«Yeppéta yé brriii zek sék yéti brigata bri koum kou so ké yo yo tooo wanda kobina hééééé» ! Incompréhensible, n’est-ce pas ? Mais si on complète ce charabia par «Appelez-moi le Daishikan, le président des Chinois», c’est certain que parmi les nombreux «Chinois» qui lisent ce papier, le nom DJ Arafat va surgir et scintiller. Ainsi, était celui qui a porté le coupé-décalé au firmament. On ne comprenait pas grand-chose aux paroles de sa musique, mais il s’est imposé comme un phénomène international, incontournable. La preuve ? Il a réussi à faire en sorte que ceux qui l’aiment et ceux qui ne l’adorent pas, parlent de lui.
Et ce 30 août 2019, le monde parlera de Ange Houon Didier alias DJ Arafat. La Côte d’Ivoire tout entière est en branle. En transe pratiquement. L’Etat ivoirien n’a pas lésiné sur les moyens Alassane Ouattara, le chef de l’Etat a raqué 150 millions pour ces obsèques. Les membres du comité d’organisation ont aussi cotisé 300 000 F / chacun. Il n’est pas jusqu’à l’Ivoirien Tartempion qui n’ait apporté son écot à ses funérailles nationales qui ont pris les allures d’une affaire d’Etat. Oui, les obsèques du chef de la Yoro Gang touchent l’Etat ivoirien, car le phénomène du roi du «Coupé-décalé» est d’envergure nationale et internationale. Bien sûr affleure également la récupération politique. On est à 14 mois des élections et les «chinois» sont nombreux. Un potentiel électorat à caresser dans le sens du poil. Beaucoup de sous pour des funérailles.
Mais a-t-on pensé aux ayants-droits de DJ Arafat ? A-t-on fait des comptes bloqués par exemple pour ses enfants ? Car c’est bien tout ce tapage, mais, ses héritiers doivent continuer à vivre ! Les amis, les proches de l’artiste ont mis la main à la poche. Ce 30 août 2019, les banques seront fermées au Plateau d’où jaillit l’immense Stade Félix Houphouët-Boigny et où le nom de l’artiste retentira mille milliards de fois en sonorités, en paroles et actes jusqu’au lendemain.
Les médecins sont mobilisés, tout autant que les forces de sécurité car toute la Côte d’Ivoire et l’Afrique seront à Abidjan. Quand toute la «Chine» se déplace à un seul endroit, il est évident que les notions d’espace, d’affluence et de mobilisation seront conjuguées à un autre registre. Sur des écrans géants à travers tout le pays, les funérailles seront en mondovision.
Les hommages continueront jusqu’au samedi 31 août, date à laquelle la levée du corps du célèbre génie du Coupé-décalé aura lieu, toujours au stade, en direction du cimetière de Williamsville où il retrouvera sa dernière demeure dans un caveau qui a coûté la bagatelle de 26 millions de F CFA. Il semble que la mort de DJ Arafat a fait dire à certains Ivoiriens «que cela leur donne envie de mourir». Car demain 31 août 2019, lorsque le corps sera déposé enfin dans le caveau, les nombreux «Chinois» du Daishikan toujours incrédules devront se résoudre à l’implacable réalité.
Car, qu’est-ce qui n’est pas dit et entendu depuis ce fatidique 12 août 2019. Il y a cette atmosphère d’incrédulité qui plane sur les toits de la Côte d’Ivoire et qui nourrit l’idée que le maître du buzz est en train de fomenter le coup de théâtre le plus osé de sa vie. Pour eux, non, il n’est pas mort. Il a survécu à de graves accidents. Sa passion, son péché mignon, la moto, lui a joué de sales tours dans le passé. Mais, il s’en était tiré vivant. Avec toujours au coin des lèvres, ce sourire qui semble tout défier.
Et 30 août 2019, les «Chinois» y croient, il arrivera tel un super héros, dans les paillettes du Stade Félix Houphouët-Boigny, devant des millions de paires d’yeux, pour lancer cette phrase qui les libèrera : «vous avez pris drap non ?». Ce serait effectivement un coup de maître ! Malheureusement, les chances de réalisation d’un tel scénario sont minces, pour ne pas dire inexistantes.
A côté de ces croyances et de ces espoirs somme toute normale pour des fans indéfectibles, il y a la catégorie moins ragoutante des «mangeurs de mort». Il s’agit de tout ce conglomérat de personnes qui utilisent la mort de celui qui se faisait appeler «le Yorobo» pour en tirer un quelconque dividende.
On se souviendra de ces supers connaisseurs en mysticisme qui ont fait étalage de leur talent pour découvrir les pactes conclus entre le diable et le défunt, tentant d’expliquer par des raisonnements laborieux les raisons de la disparition de l’artiste à 33 ans, là où peut-être il ne faut voir que la conjugaison d’une malheureuse série de coïncidences.
Ou encore cet «homme de Dieu» en mal de publicité qui a ouvertement et si maladroitement fait étalage de son vœu d’être connu en affirmant être capable de ramener du monde des morts, le chef de la «Yorogang». Sa seule condition, que la famille du défunt lui accorde un temps de «tête-à-tête» avec le corps. Il a ainsi endossé l’étriqué costard de celui, qui, se sentant faible face à un adversaire, demande cependant à son entourage de le retenir avant qu’il ne fasse un malheur à son vis-à-vis.
Il y a ainsi toute une série de tentatives indécentes aux relents de nécrophagie qui ont jalonné ces deux semaines qui ont suivi le décès brutal du fondateur de «Kpangor». Mais ainsi va le monde. Et toutes ces anecdotes font partie de la désormais légende galactique Arafat DJ.