Jean Dégli, avocat du général Diendéré, a poursuivi ce 6 août sa plaidoirie devant le tribunal militaire de Ouagadougou. Se prononçant longuement sur le chef d’accusation d’attentat à la sûreté de l’Etat, il affirme que son client peut être à la limite poursuivi pour complicité dans cette infraction pour avoir assumé la vacance du pouvoir et non comme initiateur. Le parquet, selon lui, n’a qu’un dossier creux, puisqu’il n’a pas pu démontrer que le président du CND a comploté avec qui que ce soit pour fomenter le coup de force.
« Un putsch n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein, ça se prépare », selon Me Dégli. Et cette préparation nécessaire à l’exécution du coup de force, passe par le complot entre deux ou plusieurs personnes qui planifient et organisent l’action. Il n’est d’ailleurs question d’attentat à la sûreté de l’Etat que quand il y a un complot suivi d’effets. Et dans le dossier du putsch, il ne se trouve nulle part d’éléments de preuve attestant que le général Diendéré a comploté avec une ou plusieurs personnes pour prendre le pouvoir. Son avocat soutient que pendant la transition, il était considéré comme l’ennemi numéro 1 et de ce fait suivi et mis sur écoute. S’il avait effectivement préparé le coup de force, les écoutes l’auraient révélé, ajoute l’auxiliaire de justice. De plus, les sous-officiers qui ont arrêté les autorités de la transition n’ont à aucun moment affirmé à la barre avoir rencontré Gilbert Diendéré pour planifier les choses. « Comment et où s’est alors fait le complot ? Pas de réponse du parquet ! », déplore l’avocat togolais. Parce qu’il a assumé la vacance du pouvoir, son client peut à la limite être poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, mais certainement pas pour initiation de l’infraction.
En ce qui concerne l’ordre de commettre le putsch que le général aurait donné à l’adjudant-chef major Badiel Eloi par l’entremise du sergent-chef Roger Koussoubé, qui lui-même serait passé par l’adjudant Jean Florent Nion, Me Dégli se demande si le général ne connaissait personne au RSP qui soit le supérieur hiérarchique du major Badiel pour avoir eu besoin de passer par Koussoubé pour lui transmettre cet ordre. Parce que Nion aurait affirmé à Badiel, « Djà, le grand là est au courant, est-ce là une confirmation d’un ordre » s’interroge l’avocat. Pour lui, croire en cette affirmation de l’adjudant, c’est décrédibiliser l’armée, puisque cela supposerait qu’on soit passé par un subalterne pour donner un ordre à un officier. « Trouvez quelque chose de plus sérieux pour poursuivre Diendéré, ne jetons pas le ridicule sur nos pays. La haine envers le général est si grande qu’on veut utiliser n’importe quoi pour jeter l’opprobre sur le pays. Je comprends pourquoi on vous demande, Monsieur le président, de juger sur la vraisemblance et j’irai plus loin en disant même l’invraisemblance. C’est parce que ce qu’on vous sert ici n’est pas sérieux ». Aucune preuve dans le dossier, n’attesterait non plus, selon Jean Dégli, du fait que le général Diendéré et le major Badiel se soient concertés donc ait comploté pour écarter les autorités de la transition et prendre le pouvoir. Aussi, « vu que le coup d’Etat se prépare avec un commando d’hommes bien armés, comment Diendéré pouvait-il savoir que l’adjudant-chef major Badiel Eloi était en mesure de faire un coup d’Etat puisqu’ils n’ont ni organisé ni planifié l’action».
Evoquant la déclaration qui aurait été retrouvée dans l’ordinateur de Golf, Me Dégli affirme que tout le monde dans le pays savait pendant cette période qu’il y avait des risques de coup de force, surtout avec l’exclusion de certains partis politiques des échéances électorales. Son client n’a donc rien fait de mal d’avoir ce document par-devers lui. Et si, comme le suppose le parquet, le général avait vraiment rédigé cette déclaration en prévision du putsch, il aurait alors planifié les choses tout seul donc sans complot. Et qui dit absence de complot dit absence d’attentat à la sûreté de l’Etat, ce qui met en branle le chef d’accusation. « Ce qui est arrivé le 16 septembre 2015, ce sont juste des soldats révoltés et déçus de ne pas voir les promesses à eux faites par les autorités s’accomplir. C’est alors qu’ils décident d’arrêter les autorités de la transition, déterminés à aller jusqu’au bout, c’est-à-dire à les exécuter et retourner les armes contre eux-mêmes. Fallait-il laisser le pays entre leurs mains et laisser le chaos s’installer ? Non. C’est en voulant sauver la situation que les médiateurs ont fait des propositions pour que quelqu’un assume la responsabilité, en l’occurrence le général. Où se trouve alors le complot, l’attentat à la sûreté de l’Etat ? Quand on planifie, organise et exécute un putsch, on ne demande pas à quelqu’un d’autre de l’assumer et on ne se fait pas prier pour assumer la vacance du pouvoir ». Et cette sollicitation du général, le colonel major Pierre Sanou l’a affirmée devant le tribunal.
A la décharge de son client, Jean Dégli a prié le tribunal de se rappeler que c’est le général qui avait fait libérer les autorités de la transition, demandé le retour des soldats dans les casernes pour éviter les exactions sur les populations et remis le pouvoir par la médiation de la CEDEAO.