Cinq jeunes frères d’une famille Sawadogo ont été exécutés dans la nuit du 20 au 21 juillet 2019 à Noako dans la commune de Pissila.
Leurs frères aînés Fayçal et Issa Sawadogo qui pointent un doigt accusateur sur les forces de défense et sécurité, se sont présentés à Radio Liberté cet après-midi du 30 juillet pour interpeller les autorités sur leur situation.
Fayçal Sawadogo nous a accordé une interview, il voit dans ces exécutions, un règlement de compte perpétré sous le couvert de lutte contre les djihadistes. Lisez plutôt !
Radio Liberté : une situation dramatique ce serait produite dans votre village et vous concerne directement, qu’en est-il exactement ?
Fayçal Sawadogo : Dans la nuit du 20 au 21 juillet 2019, à Noaka dans la commune de Pissila, situé à 12 km de Kaya, cinq membres de notre famille ont été exécutés sommairement.
Des gendarmes sont venus à 1h du matin accompagnés d’indicateurs, ils ont extirpé les jeunes de leur maison pour les abattre. Un a été abattu dans la cour et les quatre autres ont été transportés sur la route de pissila et y ont été abattus.
Radio Liberté : Qui sont ces jeunes qui on été exécutés ?
Fayçal Sawadogo : Ces jeunes sont mes frères proches, il y a Sawadogo Yacouba, Sawadogo Issouf, Sawadogo Moumouni, Sawadogo Mahmoud et un autre Sawadogo Moumouni. Ils ne sont pas des djihadistes, ils sont inoffensifs, ils se débrouillaient dans l’agriculture. Ce sont des jeunes qui n’ont jamais quitté le village au-delà de 50 km à part Pissila et Noaka, ce sont des jeunes dont le parcours scolaire a été interrompu et qui sont restés au village.
Radio Liberté : à votre connaissance, qu’est-ce qui leur ait reproché ?
Fayçal Sawadogo : On leur reproche d’être de connivence avec les djihadistes.
Radio Liberté : Qui leur reproche cela ?
Fayçal Sawadogo : c’est un jeune du nom de Ouédraogo Kibsa qui est le fils du chef de village de Noaka. L’affaire dure depuis deux ans dans les commissariats et la justice.
Radio Liberté : Vous voulez dire qu’il y a des précédents ?
Fayçal Sawadogo : oui, il y a un précédent qui est lié à un problème de terre entre mes jeunes frères et le fils du chef de village et qui s’est terminé par des accusations fallacieuses. Le nommé Kibsa a déblayé une partie de la terre appartenant à nos parents qu’il exploite depuis environ deux ans sans accord des propriétaires terriens. C’est quand mes petits frères se sont mis à réclamer un lopin pour en faire un terrain de football que le problème a commencé. Plusieurs fois, il a convoqué mes frères à Kaya, à Pissila, il les a même menacé les traitants de rebelles.
Kibsa est aussi propriétaire d’une buvette dans le village et il y a environ deux mois de cela la buvette a été brulée. Il a dit que c’était l’œuvre des djihadistes. C’est ainsi qu’il est allé se plaindre à la brigade de gendarmerie de Piibaoré pointant du doigt huit personnes dont mes jeunes frères. Quand ils sont allés pour répondre, mes cinq jeunes frères ont été relaxés après trois jours d’enquête mais pas les vieux qui étaient avec eux. Kibsa a fait venir un témoin, un charlatan qui dit que les vieux sont venus le consulter pour qu’il le tue mystiquement. Après cela, il y a eu plusieurs convocations, mes frères sont allés répondre mais rien à leur reprocher jusqu’à ce que la gendarmerie vienne les chercher pour aller les exécuter.
Radio Liberté : Qu’est-ce qui vous fait dire que ce sont les forces de l’ordre qui ont exécuté vos frères ?
Fayçal Sawadogo : Ce sont les forces de l’ordre parce que les parents après s’être rendus à la brigade de gendarmerie de Kaya, celle-ci dit n’être au courant de rien. Ils ont saisi le procureur qui à son tour a saisi la brigade de gendarmerie de Piibaoré. Celle-ci a avoué que se sont ses éléments qui sont allés chercher les jeunes.
Mais le procureur leur demande pourquoi il n’a pas été informé, le chef de brigade affirme qu’il s’apprêtait à le faire. Nous voulons savoir ce qui est écrit sur leur procès- verbal pour en arriver là, parce que sur la convocation que Kibsa leur a envoyé, s’était dit que les jeunes étaient de connivence avec les djihadistes. Jusqu’à présent on ne sait sur quelle base les jeunes ont été tués et on aimerait en savoir davantage.
Moi je ne suis ni gendarme ni militaire, mais le peu de connaissances de la vie que j’ai me permet de conclure que c’est un règlement de compte suite à une dénonciation fallacieuse, car partout dans le monde ou on tue les djihadistes, les gendarmes ou les policiers cherchent à avoir de preuves. Il ne suffit de liquider quelqu’un ou des gens sans faire recours à d’autres pistes pour anéantir ce réseau djihadiste. Parce que mes cinq petits frères qui ont été exécutés tous les cinq portables des cinq victimes sont là.
Ce qui veut dire que les gendarme n’ont pas procédé à des fouilles dans leurs portables afin de pouvoir faire des traçabilités et autres analyses. Parce que le téléphone est un facteur essentiel de communication. A travers des analyses on peut savoir si ces jeunes sont dans un réseau djihadiste ou pas.
Radio Liberté : Avez-vous porté plainte?
Fayçal Sawadogo : Oui, nous avons déposé une plainte il n’y a pas une semaine à Kaya. L’avocat nous a appelés pour nous informer que la plainte a été déposée et que la procédure va suivre son cours.
Radio Liberté : au village, vos frères ont été exécutés, qu’est devenue votre famille aujourd’hui ?
Fayçal Sawadogo : notre famille est dans l’abime totale parce qu’il n’y a plus de garçons en tant que tel dans la famille, les femmes elles, se sont réfugiées à Pissila par crainte et notre famille est laissée à elle-même.
Nous les garçons, c’est la peur parce qu’on a toujours les informations que le monsieur Kibsa en question laisse entendre au village qu’il reste dix personnes à prendre. Il parlait comme si lui-même était un chef de l’Armée.
Nous ne savons pas pourquoi un civil va se permettre de tels propos en public en disant qu’il reste d’autres personnes à exterminer. Vraiment ça fait peur et nous ne savons donc pas à quel saint nous vouer dans cette situation.