«Refus de reconnaître et de mettre en œuvre les orientations du président d’honneur …», «actions de blocage du fonctionnement et tentative de liquidation du parti … », «acte d’insubordination», «sorties médiatiques portant atteinte à l’image du fondateur et du parti», «démission exigée du président du parti en violation des cadres d’expression statutaires». La liste des récriminations contre certains camarades du parti est longue. Après plusieurs mois de ping-pong et de joutes verbales par médias interposés, la direction du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), avec en tête Eddie Komboïgo, a décidé de siffler la fin de la récréation. Le dimanche 22 septembre 2019, le parti, déchiré par une crise interne d’une ampleur inédite, organise un congrès extraordinaire autour de la «relecture des textes fondamentaux du parti».
Au terme des travaux, la sentence est tombée : 17 frondeurs sont exclus et 10 autres suspendus. Alors que l’on pensait la partie terminée, le dernier acteur et pas des moindres, descend dans l’arène CDP. Le fondateur et président d’honneur du parti de l’épi et de la daba, Blaise Compaoré, à travers deux correspondances brèves mais suffisamment autoritaires, demande le «rapportage » des sanctions, le retour à la maison des exclus, l’arrêt et le retrait immédiats des plaintes en justice, une gouvernance basée sur le dialogue, la cohésion, l’unité et le rassemblement et enfin, une gestion interne des querelles intestines.
«La direction politique nationale du CDP ne se sent ni diminuée, ni augmentée, ni agressée, ni remise en cause … Nous nous sentons plutôt revigorés, réconfortés dans notre souhait de voir notre parti unique et indivisible», confiait en réponse le 1er vice-président du parti, Achille Tapsoba. Les premiers responsables du CDP ont beau dire que cette intervention du président Compaoré n’est pas un camouflet pour eux, il faut reconnaître qu’ils n’en sont pas loin. En effet, en acceptant d’organiser un congrès extraordinaire pour rapporter ces sanctions, Eddie Komboïgo et sa suite apportent de l’eau au moulin de ceux qui pensent qu’ils ne sont pas les vrais capitaines du navire CDP et qu’ils ont du reste perdu cette bataille contre les frondeurs.
L’autre équation aux multiples inconnues pour la direction du parti reste désormais l’ambiance qui va régner dans les rangs, mais aussi et surtout l’épineuse question du financement des activités de l’ex-parti au pouvoir à l’orée de l’élection présidentielle de 2020. Concernant l’ambiance, on est en droit de se demander si, une fois intégrés, les frondeurs reconnaîtront l’autorité du président Komboïgo. Comment pourra-t-il les regarder en face ? Au regard de la profondeur de la fracture qui a conduit à leur exclusion/suspension, comment le président du CDP va-t-il les amener à travailler dans le dialogue, la cohésion, l’unité et le rassemblement tels que l’a souhaité Blaise Compaoré ? Le choix du prochain candidat du parti à la présidentielle de 2020 ne sera-t-il pas un nouveau sujet de discorde, voire de déchirure du parti ? Quant à la question du financement du parti, il est difficile d’imaginer que l’actuel président va continuer à mettre la main à la poche pour «relever» un parti qu’il a trouvé pratiquement «à terre» à sa sortie de prison. Le CDP dispose-t-il suffisamment de ressources pour financer ses activités électorales ou sera-t-il obligé de se tourner vers son président d’honneur à cet effet ? Cette hypothèse demeure la plus plausible, surtout si la candidature de Eddie Komboïgo pour la présidentielle ne passe pas dans le parti.
En un mot comme en mille, l’intervention du président d’honneur du CDP crée bien plus de problèmes à la direction du parti, qu’elle ne lui en donne de solutions pour la résolution de la crise. Une crise si profonde ! L’«immixtion » de Blaise Compaoré va certes, calmer les ardeurs, mais les protagonistes continueront de se regarder en chiens de faïence. Un véritable imbroglio politique, avec en toile de fond, la désignation du candidat du parti à la présidentielle. Wait and see !