat a-t-il les moyens d’opérer des saisies sur leurs comptes ou de leurs biens à hauteur des réparations demandées dans un contexte où l’on sait que les mis en cause ont parfois eu le temps de mettre en lieux sûrs leurs avoirs ? Il faut donc craindre que l’Etat ne se retrouve à endosser toutes les responsabilités financières de ce coup de force alors qu’il est en lui-même l’une des principales victimes et que les familles lésées ne se retrouvent jetées dans les arcanes de l’Administration pour ne récolter finalement que de modiques sommes. L’autre crainte, et pas des moindres, c’est de voir aussi, cette dernière phase du procès renforcer les dissensions au sein de la société burkinabè. Il n’est pas exclu, en effet, que les sympathisants des condamnés qui crient à la « cabale politique », voient dans les condamnations civiles qui sortiront de l’audience, la liquidation économique et la clochardisation de leurs leaders. En attendant de voir quelles réponses les autorités judiciaires apporteront à ces questions, l’on ne peut qu’émettre le vœu de voir les choses aller vite pour non seulement soulager au plus vite les souffrances des victimes, mais aussi pour amoindrir pour le contribuable, les coûts de ce procès.
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