Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Parti démocratique de Côte d’Ivoire - PDCI - est en panne. Miné par les querelles intestines, il est plus que jamais en proie à l'une des plus graves crises de son histoire : en effet, depuis quelque temps, les remous liés au renouvellement des instances du parti au sein du PDCI défraient la chronique sur les bords de la lagune Ebrié. Les sorties, quelquefois véhémentes, de certains acteurs du parti à l'encontre du directoire actuel ne laissent subsister aucun doute sur l’acuité des problèmes et le malaise profond au sein de la plus ancienne des formations politiques au pays d’Houphouët, laquelle date du milieu des années 40.
Véritablement quand on connaît tout le poids politique et historique de ce parti sur l'échiquier ivoirien, une telle situation suscite des interrogations, voire des inquiétudes au regard des enjeux en présence.
De prime abord, il se dégage un sentiment de gêne de voir une telle formation, restée au pouvoir pendant trois décennies, en train d'instaurer une sorte de culte de la personnalité d’Henri Konan Bédié.
Tout se passe comme si l’enfant de Daoukro était irremplaçable alors qu'il y a des jeunes et quelques anciens pétris d’expériences en la chose politique qui ont encore le jarret ferme. Autant de personnalités à même de lui succéder valablement à la tête du parti. A 79 ans, ce dinosaure de la scène politique ivoirienne né en pays Baoulé, qui a fait des études à l'Ecole normale de Dabou, puis à l'université de Poitiers et qui a été nommé ensuite ambassadeur aux Etats-Unis seulement à l’âge de 27 ans (1961-1966), ministre des Finances (1966-1977) et enfin président de l'Assemblée nationale (1980-1993), poste qui lui a valu d'assurer l'intérim jusqu'en 1995 à la mort de Félix Houphouët-Boigny, méritait, compte tenu de son pedigree, un repos bien mérité.
L’homme, que l’on dit être le père du concept d'ivoirité, selon lequel une personne serait ivoirienne seulement si ses quatre grands-parents sont nés en Côte d'Ivoire, ce qui a permis en son temps d’écarter de manière grotesque un des opposants les plus crédibles de la présidentielle, en l’occurrence Alassane Ouattara, est en train de revoir sa copie et refuse obstinément de rendre les armes.
En d'autres circonstances, ce fossile politique aurait dû se mettre à l'écart et montrer la voie à suivre, au lieu de vouloir se cramponner à ces quatre lettres (PDCI) et de tout ramener à sa propre personne au risque d'engendrer des divisions, d'affaiblir le parti et, pire, de l’annihiler sur l’échiquier politique ivoirien
On se demande bien pourquoi Aimé Henri Bédié continue, en dépit des appels répétés de ses jeunes frères et de ceux qui pourraient avoir l’âge de ses propres enfants (tel le député Kouadio Bertin) à passer la main, à faire de la résistance. Un parjure.
En effet, c’est comme si c’était hier. On se souvient encore qu’à la mort du président Félix Houphouët-Boigny, les textes du PDCI ne comportaient pas, dans les conditions d’éligibilité du président du PDCI, la clause d’âge. Celle-ci a été introduite par le président Bédié lui-même, incluant dans les statuts du PDCI l’article 35 de la Constitution de la Côte d’Ivoire et fixant, en ce qui concerne l’âge, un minimum de 40 ans et un maximum de 75 ans. Le président Bédié est âgé aujourd’hui de 79 ans, donc frappé par limite d'âge, car selon les dispositions des statuts de ce parti, le président Bédié ne peut plus être candidat. Et pourtant, contre vents et marées, il s’y agrippe tel un naufragé.
On le sait déjà, le successeur du président Houphouët-Boigny ne veut pas d'un candidat PDCI contre Alassane Ouattara (son autre Jésus-Christ à lui), qui s’est déjà déclaré partant pour sa propre succession. Pour avoir été récompensé en retour de son soutien à ADO lors de la présidentielle de 2010 par la construction d'un pont qui porte son nom, le sphinx de Daoukro est prêt à rebelloter, avec armes et militants, le deal en 2015. Un projet que rejettent bien d'hommes et de femmes du sérail. Est-ce bien pour assurer à Ouattara un second mandat que le quasi-octogénaire se bat contre les logiques politique et biologique pour rester au gouvernail ? Sans nul doute.
C'est qu'en cas de candidature PDCI à la prochaine présidentielle, le second tour pourrait se jouer entre cet ancien parti au pouvoir et le RDR. Et dans ce cas, ADO devrait se faire du mouron. On se demande bien si Bédié, en dépit de ses foucades, n’est pas devenu, entre-temps, le vrai leader de cette ex-croissance du PDCI qu’est le Rassemblement des républicains ! Ne voulant nullement être candidat, il tente de fermer la voie de la présidentielle du PDCI à tous ceux qui veulent y postuler. Mais a-t-il encore pour longtemps les moyens de barrer la route à Alphonse Djédjé Madi, Kouadio Konan Bertin (KKB), etc.?
Difficile, car le congrès du 03 au 05 octobre 2013 du PDCI, c’est déjà demain, et le temps n’est pas son meilleur allié.