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Adama Ouédraogo dit Damiss: « Damiss a reçu un million du général Bassolé, donc il est impliqué … Pourtant, l’ex-DG de la Police Lazare Tarpaga a reçu un million et du carburant… »

Publié le jeudi 8 aout 2019  |  NetAfrique.net
Le
© FasoZine par DR
Le journaliste Adama Ouédraogo Damiss
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Ceci est un extrait du mot de fin du journaliste Ouédraogo Adama Damiss lors de sa comparution, après la plaidoirie de ses avocats dans le cadre du procès du putsch manque de 2015.

Monsieur le président,

Monsieur le conseiller,

Messieurs les juges assesseurs militaires,

Je suis innocent. Votre juridiction a pu le constater aisément. La partie poursuivante (parquet militaire comme la partie civile) n’a apporté aucune preuve de tous les éléments de l’infraction c’est-à-dire l’élément légal, l’élément matériel et l’élément moral ou intentionnel.

Aucune condition d’une quelconque infraction n’est constituée à mon égard.

Si vous me condamnez, vous m’avez jugé mais vous n’avez pas rendu justice.

Le fait d’être à Naba Koom est suffisant pour le parquet et la partie civile de faire des interprétations et de tirer des conclusions. Mais le procès pénal, n’est pas un procès de déduction mais un procès de faits matériels.

On dit que si Damiss a pris tout ce risque pour aller au camp Naba Koom alors qu’il n’a pas fait un seul article de presse, c’est qu’il est coupable. Est-ce que la prise de risque est une infraction pénale ? Un journaliste qui ne prend pas de risque est un mauvais journaliste. Les femmes meurent en donnant la vie, l’accouchement est un risque mais cela empêche-t-il les hommes d’enceinter leurs femmes ?

Quel accusé ou quel témoin soutient m’avoir vu en train d’écrire ou de corriger un quelconque document ? Ai-je écris dans la presse, sur facebook pour soutenir le coup d’Etat ? Ai-je contacté un confrère journaliste pour soutenir le putsch? Personne ne me met en cause en soutenant que j’ai posé un acte de soutien ou de participation. Le droit pénal est très simple : ou il y a infraction ou il n’y a pas infraction. On ne peut pas détruire ma vie sur la base de supposition, d’interprétation, de déduction.

A ce propos, je voudrais vous raconter une petite histoire. Une femme avait un chien (appelons le Milou) tellement bien dressé qu’elle lui confiait la garde de son enfant pour aller effectuer des courses. Un jour, de retour du marché, elle constate que tout son salon était inondé de sang. Voyant également le sang sur la gueule de Milou , elle conclut tout de suite qu’il avait dévoré son enfant. Elle se saisit d’une barre de fer et abat Milou. Elle pénètre ensuite dans la maison en pleurs et voit son enfant en train de s’amuser avec ses jouets et un gros serpent sans vie à côté. En réalité, Milou avait lutté contre le serpent pour sauver la vie de l’enfant. Voilà ce que les fameux indices, les impressions et les interprétations peuvent donner comme résultat. C’est ce que le parquet a fait. Damiss était à tel endroit, donc il est coupable. Damiss a reçu un million du général Bassolé, donc il est impliqué alors que cet argent n’a aucun lien avec les événements. Pourtant, l’ex-DG de la Police Lazare Tarpaga a reçu un million et du carburant avec le RSP pendant le coup d’Etat et dans le cadre du coup d’Etat mais il est tranquillement assis chez lui. Damiss était chez le général Diendére quelques jours avant les événements, donc c’est une preuve de complicité. Je tiens à dire qu’à la même période c’est-à-dire la première semaine du mois de septembre j’ai été reçu par des personnalités civiles comme le président Roch Marc Christian Kaboré et Etienne Traoré et des personnalités militaires (les colonels Auguste Denise Barry, Bachirou Farta et le général Traoré dans le cadre de la finalisation de mon livre. Je tiens également à préciser que je n’ai jamais rédigé un quelconque document avant les événements pour le général Diendéré, je lui ai apporté des journaux sur l’actualité nationale (parce que, m’a-t-il dit, il n’avait pas pu lire la presse ces derniers temps), ce qu’il en fait, je n’en sais rien. Il a également lu et corrigé une partie de mon livre.

Je voudrais attirer l’attention du tribunal, que ce sont les fausses accusations d’un prévenu qui ont concouru à l’inculpation du colonel Yacouba Ouédraogo dit Yac. Lorsque ce dernier s’est retracté, le colonel Yac a été relaxé.

Le général Diendéré a précisé ses déclarations et m’a disculpé, malgré tout, on m’a maintenu dans le dossier.

Monsieur le président,

Monsieur le conseiller,

Messieurs les juges assesseurs militaires,

A l’évidence, le parquet s’est construit le scénario de cette tentative de putsch qu’il s’est efforcé de consolider en occultant radicalement les débats contradictoires qui ont fait l’armature du procès au cours de ces longs mois d’audiences. Hors, il est d’évidence que la vérité a vocation à éclore du débat contradictoire. En faisant table rase du contradictoire, le parquet opte pour l’éviction de la vérité et fait sa propre religion en prêtant des actes à des accusés sans une analyse critique rigoureuse des faits. C’est ainsi que la simple présence en un lieu est assimilée à la production d’actes délictuels complètement imaginés.

En réalité, le parquet ne juge pas des faits mais intuitu personae. Ces personnes ne sont pas jugées par rapport à la nature, à la caractérisation et à la qualification de la charge des actes par eux posés, mais pour la représentation qu’on a d’eux. Plus trivialement dit, pour l’opinion qu’on se fait d’eux. L’examen de l’énoncé des réquisitions ne laisse percevoir aucun rapprochement à une échelle de gravité pouvant soutenir l’objectivation de leur différenciation. On part du principe que tel accusé est arrogant, indiscipliné, il faut lui infliger une correction. Tel autre a été plus soumis, il s’est laissé cuisiner, humilié, il faut alléger sa peine! C’est dans ce sens que le parquet a requis 10 ans ferme contre moi. Une réquisition qui traduit l’état d’esprit des membres du parquet qui voulaient que je sois un accusé cuisinable et humiliable à merci. A défaut d’obtenir ma soumission, le procureur a décidé de faire des réquisitions sévères indexées sur la courbe de ses sentiments envers l’accusé que je suis. Ces réquisitions consacrent la défaite de la raison et la victoire ou le triomphe des passions tristes et des ressentiments.

Je ne pense pas avoir eu des mots déplacés envers les parties. Toutefois si le parquet et les avocats des victimes estiment que j’ai eu des propos durs envers eux, je leur présente mes sincères excuses car il y a une vie après ce procès. Mais je tiens à dire que chacun a sa personnalité et son tempérament. Culturellement, je suis d’une région où on ne sait pas enrober la parole, chez nous, un chat est un chat, un général est un général.

La masculinité d’un homme ne se mesure pas seulement sous le pagne d’une femme. Un homme doit avoir le courage de ses opinions. Mon attitude à la barre doit être comprise dans ce sens et je demande au tribunal de juger les faits pour lesquels il est saisi par l’arrêt de renvoi et non ma supposée attitude. Comme l’a dit Charles Blé Goudé aux juges à la CPI : « jugez-moi pour ce que j’ai fait et non pour ce que je suis »

Monsieur le président,

Monsieur le conseiller,

Messieurs les juges assesseurs militaires,

Le célèbre avocat Me Réné Floriot, dans son livre, L’erreur judiciaire écrivait ceci : L’homme le plus honnête, le plus respecté, peut-être victime de la justice.

Quel meilleur exemple que celui du capitaine Dreyfus. Cet officier admirablement noté, jouissant de la confiance de ses chefs, menait une vie exemplaire entre sa femme et ses deux enfants…Il n’avait jamais pensé qu’il pourrait un jour comparaître devant une juridiction répressive. Son innocence n’est plus discutée par personne. Il fut cependant condamné au bagne et déshonoré. La chronique judiciaire est remplie de nombreux cas de victimes d’épouvantables erreurs judiciaires. Un renseignement inexact, un document apocryphe, un témoignage mensonger, une expertise aux conclusions erronées peuvent concourir à la condamnation d’un innocent ».

C’est pourquoi Monsieur le président, j’en appelle à votre vigilance et à votre bon sens pour ne pas tomber dans l’erreur judiciaire en condamnant des innocents. Je n’ai aucune leçon à donner à des magistrats de haut vol et a des officiers aux qualités exceptionnelles qui composent votre tribunal mais je pense que le devoir des juges que vous êtes est de répondre avec certitude à des questions cardinales en ce qui me concerne. Je voudrais donc soumettre à votre conscience les questions suivantes :

-Croyez-vous sérieusement qu’un civil de mon âge, de ma fonction, sans la moindre compétence militaire puisse inciter ou s’associer à des militaires bardés de galons, ayant fait les écoles de guerre et d’Etat Major à faire un coup d’Etat ?

Est-ce qu’un général comme Gilbert Diendéré avec qui je n’ai aucune relation de collaboration va partager un présumé projet de coup d’Etat avec un civil de surcroit un journaliste qu’il ne connait que de nom ? Même la simple information sur l’exfiltration du président Blaise Compaoré que je voulais pour mon livre, le général Diendéré m’a fait tourner, il a fallu que je fasse toute une plaidoirie pour qu’il accepte me donner des bribes d’informations. Si pour des choses banales, il n’a pas coopéré avec moi, ce n’est pas pour un projet de putsch qu’il va m’associer.

Du reste, quelle est la plus value qu’un journaliste comme moi peut apporter à un projet de coup d’Etat ? Quel pouvoir ai-je pour influencer un général ?

-Croyez-vous que le Général Diendéré , le sécurocrate chevronné, connu pour son art de la méfiance et de la vigilance, connu pour sa très forte et stable personnalité, puisse recourir à un civil inculte militaire pour préparer un coup de force militaire ?

-.Ai-je inventé ou fabriqué les contradictions internes qui ont miné le RSP relativement à la prise de pouvoir de l’un de ses chefs ?

L’évidence est que je ne représentais aucune valeur ajoutée ni avant, ni pendant, ni après ce coup de force qui me met au pilori depuis quatre ans.

J’ai rarement vu un tel degré de défiance! CETTE VÉRITÉ SE VOIT. Elle est comme le nez sur le visage.

Je n’ai participé en rien dans cette histoire, ni avant, ni pendant, ni après. Je n’ai posé aucun acte ni dans la conception, ( si conception il y a eu ), ni dans la préparation (si préparation il y a eu ) et dans l’exécution de ce qu’on qualifie d’attentat à la sûreté de l’Etat.

Par exemple, le 16 septembre 2015, j’ai téléphoné à l’adjudant Ardjouma Kambou, mon co-accusé pour savoir ce qui se passe à la présidence. Lui aussi n’était au courant de rien. Si je savais ce qui se tramait quel intérêt à appeler téléphoniquement Ardjouma Kambou ? Mais cet élément qui me décharge ne plait pas au parquet qui feint de ne pas entendre cette information qui confirme que je n’étais informé de rien.

Monsieur le président,

Monsieur le conseiller,

Messieurs les juges assesseurs militaires,

Ce n’est pas la première fois qu’à ma qualité de journaliste je suis allé sur des terrains chauds. Des gens honnêtes le savent et le reconnaissent : mutinerie de 2006, de 2011, insurrection de 2014, attaques terroristes au café Istambul (j’étais le premier journaliste sur place avec Hyacinthe Sanou de Oméga FM).

Je l’ai largement évoqué au cours des débats.

J’ai une espérance. Mon espérance est que la probité professionnelle du tribunal éconduise radicalement les simplismes délirants qui occultent les causes réelles de ce coup de force et élisent des coupables. Ceux qui ont comploté contre le général Honoré Nabéré Traoré, chef d’état-major général des forces armées jusqu’au 31 octobre 2014, ont une grande part de responsabilités dans tout le drame que nous vivons aujourd’hui. Si le pouvoir était resté entre les mains du général Traoré, la Transition ne connaîtrait pas tous ces troubles et dérives qui ont conduit aux tragiques événements du 16 septembre et jours suivants.
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